Billa 2
Langue | Tamoul |
Genres | Film d’action, Film de gangsters |
Dir. Photo | R. D. Rajasekhar |
Acteurs | Ajith Kumar, Bruna Abdullah, Parvathy Omanakuttan, Omanakuttan, Vidyut Jamwal, Sudhanshu Pandey |
Dir. Musical | Yuvan Shankar Raja |
Parolier | Na. Muthukumar |
Chanteurs | Ranjith, Tanvi Shah, Yuvan Shankar Raja, Shweta Pandit, Stefny, Suvi Suresh, Andrea Jeremiah, Sofia Bedia |
Producteur | Sunir Kheterpal |
Durée | 129 mn |
A l’issue de la projection de Billa 2, en avant-première, au Gaumont Saint-Denis, je me suis posé une question simple : Qu’attend-on d’un film ? Cette interrogation peut, à première vue, paraître naïve, mais face à la ferveur que peut générer ce genre de film et dont j’ai été directement témoin, en cette soirée du 12 juillet 2012, on essaye de comprendre l’enthousiasme général, malgré la pauvreté du spectacle offert.
Dire que Billa 2 était uniquement attendu par les fans de l’acteur Ajith, serait un euphémisme. Non, même sans être un initié de la franchise mafieuse ou un fervent ajithophile, Billa 2 est une sortie incontournable pour tout cinéphile kollywoodien qui se respecte et ce pour deux raisons : Chakri Toleti et Ajith. Le premier, est l’un des réalisateurs, les plus prometteurs du cinéma tamoul et le second, n’a nul besoin d’être présenté, sa seule présence à l’écran, suffit à embraser le public. Donc oui, Billa, deuxième du nom, est un événement, un BLOCKBUSTER en puissance sur le papier, mais qu’en est-il vraiment ?
Le synopsis du film est aussi friable qu’une gaufrette d’un hard-discount et pas besoin de cinq lignes pour le résumer. A vrai dire, la phrase d’accroche de l’affiche, suffit amplement : Chaque homme a un passé. Chaque Don a sa légende. Vous l’aurez compris, Billa 2 revient sur les jeunes années de David Billa, parrain redouté et redoutable, qui perd brutalement la vie dans le premier opus, sorti en 2007, Billa.
Dès la scène d’ouverture, le spectateur est au summum de la jubilation, face à un générique, graphiquement abouti et virtuose dans son procédé. On est soufflé par l’ingéniosité du réalisateur, qui parvient à résumer l’enfance du héros et communiquer toute sa fureur, en quelques minutes ! Très sincèrement, on se dit : Chakri Toleti, bienvenue à Kolly !
Malheureusement, à ce moment-là, on ne sait pas encore, qu’au générique de fin, on déchantera. Honnêtement, on se sent biaisé, en avançant dans le film, car ce qui lui manque, c’est justement ce qui a été expédié, à la va-vite, dans cette séquence d’introduction. C’est triste, car Billa était si emblématique et mystérieux dans le premier film, qu’on est frustré de ne pas connaître sa genèse. Pourquoi cette noirceur ? D’où lui vient cette insatiable avidité ? Sont autant de questions qui demeureront sans réponses.
Bref, tout ce que le parrain mafieux, avait à offrir en peine, humanité et adversité, a été sacrifié, au profit d’une intrigue superficielle, privilégiant la frime et le clinquant. Qu’est-ce qui fait d’un gangster, un homme sombre et sans pitié ? Sûrement pas son costard et ses flingues, mais des plaies ouvertes qui ne guériront jamais. Carton rouge donc, au réalisateur, pour avoir choisi la facilité du film d’action, qui au final, n’est pas non plus une réussite.
Cependant, tout n’est pas à jeter, car Billa 2, à défaut d’avoir une trame consistante, assure le minimum, en racontant de manière efficace, l’ascension, à la fois sanglante et parfois invraisemblable, de David Billa, le plus grand criminel d’Asie du sud. On ne peut pas dire que le réalisateur se soit foulé sur le scénario, mais il maîtrise son sujet, aussi famélique qu’il soit, et nous fait oublier, l’instant de quelques scènes, vraiment bien orchestrées, l’arnaque globale.
Le travail d’écriture de Chakri Toleti, s’apparente à celui d’un FPS (First-person shooter - jeu de tir à la première personne). Il a raté sa vocation de concepteur de jeux vidéos, car Billa 2, aurait été un très bon titre sur console. C’est simple, David Billa enchaîne les répliques-cultes en castagnant et fusillant tout sur son passage. Pire que l’inspecteur Harry au rayon des gâchettes faciles, Ajith surpasse de loin, l’illustre Charles Bronson, sans en avoir la moustache ! Je ne parle même pas de John McClane qui peut aller se rhabiller.
Et que dire des épreuves que Billa doit affronter pour devenir un parrain respecté ! L’apprenti gangster, gravit les échelons du milieu, en deux temps, trois mouvements, pour se retrouver dans le trafic d’armes. En restant dans le jargon des jeux vidéos, même un joueur en état de grâce (mode Godlike), y laisserait quelques vies, à ce rythme. Présenter ce genre de scénario décérébré, de manière éhontée, revient à insulter l’intelligence d’un public connaissant des classiques comme Nayakan, Company, Le Parrain ou Les Affranchis. Chakri Toleti réussit le tour de force de décrédibiliser un personnage-phare du cinéma indien. Bravo !
Si les Razzie awards (prix récompensant les pires navets du cinéma américain) existaient en Inde, Billa 2 en amasserait un joli nombre. Tant les erreurs et autres approximations se bousculent à l’écran. Tout d’abord, Ajith incarne David Billa, un réfugié srilankais qui parle un tamoul qui n’a aucun accent srilankais. Cette aberration s’étend à tous les seconds rôles évoluant dans ce camp d’exilés. La sœur aînée de Billa âgée de 18-20 ans, quitte le Sri Lanka au début des années 80, à cause des guerres civiles, avec sa petite fille de 2 ans. Alors, comment, au début des années 90, où se situe l’action du film, elle peut paraître en avoir 50, avec une fille de plus de 18 ans ? La guerre peut faire vieillir plus vite, mais elle ne provoque pas de fissure temporelle. La chronologie ne semble pas être le fort du réalisateur, car Billa était plus fringant en 2007, alors qu’ici, 10-15 ans plus tôt, il fait facilement 40 ans. Enfin, niveau anachronisme, Chakri démocratise le GPS et les systèmes de vidéosurveillance sophistiqués, au début des années 90, alors qu’historiquement, ces technologies en étaient à leurs balbutiements à ce moment. Pareil pour les styles vestimentaires et musicaux, les Indiens étaient en avance sur leur temps ! Il ne manquait plus qu’ils nous sortent les téléphones portables, mais là, l’honneur est sauf ! Chakri a eu la bonne idée de faire apparaître le mythique DynaTAC 8000 (ancêtre des cellulaires) de cette grande époque. Cette référence ne sauve pas le film, car les mecs qui tiennent ce téléphone, sont plus actuels que nos contemporains niveau fringues ! Zéro pointé donc, sur la reconstitution, car le film n’est absolument pas ancré dans son époque, ni du point de vue de l’intrigue, ni des décors.
Passons à l’interprétation ! Avant de parler d’Ajith, expédions rapidement, la bande de bras cassés qui semblent provenir d’une telenovela brésilienne et peuplent ce casting honteux. Je ne sais pas si on peut parler de comédiens, car aucun d’eux ne l’est réellement et cela transparaît comme de l’eau claire dans Billa 2 (rien à avoir avec la haute résolution de la caméra RED EPIC utilisée ici). Commençons par les filles ! Parvathy Omanakuttan, ex-Miss et sans aucun doute, ex-actrice, après ce film, est sacrément cruche. C’est surréaliste, mais le personnage qu’elle interprète est sûrement atteint d’une dégénérescence mentale, car elle se nourrit exclusivement de glaces, sourit bêtement, fantasme sur un oncle, qu’elle n’a techniquement jamais vu auparavant, consomme des champignons hallucinogènes pour être plus sexy et le séduire. Et je n’ai pas fini, c’est une adepte du gloss Hello Kitty qui ferait passer ses lèvres pour des fraises tagadas d’Haribo. A côté, Bruna Abdullah et non Abdallah (comme c’est mentionné dans le générique (encore une preuve de professionnalisme)), est à tomber par terre. Oui, corps sculptural, yeux de biche, mais regard de bœuf et doublage affligeant ! L’actrice n’ouvre pas souvent sa bouche, mais le peu de fois qu’elle le fait, elle a été doublée comme pour censurer des grossièretés. Il n’y a absolument, aucune synchronisation entre les mouvements de ses lèvres et la voix qui la double.
Si les personnages féminins sont mal écrits, les méchants du film, sont d’authentiques blagues ambulantes. Sudhanshu Pandey campe le premier méchant, et comme dans un jeu vidéo, c’est le boss tout pourri. Il est plus crédule que Casimir et aussi utile qu’un des nombreux cascadeurs qui trépassent durant les scènes d’action. Pour finir, Vidyut Jamwal, l’expert en arts martiaux qui t’éclate 10 mafieux en moins d’une minute top-chrono pour sa scène d’introduction, se fait latter la tronche par Ajith, sans broncher ! Le pire, c’est qu’on le fait passer pour un Géorgien à côté de vrais locaux, blancs comme des cachets d’aspirine. Pour prendre la défense du réalisateur, on dira que Dimitri (le prénom de son personnage) était parti planquer ses tunes aux îles Caïmans. D’où son parfait bronzage qui le fait passer pour un Indien ! Ce n’était pas dans le scénario, et on devait le deviner !
Si le film tient, c’est en grande partie, sur les épaules d’Ajith. Malgré le surpoids et le visage marqué par les années, l’acteur s’en tire avec les honneurs. On lui reprochera, son manque d’attention, quant aux failles scénaristiques et autres énormités citées plus haut, surtout, du fait de l’image de perfectionniste qu’il cultive. Mais malgré sa mine hargneuse, l’acteur s’est donné corps et âme à son rôle. La gestuelle, l’attitude et l’énergie déployée, sont autant de points qui permettent au personnage de David Billa, d’irradier l’écran. La scène d’action finale, dans l’hélicoptère, a été exécutée par Ajith, en personne et sans doublure. Je peux vous assurer qu’en dépit d’un bon rythme, niveau action, le risque qu’il a pris, nous donne des frissons. Ajith est omniprésent, du début à la fin, et ce n’est pas lassant car son charisme est un élément-clé de cette production.
Question technique, il y a de l’excellence et du très mauvais. Celui qui survole Billa 2, en ne livrant, rien de moins que le meilleur, c’est le directeur photo R.D. Rajasekhar et sa caméra RED EPIC. Beaucoup de choses, ont été dites sur ce matériel révolutionnaire, utilisé par de grands cinéastes comme Peter Jackson, mais les images valent mieux qu’un grand discours ! C’est ainsi, que j’en ai pris plein les yeux durant cette projection. Je ne sais pas si les futurs DVD et disques Blu-ray, rendront pleinement justice à la qualité d’image, tant la richesse de chaque image, nous chatouillait la rétine. Joignez à cela, le travail fait sur les tons de couleur et la lumière, qui illustrent l’ambiance des scènes de Billa 2. Je ne suis pas un expert en la matière pour prétendre que la caméra a été exploitée, au maximum de ses capacités, mais la qualité d’image de ce film, tranche avec tous ceux que j’ai vus auparavant. L’immersion est totale, et l’expérience cinéma est bluffante, même si le film n’est pas fameux dans son contenu. Justement, la casse a été limitée grâce au montage de Suresh Urs qui a dynamisé chaque séquence, en évitant les longueurs inutiles. Sans lui, on imagine mal supporter ce film, pendant 2h10.
Les chorégraphies martiales et les cascades ont été réglées par une équipe germano-thaïlando-indienne, composée par Stefan Richter, Kecha Khamphakdee et K. Rajasekhar. Ils ont chacun supervisé, les scènes d’action se déroulant entre la Géorgie et Goa. D’un point de vue comptable, Billa 2 est sans l’ombre d’un doute, le film indien, le plus riche en action. Pour le coup, on est plus que gâté avec un florilège de démonstrations de force : combat à l’arme blanche, au corps-à-corps, aérien, terrien, gunfight, explosion, etc. Si le but était de nous en mettre plein la vue, eh bien, c’est réussi ! Mais comme le reste, c’est au détriment de la logique. Je m’explique, les bastons du film sont intenses, violentes et parfois spectaculaires, mais manquent cruellement d’intelligence. Quand David Billa ne descend pas quelqu’un à bout portant, il se débarrasse d’une armée de flics, à l’aide de son compère, et… d’un pauvre fusil à pompe. Le point de non-retour est atteint lorsque des tireurs d’élite, aussi exposés que des cibles en carton, sont mis en déroute par des 4X4 en mouvement, qui démarrent une tornade de poussière aveuglante. Enfin, comment peut-on neutraliser des éléments mobiles avec une précision chirurgicale, en se tenant sur un aimant suspendu à plusieurs mètres de haut ? Ce genre d’ânerie aurait été jouissif dans un masala comique, mais ici, on ne peut le tolérer, car le ton ne s’y prête pas. Mention spéciale, pour la scène d’exécution d’un méchant avec un… bazooka à bout portant !
A toute épreuve (Hard Boiled), sorti en 1992, est le dernier film hong-kongais de John Woo (Volte-Face), avant son expatriation aux Etats-Unis. Une vingtaine d’années s’est écoulée depuis, mais les scènes de fusillades restent inégalées. Si Chakri Toleti passe par là, il devrait faire un stage auprès de M. Woo, car ses séquences d’action, ne sont ni rythmées, ni réalistes pour une roupie. Et quelle idée d’utiliser des étincelles en images de synthèse, lorsqu’on est de véritables incompétents en la matière et qu’il existe des effets pyrotechniques ayant fait les beaux jours des séries B d’action des années 80 et 90.
Voici un cours de scène de fusillade pour M. Toleti :
Enfin, l’autre aspect important de Billa 2 était la musique de Yuvan Shankar Raja, déjà compositeur de la bande originale du premier film. Quand on compare les deux albums, il n’y a pas photo, la régression est évidente. Même si vous n’aimez pas les sonorités électroniques, le travail de Yuvan sur les mélodies et la production, avait énormément contribué au succès de Billa. Mais sur ce film, c’est du grand n’importe quoi ! Du point de vue de l’habillage musical, seul le thème original du premier film et les musiques de fond, sauvent le compositeur. Mis à part Idhayam, le reste des chansons attestent du manque d’inspiration de Yuvan. Si Chakri nous a gratifié de belles erreurs scénaristiques, Yuvan invente les anachronismes musicaux en nous pondant des morceaux électro qui ne collent pas du tout au moment de l’action du film.
Pour en revenir à ma question de départ : Qu’attend-on d’un film ? J’attends d’un film, de l’adrénaline, mais aussi des émotions. Si un long métrage, n’est qu’une suite de scènes-chocs, montées bout à bout, j’appelle ça une compilation. Le réalisateur a une lourde responsabilité vis-à-vis de son public et de ses personnages. Chakri Toleti semble l’avoir oublié, et en plus d’avoir laissé ses acteurs en roue libre, il s’est contenté de nous proposer un feu d’artifice sans aucune magie ou intelligence. Billa 2 est un ratage total qui ne doit son succès qu’à Ajith Kumar. On parle beaucoup de reboot, notamment pour des films aussi récents que Spider-Man ou Total Recall. Billa 2 est tellement mauvais qu’un reboot s’imposerait et honnêtement, personne ne pourra faire pire que celui-ci.