Le major Ranjeet Khanna (Vinod Khanna), officier décoré et respecté, apprend que son épouse le trompe avec son meilleur ami. Il les tue tous les deux et est arrêté. Cependant, il s’est juré d’accomplir une dernière mission, jeter le collier de mariage de sa femme dans le Gange, même si pour cela il doit échapper aux policiers et devenir l’objet d’une véritable chasse à l’homme… Finalement, il est repris. Mais il doit d’abord être hospitalisé.
Un an après le très beau Koshish, dans lequel Jaya Bhaduri (Bachchan) et Sanjeev Kumar interprétaient un couple de sourds-muets, Gulzar réalise Achanak (à ne pas confondre avec le film homonyme avec Govinda), un thriller réaliste très prenant inspiré de faits réels. Vinod Khanna y est parfait en militaire tourmenté qui, plaçant l’honneur au-dessus de tout, est prêt à tout sacrifier pour le sauvegarder ; le réalisateur décrit bien les réactions et les initiatives d’un homme qui fait passer ses propres valeurs avant la loi, les règles morales avant les "règles légales", et qui en assume les conséquences. Mais pour quelle raison exactement ? Egoïsme ? Amour-propre ? Nécessité impérieuse de "pouvoir encore se regarder dans une glace" ?
Gulzar ne tranche pas. Dans cette œuvre grave, il évite bavardages et passages chantés et/ou dansés (le film, très court, n’en comporte aucun, une audace pour une production bollywoodienne de l’époque), et confronte notre héros meurtrier à d’autres personnages tout aussi humains que lui, notamment ses médecins (Om Shivpuri, G. Asrani) et son infirmière (Farida Jalal), lors de son hospitalisation. Le film n’en est pas moins d’une grande retenue, à l’image de la résignation de notre héros : officier de l’armée, il a été formé physiquement (la longue course-poursuite où il est traqué par la police est d’autant plus intense que le protagoniste et ses motivations cristallisent de vrais enjeux) et mentalement afin de pouvoir affronter tout type de danger la tête haute, en sachant que, même s’il a fait ce qu’il a estimé juste, il ne sera pas forcément récompensé au final.
Ajoutons à cela la présence du toujours impeccable Iftekhar (Sangam, Sholay, Karz), dont le rôle est doublement intéressant puisqu’il interprète à la fois le supérieur hiérarchique et le beau-père du héros.
Si Gulzar est surtout connu de nos jours comme un grand parolier de chansons de films et un poète, il ne fait preuve d’aucune prétention poétique dans cette réalisation, et nous propose ici un film à la narration simple et efficace, qui va à l’essentiel, à la fois populaire et d’une grande sobriété (il est peut-être en ce sens le cinéaste indien le plus comparable au grand Hrishikesh Mukherjee, réalisateur du superbe Anand et producteur exécutif de ce film). Possédant autant le sens du suspense que celui de la tragédie ordinaire, il nous présente avant tout un drame humain d’une évidence troublante, et offre à Vinod Khanna l’un de ses plus beaux rôles dramatiques.