Do Aankhen Barah Haath
Traduction : Deux yeux, douze mains
Langue | Hindi |
Genre | Films sociaux |
Dir. Photo | G. Balkrishna |
Acteurs | V. Shantaram, Sandhiya |
Dir. Musical | Vasant Desai |
Parolier | Bharat Vyas |
Chanteurs | Lata Mangeshkar, Manna Dey |
Producteur | V. Shantaram |
Durée | 143 mn |
Un jeune gardien de prison, Adinath, fait un pari fou : faire de six criminels endurcis, des honnêtes hommes, par la force de l’éducation, de l’exemple et du travail.
Il les sort de prison et les emmène loin de tout dans une masure isolée dont il compte faire une ferme entourée de cultures qui les nourriront. Une seule obligation : rester vivre là, jusqu’à la fin de leur peine, en participant à la vie de la ferme.
Passés les premiers jours de gratitude et de joie de se retrouver au grand air, les criminels commencent sérieusement à déchanter. Travailler du matin au soir ? Gratter cette terre ingrate ? Obéir à des règles sans maton ni bâton ? A quoi bon…
Les histoires des uns et des autres refont surface, comme certains des penchants naturels qui les ont menés derrière les barreaux. Rien n’est facile, mais leur mentor ne se décourage pas, il continue d’avancer, explique, donne l’exemple, éduque, inlassablement. Il n’utilise jamais la violence, mais son regard (Do Aankhen, deux yeux), où sont concentrées toute sa force, sa volonté, sa confiance, est plus fort que toutes les résistances.
Peu à peu il gagne leur respect et la situation s’améliore. Les deux enfants d’un des criminels, leur mère disparue, viennent vivre avec eux. La jolie Champa, colporteuse, musicienne ambulante, reste de plus en plus souvent dans la maison pour s’occuper des enfants, petits… et grands. Une drôle de famille se recompose ainsi, avec des moments de douceur, de joie, mais rien n’est acquis, la tentation reste au cœur de certains, de renouer avec leur ancienne vie. Et des événements extérieurs viennent compliquer la vie de la petite communauté.
Do Aankhen Barah Haath est une fable sociale qui s’interroge sur la rédemption, met en scène des personnages très humains, avec leurs bons et leurs mauvais côtés. L’humanisme est omniprésent, mais pas l’angélisme, et c’est ce qui donne au film toute sa force. Face à ce monde masculin mené par le très sérieux Adinath (incarné par le réalisateur, V. Shantaram), Champa la colporteuse apporte une touche charmante de fantaisie, de féminité, de joie de vivre qui donne un très bel équilibre au film. Mais avec Champa (incarnée par Sandhiya) vient aussi la tentation, rien n’est tout blanc ou tout noir…
Le célèbre réalisateur V. Shantaram a choisi de tourner Do Aankhen Barah Haath en noir et blanc, travaillant la lumière et les ombres, une photo qui rappelle les films expressionnistes allemands et les films russes de la grande époque. Le film s’inspire directement de la philosophie de Gandhi, mais ne se veut pas « prêcheur », pas de grand discours, pas ou peu de leçons de morale. Et de l’humour régulièrement, par petites touches inattendues.
On ne s’ennuie pas une seconde, on ressort fortifié, vivifié par cette belle histoire qui donne envie de croire en l’être humain malgré ou plutôt avec toutes ses imperfections.
Le film est tiré d’une histoire vraie, une expérience de prison ouverte menée à côté de Pune après l’indépendance.
La musique de Vasant Desai est un des grands atouts du film, avec des mélodies qui sont aujourd’hui des classiques, pour la plupart chantées par Lata Mangeshkar. Ces chansons font partie intégrante de l’histoire. Avec Sainyaan Jhoo Thon Kaa on voit la première apparition de la musicienne ambulante qui chante pour elle-même, foulant le désert, venue de nulle part, et qui continue sa route vers nulle part. Ho Umad Ghumad Kar montre les hommes au travail, la nature et son œuvre bienfaisante. Avec Tak Tak Dhum Dhum, Champa chante pour les enfants, sur un rythme de plus en plus effréné. La dernière chanson, Ae Maalik Tere Bande Hum, est une prière particulièrement émouvante.
Do Aankhe Barah Haath fait partie du Top 25 Must See Bollywood Films d’IndianTimes Movies, publié en 2005. Il a reçu le National Award du meilleur film et l’Ours d’Argent au festival de Berlin en 1958. En 1959, il a reçu le Samuel Goldwyn Award du meilleur film étranger, aux Golden Globes.
Le thème de la rédemption des criminels est assez répandu dans le cinéma hindi, mais il n’a jamais été traité avec autant de profondeur et de force que dans ce film. On peut cependant trouver une démarche analogue dans Sholay où c’est le courage désintéressé qui est facteur de rédemption, alors que dans Do Aankhen Barah Haath c’est plutôt le travail.
Il faut citer aussi Karma de Subhash Ghai en 1986 : un directeur de prison se fait accompagner par trois criminels qu’il sort de prison, pour accomplir sa vengeance. Au cours de leur mission, ces criminels vont trouver la réhabilitation. Mais là est toute la différence : dans Karma, la rédemption est une conséquence, non un effet recherché, le directeur de prison ne cherche pas à les éduquer (pourtant il y aurait de quoi faire !). Autre différence notable, dans Karma les criminels sont plutôt gentils et incarnés par des stars, ce sont eux les héros du film, alors que dans Do Aankhen Barah Haath, c’est l’humanisme le héros du film, et les prisonniers ne sont ni beaux ni gentils.
Photos issues du site toddstadtman.com
où figure aussi un article très complet (en anglais) sur le film.