Drunken Mistresses
Publié vendredi 24 octobre 2014
Dernière modification vendredi 10 avril 2015
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◀ | Medley : Bombay Talkies |
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L’alcool c’est le mal. Les religions le bannissent et la morale le reprouve. Un homme qui boit, on peut le plaindre. L’image d’une femme soûle constitue en revanche une sorte de sommet de l’indécence.
Pourtant, Bollywood use et abuse des femmes ivres depuis des décennies. Comme la morale doit rester sauve à la fin, les épisodes éthyliques sont brefs, en général confinés à des chansons. Il s’agit souvent d’item-numbers, Bindu et Helen s’en sont donc données à cœur joie. Mais les actrices de premier plan, telles que la grande Meena Kumari, ont aussi interprété ces femmes titubantes. Les plus grandes chanteuses, comme l’extraordinaire Asha Bhosle, ont été leurs voix.
Voici quelques-uns de ces cocktails canailles…
Titre : Na Jao Saiyan Chhudaake Baiyan
Année : 1962
Chanteuse : Geeta Dutt
Compositeurs : Hemant Kumar (musique), Shakeel Badayuni (paroles)
Ce qui se passe à l’écran : Chhoti Bahu (Meena Kumari) boit pour tenter de retenir son mari (Rehman) au palais. Cela a fonctionné quelques temps, mais Saheb lui annonce qu’il s’en va rejoindre à nouveau sa courtisane…
Pourquoi boire ? Chhoti Bahu se déshonore dans l’alcool par amour. C’est pour elle, une femme mariée hindoue, un sacrifice presque pire que la mort. Son époux ne l’aime pas et les supplications de sa femme dans les vapeurs éthyliques, vautrée sur le lit, ne lui inspirent que du mépris. À l’inverse, Saheb, qui cuve lorsqu’il ne boit pas, n’éprouve ni honte ni remords.
Titre : Peeke Hum Tum Jo
Année : 1965
Chanteuses : Asha Bhosle et Usha Mangeshkar
Compositeurs : Shankar-Jaikishan (musique), Hasrat Jaipuri (paroles)
Ce qui se passe à l’écran :Asha (Nanda) et Kitty (Helen) font partie du petit groupe décimé un à un dans un château isolé. Pour se donner du courage, Kitty incite Asha à l’accompagner dans la boisson…
Pourquoi boire ? Initialement, les deux filles avaient décidé de se soûler pour exorciser la peur. Mais ce qui constitue normalement une grave transgression de l’ordre moral est montré plutôt comme une libération réjouissante. L’alcool est un outil d’émancipation, et même les gros yeux du monsieur qui n’en revient pas d’une telle audace ne suffisent pas à ramener les demoiselles sur terre.
Titre : Aao Huzoor Tum Ko
Année : 1968
Chanteuse : Asha Bhosle
Compositeurs : O. P. Nayyar (musique), Noor Devasi (paroles)
Ce qui se passe à l’écran : En rentrant chez elle, Roma (Babita) tombe sur Vicky (Biswajeet) en galante compagnie. Ils se séparent sur le champ. Quelques temps après, Vicky est assis au bar du nightclub où il chante habituellement. Roma fait son entrée…
Pourquoi boire ? Roma s’abandonne dans l’alcool par jalousie. Elle espère confusément donner une leçon à Vicky en transgressant ainsi les bonnes manières. Mais il est juste un peu irrité et se contente de froncer les sourcils. Au contraire, les autres hommes présents sentent la bonne affaire. Ils se précipitent pour profiter de l’occasion comme une nuée de vautours sur une bête blessée. La femme soûle n’inspire pas la compassion, mais la convoitise. Il y avait encore du chemin à faire en Inde en 1968…
Titre : Han Ji Han Maine Sharaab
Année : 1972
Chanteuse : Lata Mangeshkar
Compositeurs : R. D. Burman (musique), Anand Bakshi (paroles)
Ce qui se passe à l’écran : Toute la famille est réunie pour les fiançailles de Ravi (Sanjeev Kumar) et de Seeta (Hema Malini). Soudain, Seeta apparaît en haut du grand escalier…
Pourquoi boire ? Seeta utilise le choc que représente une femme ivre pour l’assemblée de bien-pensants. Il n’est qu’à remarquer la répugnance extrême qu’éprouve le prêtre lorsque le verre d’alcool lui tombe entre les mains. L’objectif assumé est de faire échouer la cérémonie. La morale est donc sauve car c’est un noble dessin. Et puis d’ailleurs, dans la suite elle déssaoule instantanément, ce qui peut faire dire qu’elle n’avait pas vraiment bu. C’est mieux ainsi n’est-ce pas ?
Nous sommes en 1972 et le film utilise beaucoup l’alcool. Dharmendra y va de sa petite chanson avinée et la bagarre finale se déroule dans une distillerie.
Titre : Hungama Ho Gaya
Année : 1973
Chanteuse : Asha Bhosle
Compositeurs : Laxmikant–Pyarelal (musique), Verma Malik (paroles)
Ce qui se passe à l’écran : Rita (Bindu) anime une soirée en boite de nuit…
Pourquoi boire ? Rita a le vin festif. Elle boit sans d’autres raisons que de s’amuser et elle domine les fêtards qui osent à peine s’approcher. C’est une sorte de meneuse de revue qui joue au Sacre du Printemps. Pour la première fois, il n’y a pas de jugement moral. Et lorsque Sanjeev Kumar la prend fermement par le bras, ce n’est pas pour lui reprocher son attitude. Il veut juste l’interroger pour résoudre une affaire criminelle.
Cet item-number a été repris dans Queen, remixé par Amit Trivedi. Rani s’y libère de celui qui n’a pas voulu l’épouser. Mais dans sa version originale avec Bindu, il n’est pas question de libération, Rita est déjà une femme libre. Et elle revendique le droit de boire et de choisir ses amants, comme un homme…
Une dernière remarque : ce morceau extraordinaire s’écoute à fond mais les images pourraient être douloureuses à ceux qui ne supportent pas les flashs et autres zooms rapides.