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Arjun : The Warrior Prince

Traduction : Arjun: le prince guerrier

Bande originale

Daanav
Karam Ki Talwar
Manva
Kabhi Na Dekhe Hastinapur Mein
Samay
Khandav

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La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 24 février 2015

Note :
(7/10)

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Yuvraj s’excite comme un fou, seul avec son épée de bois contre un mannequin de chiffon. Pourtant, la nuit est tombée sur le palais. Il est grand temps de dormir. Le jeune prince est bien sûr incapable de se laisser gagner par le sommeil, alors, comme autrefois, sa gouvernante lui raconte une histoire. L’histoire d’un grand guerrier, voilà qui pourrait aider Yuvraj à s’endormir.

Il y a bien longtemps, au royaume d’Hastinapur, le roi Pandu avait abdiqué en faveur de son frère Dhritarashtra et s’en était allé vivre en ermite dans la forêt. Il y avait eu cinq fils qu’on appelait collectivement les Pandavas. À la mort de Pandu, la petite famille est retournée vivre au palais. Dhritarashtra avait eu cent fils, les Kauravas. Les cinq Pandavas se sont donc retrouvés avec leurs cousins les Kauravas, entraînés tous ensemble au maniement des armes par Drona. Arjun était le plus habile, en particulier avec un arc. Drona fondait de grands espoirs dans le jeune Pandava.

Mais le temps passant, rivalités et jalousies entre Pandavas et Kauravas se faisaient plus vives. Au cours d’un exercice, Duryodhan, l’ainé des Kauravas avait même tenté de noyer Bheem, le cadet des Pandavas. Le vieux roi Dhritarashtra avait bien compris que sa propre succession serait difficile et la guerre entre Kauravas et Pandavas paraissait difficile à éviter. Duryodhan voulait à tout prix la couronne d’Hastinapur, même s’il lui fallait pour cela tuer Arjun son cousin…

Arjun : The Warrior Prince raconte une petite partie du Mahabharata, simplifiée et romancée. Il est pourtant d’une extraordinaire richesse au point que le début du film peut sembler difficile à suivre. Peut-être pour éviter d’innombrables digressions, de nombreux aspects sont passés sous silence. C’est ainsi par exemple que le spectateur peut être surpris de découvrir, sans explication, que le roi Dhritarashtra est aveugle et s’interroger sur le fait que son épouse Gandhari l’accompagne les yeux bandés. Leur différence d’âge étonne tandis que sa descendance de cent fils est incroyable. Pourtant, peu à peu, nous entrons dans l’épopée. Les aspects religieux, masqués au début, éclairent petit à petit la compréhension pour culminer avec l’initiation d’Arjun.

Le film peut heureusement se voir comme une histoire extraordinaire et passionnante. Au bout de 30 minutes, nous sommes familiers des nombreux personnages. Leur logique propre nous devient accessible et nous pouvons nous y attacher et les comprendre. Il n’en reste pas moins que le décalage avec les références occidentales est immense. La guerre entre les Pandavas et les Kauravas n’est pas la guerre de Troie. Arjun n’est ni Achille ni Énée, il est beaucoup plus que cela… On ne peut être qu’admiratif du travail des scénaristes qui ont réussi le tour de force de nous faire entrevoir les merveilles de ce monde sans nous lasser ni nous noyer dans sa complexité.

Les motivations tant des Pandavas que des Kauravas sont très humaines. Jalousie, désir de vengeance, soif immodérée du pouvoir, ils nous font voir toute la palette de nos turpitudes. Nous sommes donc à la base en terrain connu. L’épopée prend en revanche une autre dimension quand les dieux s’en mêlent, Krishna d’abord puis Shiva, lorsqu’Arjun devient guerrier divin. La gouvernante ponctue d’une voix douce son récit au jeune Yuvraj par des explications qui nous sont également destinées. Cela ne s’apparente cependant pas à de l’éducation religieuse. Les auteurs nous laissent libres d’adhérer ou de n’y voir qu’une histoire merveilleuse. Les multiples morales ne sont pas assénées comme des vérités indiscutables. Il s’agit plutôt de propositions que le spectateur peut en définitive accepter ou rejeter.

On pourra donc se contenter des combats et batailles qui émaillent le récit. Arc, urimi, sabre, lance, churika, tout est bon pour détruire son adversaire. Quand les armes ne sont pas disponibles, c’est à coups de poing ou de pied qu’il sera mis à terre. Arjun : The Warrior Prince est sanglant, comme pour mieux illustrer l’époque troublée de cette grande guerre fratricide. Les jeunes garçons seront certainement aux anges, les filles peut-être moins. Dans le fond, les seuls personnages valorisants sont masculins alors que les femmes sont très en retrait. Même Draupadi, la femme d’Arjun, n’a droit qu’à quelques mots. À bien y regarder, sa main est le premier prix d’un concours d’adresse consistant à tuer un poisson. Il est beau, mais quand même…

Le texte du Mahabharata est plus cruel encore avec Draupadi. Elle est en réalité la femme des cinq Pandavas et non du seul Arjun comme le montre le film. De plus, lorsqu’elle est perdue dans une partie de dés dont elle constitue la dernière mise, elle ne doit qu’à sa piété de n’être pas violée par les Kauravas, ce qui n’est même pas suggéré ici. Les auteurs n’ont pas seulement simplifié l’histoire, ils l’ont aussi un peu modernisée. Ils l’ont également totalement sortie du temps. Les films et les séries tels que Karnan ou le célèbre Mahabharat diffusé en 94 épisodes sur la chaîne Doordarshan à partir de 1988 décrivent en général une épopée qu’on pourrait situer à une époque relativement récente. Il n’est pas possible ici d’imaginer quand elle a lieu ce qui brouille les repères et aide à se laisser emporter par le tourbillon.

C’est aussi le cas d’un autre film d’animation, Mahabharat, sorti en fanfare à Noël 2013 avec une pléiade de vedettes pour doubler les personnages et leur donner un visage. L’animation extrêmement médiocre — encore pire que celle de Kochadaiiyaan — comme la laideur de ses décors dissuaderait même les plus curieux. Au contraire, les décors d’Arjun : The Warrior Prince sont souvent magnifiques, participant du plaisir de voir le film. Les personnages en cel-shading sont facilement identifiables et ses animations, sans être toujours à la hauteur des productions occidentales modernes, sont tout à fait acceptables. Les combats sont prenants et correctement chorégraphiés.

Ce succès technique s’accompagne d’effets numériques intéressants tels que les incendies ou les ombrages. Les mouvements de caméra sont parfaits, laissant penser qu’une partie de l’animation a été réalisée par ordinateur. Certaines scènes même ont été jouées par des acteurs et ensuite redessinées à la main. Cette méthode, différente du motion-capture, accentue ici le réalisme en permettant des mouvements fluides et réalistes. Enfin, l’évocation du divin est remarquable, aux antipodes de ce que l’on peut voir dans la plupart des films mythologiques indiens.

Le son n’est pas en reste. Les bruitages sont impeccables et les voix sont très agréables, en particulier celle de la gouvernante. La musique de fond de Dhruv Ghanekar accompagne parfaitement l’action comme dans le combat final. Arjun : The Warrior Prince comprend six chansons du duo Vishal-Shekar. Elles sont jolies sans pourtant rester dans l’oreille ou inviter à la danse.

Les films d’animation sont en général destinés au jeune public. C’est également le cas d’Arjun : The Warrior Prince. Ce que le marketing de Disney — qui a coproduit le film — ne dit pas, c’est que les parents gagneront aussi à accompagner leurs enfants. L’histoire passionnante peut se voir à de multiples niveaux. Elle ne s’apparente jamais à un préchi-précha et ne rebutera pas une seconde ceux que le Mahabharata aurait pu effrayer. Cette réussite est peut-être le film d’animation indien le plus abouti techniquement.

Les sous-titres anglais du DVD indien sont pas toujours faciles à lire. Heureusement, il existe maintenant une version doublée en français que Marine a testée dans cet article.



Bande-annonce (version française)

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