Javed Akhtar
Fonctions : scénariste, parolier |
Né le : 17 janvier 1945 (79 ans) |
à : Gwalior (Inde britannique) |
Nationalité : indienne |
Famille : père de Zoya (réalisatrice, scénariste) et Farhan Akhtar (réalisateur, acteur), nés de sa première épouse, la scénariste Honey Irani ; époux de l’actrice Shabana Azmi |
En savoir plus
Fiche IMDB |
Page Wikipedia |
Liens : www.javedakhtar.com |
Javed Akhtar est arrivé à Bombay âgé de même pas vingt ans, bien décidé à devenir un réalisateur célèbre.
C’était en 1964. Il est à l’origine des plus gros succès d’Amitabh Bachchan, est le père de deux réalisateurs talentueux, mais espère encore réaliser un jour son premier film. Fils de Jan Nisar Akhtar, parolier et poète de renom mais père absent, Javed Akhtar refuse pendant des années de suivre le modèle paternel, avant de devenir à son tour le poète et parolier que l’on connaît.
Autant que pour son travail dans l’industrie du cinéma hindi et pour son œuvre littéraire, il est connu pour son engagement sans faille contre le communautarisme. Retour sur le parcours mouvementé d’une des personnalités les plus intéressantes du cinéma indien.
Une enfance sans parents
Javed naît le 17 janvier 1945 à Gwalior, dans une famille musulmane. Par son père, il descend de sept générations de poètes. Il ne grandit pas avec ses parents. Sa mère meurt en effet quand il a huit ans. Sa tante, dans une scène digne d’un de ses films, lui fait alors jurer devant son cadavre de devenir quelqu’un, de réussir quelque chose dans sa vie. Son père est parti à Bombay, le laissant, avec son jeune frère Salman (qui est aujourd’hui un célèbre psychanalyste) chez leurs grands-parents à Lucknow. A la maison, l’enfant entend les adultes parler de politique : sa famille soutient avec enthousiasme le parti du Congrès. Ses grands-parents ne roulent pas sur l’or, mais réussissent à l’envoyer dans une école huppée : douloureusement conscient de ne pas être du même milieu que ses camarades, il se fait la promesse qu’un jour il sera riche lui aussi.
Quelques années plus tard, les deux frères doivent se séparer quand Javed part vivre à Aligarh chez sa tante. Il a alors quatorze ans. Il n’a vu que deux films : Shree 420, et un film avec Dilip Kumar. Les chansons de films sont interdites chez sa tante, mais il en connaît quand même un grand nombre par cœur, ce qui fait dire à son oncle, lors d’un rendez-vous avec son professeur : "Méfiez-vous, ce garçon s’intéresse plus aux chansons de films qu’à ses études". Les romans (une littérature jugée légère et sans grande valeur) sont également mal vus, ce qui n’empêche pas Javed d’en lire beaucoup. Il connaît aussi par cœur des milliers de vers ourdous. Au lycée, il excelle dans les concours de poésie dans cette langue. Il faut dire qu’il baigne dans une atmosphère littéraire : son oncle et sa tante reçoivent beaucoup d’écrivains renommés, membres du Progressive Writers Mouvement, ce courant littéraire soucieux de progrès social. Son bac en poche, il part étudier à Bhopal. Il vit chichement, aux frais de très nombreux amis qui l’hébergent successivement. Il se couche parfois l’estomac vide. Son point fort : les concours d’éloquence, si bien que lors des élections étudiantes, le jeune homme, qui ne s’intéresse pas encore à la politique, se laisse recruter par les deux partis en présence ! Son intérêt pour l’ourdou ne se dément pas, et il se lie d’amitié avec le président de l’Urdu Society de sa fac, un sikh, seul survivant d’une famille de onze personnes massacrées lors de la Partition. Une fois ses études finies, en 1964, il part tenter sa chance à Bombay, où vit son père.
Dans les rues de Bombay
"C’est nous, les habitants de la rue", proclame la chanson de Mashaal. Et celui qui a écrit ces paroles maîtrise le sujet. Son père l’héberge… six jours, après quoi Javed, qui a en tout et pour tout vingt-sept paise en poche, doit se débrouiller par lui-même. Commencent alors plusieurs années de galère. Il travaille parfois comme assistant, écrit sans être crédité les dialogues de quelques scènes, chôme la plupart du temps, dort là où il peut, et notamment dans les locaux du Kamaal Studio. Un soir qu’il cherche un endroit où s’installer, il tombe sur un Filmfare Award gagné par Meena Kumari et abandonné parmi les costumes. Il revient plusieurs nuits de suite dans cette pièce et se promet, devant le miroir, le trophée à la main, de gagner lui aussi un jour un prix. Il continue à lire beaucoup - un ami bouquiniste l’approvisionne en romans.
Le studio finit par interdire l’accès de ses locaux à ceux qui n’y travaillent pas, et Javed se retrouve sans logement, jusqu’à ce qu’un ami propose de l’accueillir, à Bandra, le quartier des stars. Toujours sans ressources, Javed a l’audace de refuser d’écrire anonymement pour un scénariste célèbre, de peur de rester cantonné à des travaux de ce genre. En 1969, enfin, il écrit les dialogues de Yakeen. Le film, qui a pour acteurs Dharmendra et Sharmila Tagore, est un succès.
Salim-Javed
Et deux ans plus tard, il collabore pour la première fois avec Salim Khan (le père de Salman Khan), pour écrire le scénario de Haathi Mere Saathi, histoire d’amitié entre Rajesh Khanna et un éléphant. Ainsi naît le duo Salim-Javed, qui a joué un rôle considérable dans le cinéma hindi des années 1970. Tout va alors très vite.
Sur le plan personnel d’abord, il rencontre Honey Irani sur le tournage de Seeta aur Geeta (1972). Ils se marient moins de quatre mois plus tard, et, en 1974, Honey donne naissance à deux jumeaux, Farhan et Zoya.
Sur le plan professionnel, le duo va de succès en succès. La plupart des films dont ils inventent l’histoire, écrivent le scénario et les dialogues ont pour star Amitabh. Ce sont eux les créateurs de son personnage d’"Angry Young Man", à travers des films comme Zanjeer ou Deewaar. Javed insuffle dans leurs scénarios son expérience de la pauvreté, sa conscience, de plus en plus politisée, des difficultés que rencontrent beaucoup d’Indiens. Cela fait le succès de leurs films, dans lesquels les spectateurs se retrouvent. Les deux hommes ne se rendent pourtant pas compte de la portée politique et sociologique de leurs scénarios : ils cherchent avant tout à écrire de bonnes histoires, et y parviennent. Il est intéressant de remarquer que la plupart de leurs films laissent assez peu de place aux chansons. La raison en est, d’après Javed, que de toute façon leurs dialogues volaient la vedette aux chansons ! Aujourd’hui encore, beaucoup de leurs répliques sont restées dans la mémoire collective des Indiens.
La légende raconte que, furieux de ne pas recevoir la reconnaissance qui leur était due, les deux hommes ont eux-mêmes, de nuit, écrit leur nom sur les affiches d’un de leurs premiers films. Il est certain en tout cas que sur les affiches de Sholay, Don et Kaala Patthar, la mention "Written by Salim-Javed" figurait en assez gros caractères, une révolution pour une profession qui reste souvent dans l’ombre.
Le parolier et le poète
Le décès, en 1976, de Jan Nisar Akhtar marque la fin d’une relation filiale qui n’avait jamais cessé d’être conflictuelle. Javed, qui refusait de suivre les traces paternelles, commence à écrire des poèmes qu’il ne lit qu’à ses proches et publie dans un magazine littéraire édité par un ami. C’est pour
lui, dit-il, une façon de faire la paix avec son héritage. A peu près à la même époque, l’alcoolisme dont il souffre depuis longtemps devient vraiment préoccupant (il ne parviendra finalement à arrêter de boire que quelques années plus tard, en 1991). Son mariage bat de l’aile. Il rencontre Shabana, fille elle aussi d’un poète, Kaifi Azmi, et se sépare de Honey en 1983, tout en restant en bons termes avec elle.
En 1981, Yash Chopra s’apprête à réaliser Silsila. Le héros, interprété par Amitabh, est un poète, et Yash Chopra ne parvient pas à trouver de parolier dont le style convienne au personnage. Il fait partie du petit cercle de privilégiés invités à écouter Javed, et lui propose d’écrire les chansons de
son film. Quoi de mieux pour lancer sa nouvelle carrière qu’un film de Yash Chopra ? Et pourtant. On apprécie ses chansons, mais voilà Javed catalogué, à tort, parmi les poètes élitistes, jugé incapable d’écrire des paroles simples adaptées à un film commercial. Il ne se décourage pas pour autant, tente d’entraîner Salim dans l’aventure, et, devant son refus, met fin à leur partenariat. Le succès met douze ans à venir. C’est 1942 : A Love Story, qui le fait connaître du grand public comme parolier, grâce à la célèbre chanson Ek ladki ko dekha to ("J’ai vu une fille, et…"), où il enchaîne pas moins de vingt-et-une comparaisons pour décrire la façon dont le personnage d’Anil Kapoor voit Manisha Koirala !
Contrairement à l’image que Silsila a donné de lui, ses chansons se reconnaissent en général au fait que leur ambition poétique (il refuse absolument toutes les grivoiseries et les doubles-sens obscènes qui fleurissaient dans les années 1980) se combine avec une volonté d’être compris par tous, ce qui le distingue de son grand rival Gulzar, au style plus complexe. Il accorde beaucoup d’importance au personnage qui chante, et sait varier son style en conséquence : poète donc de Silsila, paysans de Lagaan, personnages royaux de Jodhaa Akbar ou rockers de Rock On !!, il s’adapte à tous les personnages. Autre trait caractéristique : il conserve toujours une certaine réserve. Javed n’aime pas se plaindre, hésite à exprimer de façon directe ses sentiments, et ce trait de caractère se retrouve dans ses chansons.
Il publie en 1995 un premier recueil de poèmes, Tarkash, qui a depuis été traduit en anglais. Sa carrière de parolier accapare l’essentiel de son énergie, et il écrit de moins en moins de scénarios. Le dernier en date est celui de Lakshya. Il a également écrit les dialogues de Luck By Chance. Deux films réalisés par ses deux enfants, dont il suit la carrière avec fierté.
Le militant
Les idéaux de Javed Akhtar ne s’expriment pas seulement dans ses écrits. Comme son épouse Shabana, il milite pour un certain nombre de causes, sans pour autant avoir jamais adhéré à un parti politique. Lui qui s’affirme athée ne supporte pas que l’on définisse avant tout les gens par leur religion. Il consacre beaucoup d’énergie à la lutte contre le communautarisme et les fondamentalismes, à travers l’association Muslims for Secular Democracy dont il est le président. Il est également membre de l’organisation Citizens for Justice and Peace qui cherche à obtenir justice pour les victimes des massacres qui ont ensanglanté le Gujarat en 2002. Plus récemment, sa lutte pour que les paroliers reçoivent davantage de droits d’auteur lui a mis à dos une bonne partie de l’industrie musicale (ce sont actuellement les entreprises de production et de distribution qui touchent l’essentiel des droits).
Quel regard porte-t-il sur sa vie aujourd’hui ? Si on lui demande s’il a eu une enfance malheureuse, il répond n’avoir pas vécu l’absence de ses parents comme un manque. La vie, dit-il, est comme un bon scénario, on ne peut retirer aucune scène, même les plus tristes, sans que l’ensemble perde son sens. Comment a-t-il réussi à sortir de la pauvreté, quand certains de ses amis sont morts dans la rue ? L’inverse était tout aussi possible. Il a aujourd’hui tenu les promesses qu’il s’était faites enfant et jeune homme : il gagne bien sa vie, a reçu de multiples récompenses. A-t-il tenu la promesse faite à sa mère ? Tout le monde répondrait par l’affirmative. Lui pense pouvoir faire encore beaucoup. Il aimerait pouvoir se consacrer davantage à la poésie. Et n’a toujours pas renoncé à réaliser un jour son propre film. Il ne se reconnaît plus dans le cinéma d’aujourd’hui, écrit et réalisé par des gens qui ont toujours vécu dans l’aisance, et qui, selon lui, ne s’adresse plus aux gens du peuple. Il regrette que soit passée de mode la valeur qui est au centre de ses scénarios et qui commande son style tout en retenue : la dignité. Est-il pour autant, lui, passé de mode ? Un fait parmi d’autres prouve le contraire : les poèmes qu’il a composés en 2011 pour Zindagi Na Milegi Dobara, qui sont récités par Farhan dans le film, connaissent un tel succès qu’un second CD de la musique du film, les comportant tous, a été mis en vente. Des poèmes qui reflètent magnifiquement sa conception de la vie.
Pour en savoir plus :
* Talking Songs, Javed Akhtar in conversation with Nasreen Munni Kabir, Oxford University Press, 2005
* Talking Films, Conversations on Hindi Cinema With Javed Akhtar, Nasreen Munni Kabir, Oxford University Press, 1999
2004 - Lakshya
2003 - Armaan
1989 - Main Azaad Hoon
1987 - Mr India (Salim-Javed)
1984 - Duniya
1982 - Shakti (Salim-Javed)
1981 - Kranti (Salim-Javed)
1980 - Shaan (Salim-Javed)
1980 - Dostana (Salim-Javed)
1979 - Kaala Patthar (Salim-Javed)
1978 - Don (Salim-Javed)
1978 - Trishul (Salim-Javed)
1977 - Immaan Dharam (Salim-Javed)
1975 - Sholay (Salim-Javed)
1975 - Deewaar (Salim-Javed)
1973 - Zanjeer (Salim-Javed)
1973 - Yaadon Ki Baraat (Salim-Javed)
1972 - Seeta Aur Geeta (Salim-Javed)
1971- Haathi Mere Saathi (Salim-Javed)
2011 – Zindagi Na Milegi Dobara
2010 – Aisha
2010 – Karthik Calling Karthik
2009 – Wake Up Sid
2009 – Luck By Chance
2008 – Rock On !!
2008 – Jodhaa Akbar
2007 – Om Shanti Om
2006 – Don
2006 – Kabhi Alvida Na Kehna
2005 – The Rising : Ballad of Mangal Pandey
2004 – Swades
2004 – Veer-Zaara
2004 – Main Hoon Na
2003 – LOC Kargil
2003 – Kal Ho Na Ho
2003 – Kuch Na Kaho
2001 – Dil Chahta Hai
2001 – Lagaan
2001 – Zubeidaa
2000 – Refugee
1998 – Duplicate
1997 – Ishq
1997 – Border
1993 – 1942 : A Love Story
1985 – Saagar
1984 – Mashaal
1981 – Silsila
1995 - Tarkash (traduit en anglais sous le titre Quiver)