Amu
Langue | Anglais |
Genre | Drame |
Dir. Photo | Lourdes Ambrose |
Acteurs | Konkona Sen Sharma, Yashpal Sharma, Ankur Khanna, Brinda Karat |
Dir. Musical | Bhupen Hazarika, Nandlal Nayak, Michael Gelasso, Manuel Santos, Bambule |
Parolier | Bhupen Hazarika |
Chanteur | Ashish Ghosh |
Producteur | Shonali Bose |
Durée | 102 mn |
Kaju (Konkona Sen Sharma) est une jeune indo-américaine de 21 ans qui retourne en Inde, à Delhi, pour visiter la famille de sa mère adoptive et retrouver les lieux de son enfance. Au cours d’une soirée étudiante, elle rencontre Kabir (Ankur Khanna). Le jeune homme est tout de suite fasciné par cette jeune femme délurée qui, caméra à l’épaule, veut à tout prix découvrir le vrai visage de son pays d’origine. C’est donc flanquée de Kabir que Kaju part découvrir la ville de Delhi hors des sentiers battus et des hauts lieux touristiques. Au cours de son périple, Kaju rencontre un sympathique propriétaire d’un café de plein air, Gobind (Yashpal Sharma) fan de cinéma hindi en général et de Sholay en particulier — il imite comme personne Gabbar Singh. Celui-ci invite la jeune femme dans son modeste quartier, un bidonville au bord d’une voie ferrée, pour qu’elle filme son fils, danseur hors pair, selon lui.
En arrivant au bidonville, Kaju est assaillie par une étrange vision : une jeune femme et ses deux enfants semblent lui sourire de l’autre côté de la voie ferrée. Cette vision, qu’elle n’arrive à interpréter, trouble la jeune femme et ce, d’autant plus quand Kabir lui révèle qu’il n’y a jamais eu, dans le village où elle croit être née, d’épidémie de malaria qui aurait tué ses parents naturels. Kaju décide alors de rechercher la vérité sur ses origines. Dans sa quête, elle comprend que sa famille d’adoption lui a menti, afin de lui épargner la vérité sur un terrible génocide qui a eu lieu en 1984, alors qu’elle n’était qu’une toute petite fille…
Amu est le premier long-métrage de la réalisatrice d’origine bengalie, vivant aux Etats-Unis, Shonali Bose. Son scénario est construit comme une poupée russe : la petite histoire, la quête des origines de Kaju, s’imbrique dans la grande Histoire, le massacre des Sikhs ordonné par les autorités suite à l’assassinat du premier ministre Indira Gandhi par ses gardes du corps sikhs en 1984. La narration met en valeur cette quête/enquête. Les premières séquences montrent Kaju évoluant dans sa famille d’adoption, s’exprimant en anglais et en hindi. C’est une jeune femme épanouie et cultivée qui entend bien visiter et rapporter de son pays d’origine autre chose qu’une vision de carte postale. Munie d’une caméra, elle se promène dans des lieux insolites, à la rencontre de personnages pittoresques à l’image de Gobind.
C’est à travers Kaju, ses yeux et sa caméra, que nous découvrons les personnages et la ville de Delhi. La vision près du bidonville est l’élément perturbateur de ce voyage. A partir de ce moment, le film prend un tour dramatique et superpose deux strates narratives : celle du présent, où Kaju réalise son enquête/quête pour savoir la vérité sur ses origines et le terrible secret qu’on lui a occulté, et celle du passé, composée d’images du passé de la jeune femme et de séquences flash-backs qui illustrent les différents récits de témoins des événements de 1984. Nous suivons Kaju dans cette enquête difficile où elle se heurte à une véritable omerta : celle de sa mère adoptive et de sa famille sur les circonstances de son adoption, celle des autorités politiques et judiciaires sur le massacre organisé.
Kaju est aidée dans son enquête par Kabir, jeune Indien issu d’un milieu aisé de Delhi, qui découvre, comme elle, le mensonge politique sur les événements de 1984, et par Gobind, personnage haut en couleurs qui apporte au film quelques notes humoristiques. Le titre du film, Amu, diminutif du prénom fémini Amrita, s’éclaire une fois la quête de la jeune femme terminée. On comprend également la morale du film : on ne peut fonder une relation filiale, que ce soit entre une mère et sa fille adoptive ou, sur le plan symbolique, entre la mère-patrie et ses citoyens, sur le mensonge.
Il va sans dire que si l’on adhère complètement à la quête de Kaju, c’est grâce à l’interprétation de Konkona Sen Sharma, très impliquée dans son rôle auquel elle apporte un cachet d’authenticité. C’est d’ailleurs ce qui a motivé le choix de la réalisatrice qui, après avoir auditionné une cinquantaine de jeunes indo-américaines, a préféré Konkona Sen Sharma après avoir vu son interprétation dans Mr & Mrs Iyer, justement récompensée par un national award. Ankur Khanna, dont c’est le premier rôle, est très convaincant aussi, même s’il paraît parfois effacé ou passif par rapport à Konkona. Yashpal Sharma, ayant à son actif de nombreux films hindi dont Lagaan, est un des rares acteurs confirmés de Amu.
Si Amu raconte la petite histoire dans la grande Histoire, le long-métrage est également l’aboutissement d’une longue histoire personnelle, celle de la réalisatrice. Shonali Bose a été témoin du massacre de 1984 alors qu’elle était étudiante à l’Université de Delhi. Volontaire dans un camp d’aide aux rescapés, elle recueille de nombreux témoignages, entre autres de femmes. C’est une fois aux Etats-Unis, à l’Université de Columbia (New York) où elle était partie afin de réaliser un doctorat de sciences politiques, que Shonali Bose prend conscience qu’elle veut faire des films engagés et qu’elle doit témoigner de l’horreur du génocide de 1984. Elle décide alors d’aller étudier le cinéma et la réalisation à la prestigieuse université de UCLA (Californie).
L’écriture de Amu et la recherche de son financement prendront quatre ans pendant lesquels Shonali Bose n’écoutera que sa raison et n’aura cure des avis lui conseillant de faire un film moins engagé et plus vendeur. C’est grâce à une somme d’argent inattendue, gagnée par son mari (des royalties versées par la NASA pour sa participation à la conception d’un projet), que les premiers fonds ont été réunis et que la pré-production a pu commencer. En effet, aucun producteur indien ne voulait investir dans le film de peur de voir flamber les cinémas où il serait projeté. Le bureau de la censure indien approuvera la sortie du film avec une interdiction aux moins de 17 ans, signifiant à la réalisatrice qu’il n’est pas bon de remuer le passé. La ténacité de Shonali Bose pour réaliser Amu aura raison de tous ces obstacles et le film sera justement récompensé par deux national awards et le prix de la critique FIPRESCI (Delhi). Il sera également en sélection officielle aux festivals de Toronto (2005) et de Berlin (2005).
Les photos et les informations sur la genèse de Amu sont tirées du site du film
Voir également la vidéo du making of