FAN
Langue | Hindi |
Genre | Drame |
Dir. Photo | Manu Anand |
Acteurs | Shah Rukh Khan, Deepika Amin, Yogendra Tikku |
Dir. Musical | Vishal-Shekar |
Parolier | Varun Grover |
Chanteur | Nakash Aziz |
Producteur | Aditya Chopra |
Durée | 138 mn |
Gaurav Chandna n’a qu’une passion dans la vie : Aryan Khanna, superstar. Il se considère comme son fils ou son double, « Aryan Junior », et appelle sa star « Senior ». Il lui ressemble, a une vingtaine d’années, tient un cyber-café à Delhi, son heure de gloire est le spectacle annuel de son quartier où il joue la star, danse comme lui, joue comme lui, parle comme lui. Il gagne, et décide de partir pour Bombay pour donner son beau trophée à Aryan. La star est inaccessible au commun des mortels, mais Gaurav est « Aryan Junior » et rien ne l’arrête. Il va rendre service à son idole qui n’aura d’autre choix que de le remercier. Cela aurait pu s’arrêter là, Gaurav serait rentré chez lui auréolé de gloire et conforté dans sa passion. Et là, catastrophe ! non seulement la star ne le remercie pas, mais son initiative lui fait passer un sale moment à la police, et la rencontre tant désirée vire au cauchemar.
Rejeté, blessé, Gaurav est détruit. Sa vie n’a de sens que par rapport à Aryan. L’amour alors se transmute en haine, Gaurav décide d’obliger Aryan à le prendre en considération, en le détruisant, comme lui l’a détruit, jusqu’à ce que la star s’excuse de cette première rencontre horrible. Utilisant sa ressemblance avec la star, Gaurav va usurper son identité et endommager gravement sa belle image. Redoutablement efficace.
Face à cette menace, la star se découvre seule, fragilisée par son statut qui l’isole et par le déchaînement médiatique.
FAN pose la question du statut de star, idolâtrée, Dieu vivant, icône, qui dépend de l’adoration de ses fans, sans connexion avec la valeur de son travail d’acteur. D’ailleurs la star est en représentation constante, elle ne tourne pas de film. La star n’existe que par ses fans, mais la relation est impossible. Il y a là un hiatus, une faille incommensurable… et triste.
Les fans sont montrés comme une meute hurlante et potentiellement dangereuse dont il faut constamment se protéger.
La star est montrée comme un être incapable de communiquer normalement avec les autres, séparée par un mur renforcé par une arrogance qui agace ses interlocuteurs, une absence notable de prise en compte de la sensibilité d’autrui, quel qu’il soit, fan, policier, diplomate ou autre. Et cela contribue fortement au problème, tout autant que l’esprit dérangé du jeune Gaurav.
FAN peut être perçu comme un film dénonciateur du star-system, même si le ton n’est pas accusateur. La star a le beau rôle puisqu’elle est la victime, mais elle ne suscite pas vraiment la sympathie, ne montre un peu d’humanité que dans les dernières scènes, et encore, le mur est toujours là. Il y a sans doute plusieurs façons de voir le film. On peut aussi plaindre Aryan, apprécier son courage et sa détermination à régler le problème lui-même, son honnêteté sans fard, face à un Gaurav machiavélique et remarquablement inquiétant.
L’intérêt de FAN réside dans cette liberté d’interprétation des spectateurs, le film ne prend pas parti, évitant le piège du gentil face au méchant, du manichéisme dans lequel il aurait été facile de tomber.
L’autre intérêt de cette œuvre est la prestation de Shah Rukh Khan, il fallait oser endosser ce double rôle où les protagonistes ont 30 ans d’écart. Certes le dentier et les effets 3D de VFX [1] aident beaucoup, mais le jeu de l’acteur fait la différence essentielle. Ma scène préférée est celle où Aryan, à son tour, usurpe l’identité de Gaurav et se fait passer pour lui, sans le moindre effet 3D… Fascinant…
Son interprétation de Gaurav est impressionnante. Il est Gaurav et pas SRK à 20 ans, pas SRK dans Darr et Baazigar où il aurait pu puiser l’inspiration. Il est Gaurav, le regard un peu perdu, des mimiques singulières, une façon de parler, de bouger, qui lui sont propres. Ce n’est pas un double, c’est une autre personne, même s’ils se ressemblent physiquement.
Son incarnation de la star est assez troublante, car la maison (prises de vue extérieures) est celle de Shah Rukh Khan, les troupeaux de fan sont ses fans, sa famille est jouée par des acteurs mais est calquée sur la famille de l’acteur… Tout est fait pour qu’on identifie Aryan à Shah Rukh Khan. Où se situe la limite entre sa propre vie, sa propre vision de monde, et celle d’Aryan dans FAN ? Nul ne le sait sinon lui. En tout cas il ne fait rien pour enjoliver son image, bien au contraire. Le personnage d’Aryan ne fait pas rêver, loin de là : un businessman sur-occupé qui remplit ses contrats. Le regard soucieux, les sourcils froncés, le sourire rare, le visage fermé, le verbe sec, la star gère sa carrière avec autant de tension qu’un PDG sa multinationale ! Et si vous espériez découvrir SRK dans sa vie réelle, le contexte reste professionnel, rien de personnel n’est évoqué. Ces questionnements sont sans doute ceux d’une… fan. Shah Rukh Khan joue Aryan comme il joue Gaurav, le personnage d’Aryan est sans doute aussi peu proche de lui que celui de Gaurav, et c’est tout à l’honneur de l’acteur.
FAN est un film intéressant par les questions qu’il pose et par l’interprétation de Shah Rukh Khan. Pour autant, est-ce un bon film ? Il aurait gagné à être diminué d’une bonne demi-heure. Les scènes de poursuite m’ont semblé interminables, Aryan court après Gaurav, et ça dure, ça dure… On a le temps de visiter Dubrovnik, très jolie ville certes, mais cela n’excuse pas tout, on sent trop le passage obligé « section cascades ». La deuxième scène de poursuite prend ses aises dans un entrepôt et ressemble furieusement à la scène finale de Main Hoon Na, là c’est la « section dishuns (bagarre) », du déjà vu, même si on peut admirer les effets de mise en scène qui font se battre deux personnages incarnés par un même acteur. Les scènes d’usurpation d’identité sont les plus captivantes, mais elles auraient pu être plus nombreuses et surtout plus inventives, le parti-pris de se tenir hors de tout milieu cinématographique est un peu frustrant.
Pour les amateurs de musique, ce film ne laissera pas de grand souvenir. Pas de clip, une musique peu présente, peu prégnante. Le clip Jagra FAN Anthem n’est pas inclus dans le film, dommage.
En conclusion, FAN est dans la lignée de Billu où, là aussi, la star inaccessible et froide laissait perplexe (encore Shah Rukh Khan…). Dans le registre du papillon amoureux de son étoile, j’ai préféré et de loin Guddi, où la jeune Jaya Bachchan éconduisait son prétendant parce qu’elle était amoureuse de Dharmendra. Introduite auprès de la star, elle découvrait l’envers du décor du cinéma, un vrai parcours pédagogique, plein d’humanité et de vie. Tout ce qui manque à FAN pour que je puisse vraiment aimer le film, qui a, cela dit, reçu de très bonnes critiques en Inde.
NB : L’histoire de ce film rappelle The Fan, un film de 1996 réalisé par Tony Scott, avec Wesley Snipes dans le rôle de la star de baseball, et Robert de Niro dans le rôle du fan déséquilibré. N’ayant pas vu ce film, je ne sais pas à quel point il en est inspiré.