Interview Manisha Koirala et Vivek Oberoi - 19 mars 2004 - Chap. I
Publié dimanche 25 avril 2004
Dernière modification vendredi 7 mars 2014
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Pour la rédaction, la semaine s’est écoulée au rythme des apparitions de nos deux stars indiennes, Vivek Oberoi et Manisha Koirala. Nous les avons d’abord vues le mardi 16 à l’occasion d’une soirée spéciale où a été diffusé Dil Se pour la presse et les invités de l’ambassade de l’Inde. Le lendemain, tous deux étaient là pour le vernissage d’une exposition photographique consacrée à Bollywood, puis à la projection de Company en ouverture de la seconde partie de la rétrospective et en présence du public. Les deux films et les deux stars ont été applaudis à tout rompre par un public conquis d’avance et constitué pour une fois d’un grand nombre d’Indiens et d’Indiennes.
Vos serviteurs Suraj (Souresh Cornet), Kendal (Lydie Wallon) et Eulika (Sophie Bhasin) avaient quant à eux rendez-vous le vendredi 19 mars à l’hôtel Hyatt avec les deux stars, à 10 heures précises. Il faut savoir que l’interview s’est déroulée en anglais, sans interprète.
Peu après être allés nous annoncer à la réception, nos trois visages se sont soudainement illuminés lorsque Vivek a fait son entrée. Nous avons traversé en sa ‘Company’ tout le hall de l’hôtel en direction du bar (lieu de prédilection choisi par Eulika :D), pour être plus tranquilles. Le lieu était désert, mais plutôt chaleureux, grâce à la lumière du jour qui pénétrait par d’immenses vitres. Habillé de manière très décontractée, Vivek nous a mis à l’aise alors que nous attendions Manisha.
Nous avons commencé par nous présenter, puis à discuter de choses et d’autres. Au bout d’une dizaine de minutes, Manisha se faisant attendre, nous avons finalement décidé de commencer cette interview.
Présentation de Fantastikasia et de nous-mêmes, de ICE…
Eulika : On m’a demandé si vous connaissiez des adresses pour pouvoir tourner dans des Bollys, non en tant qu’acteurs, mais derrière les acteurs (ndlr : sous-entendre faire de la figuration) ?
Vivek : Tu veux auditionner pour un film en Inde ? Il est important de connaître l’hindi tout d’abord. Le meilleur moyen d’obtenir des adresses est d’aller voir des réalisateurs, les principales compagnies qui produisent des films et d’auditionner pour eux.
Eulika : Qu’est-ce qui vous a motivé à venir ici, à Paris ?
Vivek : Je pense que la motivation pour venir ici est qu’en Inde nous voulons étendre les frontières du cinéma indien au-delà du Sud-Est asiatique (Pakistan, Sri Lanka, Bangladesh), qui aime déjà le cinéma hindi. Nous voudrions étendre le cinéma hindi au-delà de ces frontières, jusqu’aux Européens. Ce cinéma connaît déjà le succès en Angleterre et aux États-Unis. Les gens qui sont NRI autant que les étrangers, Américains en Amérique et Anglais en Angleterre, apprécient les films. Ces dernières années, Devdas, Lagaan ont très bien marché, et à cause de cela, on apprécie beaucoup le cinéma hindi, ce qui m’a motivé à venir ici, à voir mes films, à voir les Français réagir. Si tu étais venue voir Company avant hier, tu aurais vu les réactions des Français. Tu es terrible, tu aurais dû appeler !
Eulika : Désolée, je viendrai la prochaine fois !
Tu ne penses pas que la langue est une barrière ?
Vivek : NON. Bizarrement, je pense que le cinéma est un moyen d’expression. Et il exprime des sentiments, lesquels sont universels. Un sourire reste un sourire en hindi, en français, en anglais, en espagnol… Un sourire est un sourire. Alors je pense que le cinéma est un langage d’expression.
Eulika : Surtout le cinéma indien, je pense.
Vivek : (rires) C’est un langage d’expression. Je pense que les gens commencent à aimer, à apprécier cela. Par exemple, Amélie a eu pas mal de succès en Inde. Les gens l’ont vu, apprécié. La vie est belle, qui est italien, aussi. De même, les films indiens peuvent être vus et appréciés par tous. Tu penses que le langage peut être une barrière ? Les Français regardent des films anglais, non ? Je veux dire les films de Hollywood. Cependant, ils ne parlent pas forcément anglais.
Eulika : Mais on apprend l’anglais à l’école.
Vivek : Jusqu’à un certain point, tu n’as pas à maîtriser l’anglais. La plupart des Français ne parlent pas tant anglais que cela. Ils parlent français, italien, d’autres langues européennes plutôt que l’anglais. Malgré cela, les films de Hollywood marchent tellement bien en France. Je suis certain que si le cinéma hindi venait ici, nous serions capables de franchir cette barrière. Et pourquoi pas ? Les films pourraient être sous-titrés en français. Mon film Company, qui a été diffusé au Centre Pompidou il y a deux soirs de cela, quand tu n’es pas venue… Les gens ont vraiment aimé, ils ont apprécié. Il y a eu des réactions fantastiques, on m’a demandé pourquoi ce film n’était pas diffusé dans les salles de cinéma dites ‘normales’. Certains ont été choqués que les films hindis puissent être comme cela.
Suraj : Et tu as beaucoup de fans !
Vivek : … « Yeah… Life is good ! » (La vie est belle !)
Suraj : Et en France, les gens sont intéressés par Bollywood depuis Lagaan et Devdas. Le ressentez-vous en Inde ? Que les gens à l’étranger sont intéressés par le cinéma indien ?
Vivek : Oui, c’est bien pour cela que le Centre Pompidou, qui est au centre de Paris, un si grand centre culturel, avec tant de manifestations culturelles qui y ont place… Ils ont été très gentils d’avoir organisé cette rétrospective du cinéma hindi. Ils ont programmé 50 films, diffusés trois fois chacun, ce qui fait environ 150 diffusions de films indiens. C’est une très bonne exposition du cinéma indien, pour le faire comprendre aux gens. Et si nous avions souvent de telles rétrospectives, je suis sûr que cela serait fantastique pour notre cinéma. Nous sommes le plus grand producteur de films. Nous sommes plus grand que Hollywood. Nous vendons plus de billets que Hollywood, nous faisons plus de films que Hollywood. Le « software » est là ! Il ne reste plus au gouvernement français qu’à établir les structures pour montrer nos films aux Français… Et en partant du fait que cette rétrospective est un énorme succès, grâce à des gens comme Nadine Tarbouriech (ndlr : voir notre interview). Elle a été merveilleuse. Exceptionnelle.
Eulika : Avez-vous vu les films qui ont été programmés ? Pensez-vous que c’est un bon choix ?
Vivek : Oui… Et oui, c’est un très bon choix. Ce qui est intéressant, c’est lorsque je suis venu à Paris, que j’ai rencontré Nadine Tarbouriech, je me suis rendu compte qu’elle en savait bien plus que moi sur le cinéma hindi. Elle a tellement plus de connaissances que moi ! C’est fantastique, c’est comme de parler à quelqu’un de l’industrie de Bombay ! Elle sait quel nouveau film arrive, qui joue dedans, qui sont les réalisateurs, acteurs, actrices, techniciens… Elle les connaît tous ! C’est surprenant, choquant… Elle est Française !
Suraj : Il y a beaucoup de personnes comme cela en France.
Vivek : Oui… Non. J’ai rencontré quelqu’un du festival de Florence hier. Cette personne connaissait les gens que je connais, elle connaissait tous les films… Tout ! Elle connaît très bien Bollywood. C’est fantastique, choquant !
Eulika : Au sujet de ces films, avez-vous été influencé par certains d’entre eux ?
Vivek : Si, bien sûr. Ces films sont fantastiques. Ils ont influencé les gens qui aiment l’Inde. J’en suis certain.
Suraj : Dans certains films hindis récents, il n’y a plus de scènes de danse. Par exemple, dans Black, de Sanjay Leela Bensali.
Vivek : Oui, si tu regardes… Il y a quelques films comme ça qui sortent maintenant. Par exemple, dans Company, les acteurs principaux ne dansent et ne chantent jamais. C’est une musique d’ambiance. C’est également une tendance de Bollywood où, dans les films réalistes, si les danses et les chansons ne sont pas nécessaires, on les enlève. Mais ça n’est pas récent. C’est une tendance qui date des années 60-70. En ce temps-là, tu avais déjà des films sans chansons ni danses. Ça dépend du genre de film que tu fais. (Il s’avance vers nous) Tu vois, les chansons et les danses sont utilisées comme un moyen d’expression. Toute chanson a une raison qui est de symboliser quelque chose qui fait avancer la trame du film ou le processus de découverte des personnages… Alors, je pense qu’à moins d’être nécessaire dans le film il n’y a pas de raison d’en faire comme si c’était une base. Sinon ça ne sert à rien, sauf s’il en est besoin dans le film. C’est comme la première chanson dans Company, où la femme danse avec le pistolet. Elle symbolise le monde du crime, ce qui est très séducteur. Le monde du crime te séduit, il t’entraîne. Et l’amant est le pistolet. Sans le pistolet, tu ne peux rien faire. Et dans toute la chanson, elle danse avec le pistolet. Elle l’aime, l’embrasse… C’est un symbole. C’est un « cinéma symbolique ».
Eulika : Tu penses que le public aime les films sans scènes de danse ?
Vivek : Company a remporté un grand succès, alors ça peut arriver. Un film avec ou sans chansons peut remporter un grand succès.
Eulika : J’ai le sentiment que les chansons en Inde appartiennent à la vie quotidienne des Indiens.
Vivek : Exact ! Mais cela ne veut pas dire que nous mettons des limites aux réalisateurs. Si quelqu’un veut faire un film sans chansons et qu’il fait un film brillant, et bien, il nous faut l’apprécier également. Ce n’est pas nécessaire… Tu vois ce que je veux dire ? Les réalisateurs ne doivent pas se sentir forcés.
Suraj : Seulement quand c’est nécessaire ?
Vivek : Yeahhh !
Eulika : Ça y est, t’as compris ?… :o)
Suraj : Ah ! Quand même ! :o)
(rires)