Agantuk
Traduction : Le Visiteur
Langue | Bengali |
Genre | Drame |
Dir. Photo | Barun Raha |
Acteurs | Utpal Dutt, Mamata Shankar, Depankar De |
Dir. Musical | Satyajit Ray |
Parolier | Rabindranath Tagore |
Chanteur | Shramana Guha Thakurta |
Producteur | Satyajit Ray |
Durée | 120 mn |
Anila reçoit une lettre très bien écrite d’un inconnu qui prétend être son oncle disparu. Cet homme qu’elle n’a pas revu depuis ses deux ans serait ainsi le dernier membre de sa famille encore en vie. Dans sa lettre, l’oncle annonce son arrivée pour une semaine, reconnaissant qu’il s’impose un peu mais invoquant l’hospitalité traditionnelle du Bengale pour faire accepter la jeune femme.
Immédiatement, son mari se montre suspicieux quant à la véritable identité de la personne. Celui qui arrive est un inconnu total aux manières qui semblent bien étranges. S’agit-il de l’oncle, ou d’un imposteur venu pour quelque mauvais coup ?
Agantuk est le dernier film de Satyajit Ray, réalisé peu avant sa mort, pour lequel il a reçu trois prix nationaux. Au vu de la notoriété et de la stature du réalisateur, ces récompenses n’étonnent pas. Le cinéaste bengali est certainement l’un des réalisateurs indiens les plus connus du XXème siècle, tant sur le plan national qu’international. Malgré les récompenses, le travail tardif de Satyajit Ray est parfois considéré comme inférieur à ses oeuvres de jeunesse, la faute étant mise sur sa santé plus fragile. Qu’en est-il finalement de ce film ?
Les acteurs sont très justes et leur jeu tout en retenue, crédible, et d’une grande efficacité, notamment Utpal Dutt dans le rôle inquiétant de l’oncle qui fascine et brille. Loin des standards habituels des films commerciaux de l’industrie du cinéma hindi, Agantuk est très sobre, comme le sont la plupart des productions bengalies, souligné par une musique aux accents traditionnels.
Filmé essentiellement comme un huis clos, Agantuk, sans être brillant, dégage une atmosphère bien particulière. On retrouve également la signature de Satyajit Ray dans ce rythme efficace certes, mais lent, que l’on ressent également par exemple dans Le Salon de Musique, rythme qui permet au film de respirer, et de gagner en amplitude et majesté.
De prime abord l’oeuvre ne semble pas exceptionnelle. Les scènes sont relativement intéressantes mais manquent de punch et de piment. Petit à petit toutefois, la tension monte et finalement une réaction s’impose à la fin de la projection : l’enthousiasme. Les dissensions dans la famille, les hypocrisies des conventions sociales que montre ici Ray sont effectivement bien vues et quelques scènes orientées en fonction de thématiques particulières marquent le spectateur.
La scène où l’oncle exhibe son passeport pour prouver son identité puis annonce que les passeports sont faciles à falsifier vaut le détour. Elle est à mettre en rapport avec toute une série de scènes portant sur la question de l’identité : comment savoir si cet inconnu est l’oncle disparu ? Cet étrange étranger peut-il être un membre de la famille ? Toute cette réflexion sur l’identité, la confiance et les conventions sociales fait à elle seule le film.
Par la suite le film se double d’une critique de la modernité et de la civilisation. Ce thème devient de plus en plus important et il se place au coeur du film. L’oncle, qui a vécu loin de la civilisation moderne, remet en cause les préjugés et bouscule les points de vue. Qui est le plus barbare ? Le primitif cannibale ou l’homme moderne qui lance une bombe atomique ? Qu’est-ce que la civilisation ? Le parallèle entre les bons rapports de l’oncle avec des enfants moins pétris de préjugés et les relations plus conflictuelles avec des adultes pleinement "éduqués" et "civilisés" est intéressant. Le film interroge et questionne le spectateur, le mettant face à quelques paradoxes de la modernité, toujours par le biais de l’oncle.
Au final, Agantuk n’est pas un film d’action, mais si on prend le temps de le voir calmement c’est une oeuvre de grande qualité, un de ces trop rares films qui font réfléchir le spectateur.