Interview de Yash Chopra
Publié dimanche 21 octobre 2012
Dernière modification jeudi 25 mai 2006
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Le 25 avril 2006, soit à la veille de la première de Veer Zaara au Grand Rex , nous avons eu le privilège d’interviewer un des plus grands réalisateurs indiens de tous les temps : YASH CHOPRA. Ce dernier s’est montré chaleureux à notre égard, et cette interview s’est effectuée avec le sourire. Bonne lecture !
Pourquoi avoir réalisé le film VEER-ZAARA ? Est-ce parce que vous êtes né au Pakistan, avant la partition de 1947 ?
Je n’ai pas fait ce film parce que je suis né au Pakistan. Je n’ai pas fait ce film pour des raisons politiques. J’ai juste voulu raconter une histoire d’amour intense et pleine d’émotion. Cependant, par rapport à mes films précédents, j’ai voulu la raconter de manière à la fois plus réaliste, plus romantique, et différemment.
Le sujet principal du film est cette histoire d’amour impossible entre cet Indien et cette Pakistanaise. Impossible à cause de toutes ces barrières qui les séparent. Ici, il ne s’agit pas de guerre ou de terrorisme mais plutôt d’émotions intenses. Ils savent que leurs rêves ne pourront pas se concrétiser.
Un homme passe 22 ans de sa vie en prison pour sauver l’honneur de la femme qu’il aime et cette dernière sacrifie son pays et sa famille pour réaliser le rêve de celui qu’elle aime. De nos jours, dans notre siècle, sur cette terre, vous ne pouvez pas trouver de telles personnes. Vous ne pouvez retrouver un tel amour ! C’est ce que j’explique dans mon film à travers les mots prononcés, à un moment donné, par le personnage interprété par Rani Mukherjee.
Cette histoire est peut-être triste mais dans le cinéma, ce sont les histoires tristes qui ont le plus de succès.
Initialement, qui est à l’origine de cette histoire ? Vous ou votre fils Aditya Chopra ?
Mon fils. C’est son idée.
J’étais en train de réaliser un autre film lorsqu’un jour il est venu me voir avec cette idée en tête. Il m’a expliqué qu’il voulait faire un film beaucoup plus « INDIEN » et qui soit tourné entièrement en Inde. Il ne voulait pas d’un énième film glamour tourné en Europe ou aux Etats-Unis. Il m’a décrit les trois premières scènes, et d’ailleurs c’est lui qui a réalisé ces trois scènes que vous pouvez voir au début du film.
Par la suite j’ai appelé Rani Mukherjee pour jouer le rôle de l’avocate. Ce n’était pas elle qui était prévu pour ce rôle à l’origine. Elle a cependant fait un travail de composition remarquable. C’est vraiment une actrice extrêmement talentueuse. D’ailleurs, dans le film, parmi les principaux personnages, le sien est le plus marquant et le plus abouti. Ceci est du à sa performance.
Je l’ai trouvée superbe dans Black mais aussi dans Bunty Aur Babli.
Saathiya fut son premier grand succès dans lequel elle avait le premier rôle. Là encore, ce n’était pas elle qui était initialement prévue pour ce film.
Pour Saathiya il fallait une actrice qui ne soit pas trop glamour mais qui ressemble à toutes les jeunes filles que l’on peut croiser dans les rues des grandes villes indiennes. Rani convenait parfaitement pour le rôle et d’ailleurs, son interprétation est un atout majeur à la réussite du film.
D’où vous vient l’inspiration pour faire tous ces films romantiques ?
Je pense que l’inspiration vient de la vie. Le travail d’un réalisateur, c’est de montrer comment il voit la vie à travers son regard.
Voulez vous dire que vous vous basez à chaque fois sur votre expérience personnelle ?
Il y a toujours une part d’expérience personnelle dans ce qu’exprime un réalisateur à travers ses films. Il peut également mettre en image ses propres souvenirs. Mais son inspiration principale, c’est la vie en général.
La plupart des gens vous connaissent comme étant « THE KING OF ROMANCE » ayant réalisé quelques uns des meilleurs films romantiques indiens de tous les temps, mais il ne faut pas oublier que la plupart de vos films traitent de sujets sensibles. Donc comment préférez-vous être considéré, comme le roi de la romance, ou bien comme le réalisateur qui ose traiter de sujets sensibles ?
Les deux sont identiques. L’amour ce n’est rien. C’est la sensibilité qui fait tout. Dans une histoire d’amour, il n’y a pas d’histoire. C’est juste la manière dont vous parlez de l’amour. Ce qui compte c’est la dose de sensibilité que vous allez y mettre pour toucher les spectateurs.
Pour en revenir à cette appellation de KING OF ROMANCE, ce sont les médias, les critiques, les journalistes et enfin le public, qui m’ont attribué ce titre.
Mais l’acceptez vous ?
J’accepte tout ce qui vient du public, que ce soit des critiques ou des éloges.
Lahme est un de vos meilleurs films. Malheureusement, une partie du public indien n’avait pas accepté le fait que cette histoire d’amour soit possible. Que pensez-vous de cette réaction ?
LAHME est un de mes films préférés parmi tous ceux que j’ai réalisés jusqu’à aujourd’hui. Quand ce film est sorti à l’époque (NDLR : 1991), mon entourage m’a dit que je l’avais réalisé dix ans trop tôt. Il n’a pas reçu le succès qu’il méritait mais je suis très fier de ce film même si je ne l’ai pas produit au bon moment. Il s’agit d’un film unique. J’ai voulu y montrer que l’amour n’a pas de barrière. Quand on aime, on se fiche de l’âge. On se fiche du statut social. On aime. C’est tout ce qui compte.
Après plus de 30 ans de carrière en tant que réalisateur, c’est la première fois qu’un de vos films sort officiellement en France. Qu’en pensez-vous ?
Je me sens au sommet du monde ! J’ai fait tout le chemin de l’Inde à la France avec toute l’équipe du film en espérant que ce dernier plaise au public français. J’ai fait venir Shah Rukh, Rani, et Preity dans l’espoir que ce film marche en France. Je suis sûr qu’il en découlera quelque chose de positif.
Comment expliquez-vous cet engouement du public français pour le cinéma de Bollywood ?
Je ne me l’explique pas mais j’en suis très heureux ! Le cinéma est une invention française. Les Français sont à la source du cinéma. Ce sont les maîtres des films d’art et d’essai. Ils sont à la base de la Nouvelle Vague. Ce sont des pionniers du 7ème art. S’ils se passionnent pour nos films, alors c’est vraiment bénéfique pour notre cinéma.
Avez-vous déjà vu des films français ?
Dès que j’en ai la possibilité, j’en vois. Lorsqu’un film sort en Inde, ou bien lorsque le DVD y est disponible, ou bien lors des festivals. J’en vois souvent pendant les festivals organisés en Grande Bretagne.
Quel est votre film français préféré ?
Un homme et une femme de Claude Lelouch.
Le cinéma français est un cinéma d’une grande sensibilité. C’est la grammaire du cinéma. Je trouve même que les réalisateurs français renouvellent sans cesse cette grammaire. Je suis frustré que les films français ne soient pas plus programmés dans nos cinémas en Inde à cause du problème de la langue. Je pense cependant qu’il est possible de sortir des films français chez nous, sous-titrés en anglais, ou bien doublés en hindi. C’est un marché à développer.
Le public français semble être intéressé par les films indiens montrant une image exotique et traditionnelle de l’Inde, alors que le public indien semble préférer des films montrant une image plus moderne. Pensez-vous qu’il soit possible de faire un film pouvant satisfaire les goûts de ces deux publics ?
Il n’y a pas de formule magique pour faire un bon film. Un film doit, pour être apprécié, contenir le parfum de son pays d’origine. Qu’il soit français, américain, indien, etc…
Nos films exportent notre culture. Nous sommes fiers de nos traditions, ainsi que de notre identité culturelle. Nous devons faire des films fondés sur nos traditions. Mais nous devons également évoluer avec les nouvelles technologies cinématographiques que nous avons désormais à notre disposition. Le monde progresse et nous devons progresser avec lui.
Toutefois, nous ne devons pas oublier que nos films doivent refléter nos traditions et notre culture.
Il semblerait qu’en Inde, les spectateurs préfèrent regarder des films indiens d’un genre nouveau comme Rang De Basanti, Bluffmaster, ou Iqbal. Pour votre prochain film, avez-vous envie de réaliser une oeuvre de ce type, ou un film du même genre que VEER ZAARA ?
Comme je viens de vous le dire, nous devons aller de l’avant. Si nous continuons à faire des films « à l’ancienne », le public n’y adhèrera plus et finira par rejeter complètement nos productions. Donc dans nos films, nous devons innover sur trois points : la technique, le récit et l’émotion, comme dans les films que vous venez de citer.
Cela signifie-t-il que votre prochain film sera différent ?
Absolument. Très différent. En fait le prochain film que je produirai sera écrit et réalisé par mon fils Aditya Chopra qui a déjà écrit les scénarios de Veer Zaara, Dil To Pagal Hai, Mohabbatein et Dilwale Dulhaniya Le Jayenge…
Mais vous n’écrirez pas de scénario, dans le futur ?
Je pense à en écrire un mais pour le moment, j’en suis seulement au stade de la réflexion.
Bhoot, Black, et Sarkar ont été de véritables succès commerciaux bien que ce soit des films sans chanson. Comment expliquez-vous ces succès ?
Ces films illustrent l’émergence d’un nouveau cinéma en Inde. Il y a différents types de films, des films musicaux, des films d’art et d’essai, des films d’horreurs, des films considérés comme « érotiques » comme par exemple Jism ou Kalyug. Le public indien a changé et est demandeur de ce nouveau genre de films.
Réaliserez-vous un film sans chanson un jour ?
J’ai déjà réalisé un film sans chanson, il y a 35 ans : Itefaq. J’aimerais bien en refaire un autre si je trouve une bonne histoire qui s’y prête. Mais je préfère franchement réaliser des films musicaux. Alors pourquoi ne pas continuer à en faire ?
Vous avez donc envie de continuer de réaliser des films ?
J’y pense, c’est dans mes projets…
Dernière question : parmi tous les acteurs avec lesquels vous avez tourné, quel est celui avec lequel vous avez préféré travailler ? Et pas de réponse diplomatique s’il vous plait !
Il est clair que pour tous les bons réalisateurs, il est impératif de travailler avec Shah Rukh Khan. Il est incontournable dans la profession ! D’ailleurs, il fait partie intégrante de ma famille. C’est un acteur brillant ! Mais celui que je préfère par-dessus tout, c’est Amitabh Bachchan. C’est le plus brillant, le meilleur !
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