C’est dans une salle remplie à plus de 80% que commence l’Été Indien. Presque un exploit au vu de l’heure (midi et quart) et du soleil qui brille à l’extérieur.
La salle continue à se remplir doucement sur un fond de musique asiatique. L’écran affiche fièrement le logo d’Air India qui soutient l’événement (ainsi que l’Ambassade indienne). Les lumières baissent, l’écran vire au noir, un projecteur illumine un coin de la scène.
Hubert Laot et Martine Armand nous présentent brièvement la programmation qui va privilégier le cinéma bengali et le film d’aujourd’hui :
Le Monde d’Apu (« Apur Sansar ») clôt une trilogie et succède à La complainte du sentier (« Pather Panchali » dont on fête les 50 ans, la naissance et l’enfance d’Apu) et L’invaincu (« Aparajito », l’adolescence d’Apu). Ce volet nous fait vivre le mariage et les relations d’Apu avec son fils. Chaque film nous a montré Apu en proie à l’adversité. Ces épreuves font du triptyque de Satyajit Ray une saga que certains décrivent comme lyrique (l’opposition ville/campagne, modernité/tradition, repos/épreuve joue beaucoup certainement). Pessimisme et sérénité sont les mots qui décrivent le mieux ce film. Techniquement, l’emphase est mise sur la composition des plans, qui sont autant de petits tableaux dans lesquels les acteurs viennent se placer. Le style est contemplatif, le rythme suit toujours l’état d’esprit des scènes qui sont montrées, l’art de la plongée/contre-plongée est maîtrisé à la perfection.
Nous sommes dans les années 30 à Calcutta, Apu doit chercher du travail et commencer sa vie d’homme. Apu est un jeune homme brillant, mais qui rechigne à rentrer dans le monde adulte. C’est un artiste, aussi vit-il une vie de bohème en espérant devenir un écrivain de génie. Nous suivons donc ce personnage à travers son voyage initiatique (et c’est bien d’un voyage dont il s’agit… et le train un élément symbolique omniprésent). Le film nous montre comment Apu se débarrasse de ses rêves pour devenir un homme et vivre dans le monde des hommes. Une vie plus dure que celle à laquelle il aspirait, mais aussi une vie plus riche. On notera la présence magnétique de Sharmila Tagore dans son premier film et le charisme qui se dégage d’elle malgré son jeune âge (13 ans et demi). Un film très touchant et loin des standards du cinéma populaire indien. Un vrai film d’Art.
Note 8/10