Kadhal Kottai
Traduction : Le Palais de l'amour
Langue | Tamoul |
Genre | Mélodrame / Romance |
Dir. Photo | Thangar Bachan |
Acteurs | Ajith Kumar, Manivannan, Indhu, Thalaivasal Vijay, Devayani |
Dir. Musical | Deva |
Paroliers | Ponniyin Selvan, Agathiyan |
Chanteurs | Anuradha Sriram, Swarnalatha, Unnikrishnan, S. P. Balasubrahmanyam, K. S. Chithra, Krishnaraj, Deva |
Producteur | Sivashakthi Pandian |
Durée | 166 mn |
Kamali (Devayani), une jeune femme venue chercher du travail à Chennai, rentre chez elle à Ooty par le train. Manque de chance, elle perd son sac avec ses diplômes. Surya (Ajith) le retrouve et le lui renvoie par la poste. S’ensuit une correspondance les rapprochant, jusqu’à ce qu’ils tombent amoureux.
Parfois lorsque l’on regarde le chemin qui nous a amené à regarder un film en particulier, on se dit que l’on vient de loin. Pour Kadhal Kottai tout a commencé sur une célèbre plate-forme de vidéos en ligne, avec son logo rectangulaire rouge. Me voilà, voguant de clip en clip…pour finalement atterrir sur le final de Sirf Tum, monté sur la chanson Ek Mulakat Zaruri Hai Sanam. Subjuguée par les voix d’Ameen Sabri et de Fareed Sabri, émue par cette scène de 12 minutes que j’ai passée et repassée en boucle, je décide de me renseigner sur le film. Wikipédia est mon ami. Je découvre alors qu’il s’agit du remake d’un film tamoul dans lequel le héros était interprété par : oh surprise ! Ajith. J’ai donc décidé de regarder l’original plutôt que la version hindi. Je me serais certainement laissée tenter par cette dernière si Sanjay Kapoor avait été remplacé par son grand frère Anil. Me voilà donc devant une version sous-titrée en anglais de Kadhal Kottai, et devant Ajith.
Quand on y regarde bien, les propos tenus par le film peuvent être déroutants. Tout d’abord nos deux héros sont fermement attachés à l’idée qu’ils peuvent développer et construire leur amour sans se voir. Sans savoir à quoi l’autre ressemble (pas besoin de s’envoyer deux photos par précaution). C’est mignon et cela part de bons principes [1] mais certains trouveront cela bien naïf. D’ailleurs, les personnages sont régulièrement moqués par leur entourage. Hrithik Roshan nous avait bien prouvé que c’était un système bancal dans Mujhse Dosti Karoge ! : le physique de Kareena l’avait subjugué au point qu’il en oubliait la personnalité de Rani, et bonjour les problèmes qui ont suivi !
La naïveté n’étant pas totalement étrangère à Kollywood (ni à Bollywood), ce n’est pas ce qui pourra rebuter le spectateur. Par contre, la perception de la femme est, je dirais, un peu réductrice. C’est bien simple, tous les hommes de ce film veulent une « fille indienne traditionnelle » et le disent tel quel, sans honte ni ambiguïté. Aussi, l’héroïne, timide, toujours en sari, baissant les yeux à longueur de journée de peur de voir un garçon, est la fille idéale qu’ils veulent ramener à papa et maman. Une rencontre dans le bus suffit à assurer à Kamali une demande en mariage. L’homme ne cherche rien d’autre chez une femme (et ne comprend pas qu’on lui dise non). On a l’impression devant ce film de se trouver face à des idées très conservatrices, en témoigne le jugement sur un couple qui se bécote dans la rue qui ne vaut donc pas plus que des chiens. Oui, seuls les chiens s’aiment dans la rue. Quant à la femme d’affaires, habillée à l’occidentale, n’attendant pas de se faire harceler par un homme pour tomber dans ses bras, qui en voudrait ? Quel intérêt d’avoir une épouse qui sache ce qu’elle veut et qui s’assume seule ? Effectivement, il ne s’agit pas là du portrait habituel de l’héroïne de films indiens mais le message du film (si c’est vraiment un message) met mal à l’aise.
Du côté des acteurs, il faut saluer leur travail pour tenter de rendre leur romance intéressante. En effet, avec cette histoire du « on s’aime par correspondance », les acteurs n’ont pas eu à partager beaucoup de scènes ensemble. Ce qui fait l’originalité du film mais aussi sa faiblesse. Il est plus difficile pour le spectateur de s’attacher à cette histoire d’amour. Heureusement, Ajith est chevaleresque et Devayani, charmante.
Ceci dit, la prochaine fois je me méfierai davantage des montages vidéos « maison » car le fait de ne pas retrouver Ek Malakat pour le final m’a beaucoup perturbée. Ce qui est d’autant plus dommage qu’il s’agissait des dernières minutes du film et à peu près des seules où les deux personnages principaux sont ensemble. Oublié donc Ek Malakat, mais pour les curieux, la chanson responsable de cet article se trouve ici. Les chansons de la version tamoule ne m’ont pas autant emballée [2]. Par contre, le clip avec les chauffeurs de rickshaw est l’un des meilleurs moments du film. La chanson est gaie, bien mise en scène, et surtout imaginative. Le réalisateur a intégré les véhicules à la chorégraphie pour un effet des plus réussis.
Kadhal Kottai a connu un véritable succès à sa sortie, si bien que quelques années plus tard, on a vu plusieurs cinématographies régionales reprendre l’histoire : en kannada, en bengali et pour finir, Sirf Tum en hindi qui a bénéficié du même réalisateur que l’original : Agathiyan. Ce qui explique que la version hindi semble copier plan par plan son modèle, jusqu’au sari jaune final de l’héroïne. Et au milieu de tous ces remakes, Kadhal Kottai a aussi reçu un certain nombre de prix dont les National Film Awards du meilleur réalisateur et du meilleur scénario.
En dernière analyse, si on suit tout le film avec enthousiasme, piqué par l’envie de voir enfin les héros réunis, pris par l’intensité des vingt dernières minutes sous une pluie battante et charmé par les acteurs, on risque néanmoins de garder un goût amer dans la bouche une fois l’écran éteint, à cause du discours plus que conservateur et même rétrograde envers les femmes.