Mother India
Langue | Hindi |
Genre | Classique |
Dir. Photo | Faredoon Irani |
Acteurs | Nargis, Sunil Dutt, Rajendra Kumar, Raaj Kumar, Kanhaiyalal, Kumkum |
Dir. Musical | Naushad |
Parolier | Shakeel Badayuni |
Chanteurs | Lata Mangeshkar, Asha Bhosle, Mohammad Rafi, Shamshad Begum, Manna Dey, Meena Mangeshkar, Usha Mangeshkar |
Producteur | Mehboob Khan |
Durée | 168 mn |
Bande originale
Dukh Bhare Din Bitein Re Bhaiyya |
Duniya Mein Hum Aaye Hian To |
Ghoonghat Nahin Kholungi Sainyya |
Holi Aai Re Kanhai Rang Chhalake |
Khatkhut Karti Cham Chhum |
Matwala Jiyaa Sole Piya Jhoome |
Na Mein Bhagwan Hoon, Na Mein |
Nagari Nagari Dware Dware Dhoondhe |
O Jaane Wale Jaao Na Ghat Apna |
O Mere Lal Aaja, Tujhko Gale |
Pee Ke Ghar Aaj Pyaari Dulhaniya |
Zundariya Katati Jaaye |
En savoir plus
Fiche IMDB |
Page Wikipedia |
Au moment d’inaugurer un barrage, une vieille femme se souvient… Elle revoit sa vie, depuis son mariage avec un beau jeune homme de son modeste village jusqu’à sa disparition tragique, son combat pour survivre seule avec ses enfants. Elle revoit leur lutte pour subsister, pour cultiver leur terre. Elle revoit leur lutte contre les éléments et contre l’infâme usurier qui affame leur village.
Le film est une fresque d’un grand réalisme sur les conditions de vie des paysans, il en est même documentaire par moments. Cette vie est décrite avec une grande minutie et un souci de réalisme évident, qui nous fait adhérer immédiatement à l’histoire, bien qu’elle ait maintenant près d’un demi-siècle.
Cela est dû au fait que Mother India est un film extrêmement moderne pour son époque. Il est en effet majoritairement tourné en extérieur, ce qui était très rare durant les années 50, à l’âge d’or des studios de cinéma de Bombay. Toute la première partie, la plus belle du film, se déroule intégralement en décors naturels, et garde toujours autant de force même après de multiples visions, alors que la seconde partie du film qui essaie de reconstituer en studio les décors du village, est plus datée. Sur un fond d’une telle crédibilité l’histoire de Radha et de ses enfants prend une dimension supplémentaire, presque épique. Sa lutte pour survivre, son amour pour ses enfants et pour sa terre prend une dimension nationale, elle est à l’image de l’Inde luttant pour sa survie dix ans après son indépendance.
Le personnage de Radha symbolise la mère indienne par excellence, elle aime ses enfants plus que tout au monde, elle est prête à tout pour eux, même à perdre sa dignité. Elle est incarnée par Nargis, qui réalise une performance hors du commun. Elle est tellement criante de vérité et de naturel, qu’on a du mal à croire qu’elle joue un rôle : elle EST Radha, à qui elle prête corps et âme. Elle porte littéralement le film, s’investissant totalement dans son personnage. Si elle était déjà une star grâce à ses films avec Raj Kapoor, c’est son rôle
de Radha dans Mother India qui l’a fait entrer dans la légende. Au niveau des performances d’acteurs, l’enfant qui incarne Birju le fils rebelle, est lui aussi excellent. Il joue et danse avec un tel naturel que les autres acteurs du film font pâle figure a côté de lui. De plus, les personnage bénéficient tous d’une profondeur psychologique vraiment développée au niveau de l’écriture, qui assure la cohérence du film.
Le films comporte un grand nombre de chansons, qui sont souvent l’occasion de montrer de beaux paysages et les paysans au travail. Il n’y a que quelques scènes de danses, lors des fêtes de village (Holi, la fête des couleurs, notamment), mais toutes les chansons ont de très belles paroles. Merci aux sous-titres, qui pour une fois n’ont pas disparu dès les premières
notes de musique ?
La lutte des pauvres paysans contre l’usurier Sukhilala qui profite de son érudition pour les affamer, est un plaidoyer pour le développement de l’éducation en Inde (parce qu’ils ne savent pas lire, les paysans ne peuvent pas prouver que Sukhilala truque ses livres de comptes). C’est aussi une représentation évidente de la lutte entre les pauvres et les riches, entre les travailleurs et les bourgeois. Cette opposition est clairement marquée dans le film : les paysans travaillent à la sueur de leur front pour pouvoir manger, et Sukhilala qui ne fait rien vient leur prendre la plus grosse part des récoltes. Il leur accorde bien des prêts, mais avec des intérêts énormes qu’ils mettent des vies entières à rembourser.
Mehboob Khan signe ici son film le plus abouti, que beaucoup considèrent comme son chef-d’œuvre. Il y mêle drame familial, film patriotique, comédie, peinture sociale de l’Inde rurale. La dimension sociale de ce film est d’ailleurs très importante. Au-delà de l’aspect réaliste du monde rural, on peut discerner assez clairement l’influence du cinéma soviétique.
Il y a d’ailleurs une référence directe à Alexandre Nevski de Eisenstein
: quand Birju s’oppose aux hommes de Sukhilala venu prélever leur part des récoltes. Un triple raccord dans l’axe de Birju debout sur le tas de grain, se dressant contre eux, rappelle la scène de la bataille sur la glace où Alexandre Nevski se bat contre les Chevaliers teutoniques, avec un raccord identique. Cette allusion n’est pas due au hasard, le combat des deux personnage est similaire. Birju lutte pour libérer son village, comme Alexandre Nevski lutte pour son pays.
L’autre influence majeure qui transparaît dans ce film, est celle de Cecil B. De Mille, le modèle avoué de Mehboob Khan. Son influence est flagrante dans la dimension de grande fresque épique et historique qu’a le film. Comme lui, Mehboob est l’un des cinéastes qui a ouvert la voie aux extérieurs, alors qu’à l’époque tout se faisait généralement en studio. Ne serait-ce que pour cette raison, l’importance de Mother India est déterminante.
Mother India est donc un croisement étonnant du cinéma soviétique et des grandes fresques hollywoodiennes des années 50, avec un style et une thématique proprement indienne. Ce film grandiose porté par l’immense performance de Nargis, est le plus bel hommage jamais rendu à la figure maternelle, à l’amour inconditionnel qu’elle porte à ses enfants, et symboliquement à l’Inde elle-même. Le public du Centre Pompidou ne s’y est pas trompé, lui réservant des applaudissements.
Le film connut un succès à la mesure de sa grandeur, il est un monument du cinéma Indien. Il rencontra un succès phénoménal, réalisant près de 172 millions d’entrées sur les 380 millions d’habitants que comptait l’Inde à l’époque. C’est-à-dire qu’en proportion c’est le plus gros succès de tous les temps. Sans parler de l’influence qu’il eut sur des générations entières.