Mugamoodi
Traduction : Le Masque
Langue | Tamoul |
Genre | Film fantastique |
Dir. Photo | Sathya |
Acteurs | Jiiva, Nasser, Narain, Pooja Hegde |
Dir. Musical | Krishna Kumar, K |
Paroliers | Madhan Karky, Mysskin |
Chanteurs | Chinmayi Sripaada, Aalap Raju, Mysskin |
Producteurs | Ronnie Screwvala, Siddharth Roy Kapur |
Durée | 155 mn |
Pour l’amateur de culture(s) populaire(s), chaque cross-over qui se présente est toujours une aubaine et un plaisir en perspective. Ici, le film de super-héros va donc rencontrer l’univers tamoul de la rue, de ses petites gens et de leur existence.
Mais prévenons tout de suite le futur spectateur, la sauce ne prendra pas vraiment, la faute à deux parties filmiques par trop différentes l’une de l’autre. Mais voyons les choses dans l’ordre.
La police est sur les dents. Un gang de braqueurs audacieux et très organisés dérobe, ville après ville, les valeurs conservées par les anciens en maison de retraite. Parallèlement, on suit la vie sans illusion d’un jeune « glandeur » sans ambition, si ce n’est sa passion et sa pratique des arts martiaux. Sans cesse la risée de son père, il ne rêve que de créer une école qui ferait honneur à son maître. Il va évidemment croiser le regard d’une jeune femme, comme par hasard la fille du commissaire en charge de l’affaire des cambriolages. Et rien de mieux pour l’approcher que d’adopter la tenue « pyjama » de super-héros, afin d’amadouer les deux enfants de l’entourage familial.
Mais on sait bien qu’il vaut mieux ne jamais mettre le doigt dans l’engrenage. Et le job de super-héros peut vite devenir une obligation, à défaut d’une vocation…
Le film va démarrer très très fort. Et pour cela, abattre trois cartes majeures. Pour commencer, une scène de cambriolage de haute volée. Atmosphère prenante, cadrages et éclairages travaillés. La description maîtrisée de bout en bout de la progression de ces « ninjas » s’achève dans un brusque accès de violence, clouant alors l’amateur d’action sur son fauteuil. La séquence qui suit, mettant face à face les flics et les supérieurs dans une pièce austère balayée par d’incessants travellings, ne fait qu’accentuer la tension.
Ensuite, sans crier gare, deuxième coup de semonce visuel, d’une toute autre teneur. L’arrivée impromptue, déjà, d’une séquence musicale. Et quelle séquence ! Dans un incroyable décor d’auberge, où sont regroupées différentes représentations de groupes sociaux urbains, une mise en scène sidérante de légèreté balaie tour à tour chaque tablée, sur une musique proprement entraînante. Au centre du décor, vantant les plaisirs de la dive bouteille, danseurs et chanteur offrent un spectacle du niveau des meilleurs moments de Broadway. Je pense là au film « Oliver » de Carol Reed, qui chantait lui aussi les gens de la rue. L’envie d’applaudir ne pouvait que suivre.
Et on finira ce tiercé d’ouverture gagnant avec une énorme baston. Dans un marché aux poissons, là encore un décor de tous les jours bien mis en valeur, notre héros dilettante provoque quelques marchands et gros bras. Et dans une succession de prises d’arts martiaux dignes des grands moments made in Hong Kong, les coups vont pleuvoir au son de bruitages « hénaurmes ». Un pur régal pour tout amateur « mâle » qui se respecte.
Et voilà, du « 3 en 1 », on se dit qu’on tient là le haut du panier du cinéma masala. Et encore, je ne sais pas si vous vous en rappelez, on est venu voir un film de super-héros ! Patience.
Pour la suite, comédie et romance vont reprendre le dessus, c’est la moindre des choses. On s’accroche aux turpitudes du jeune héros et ses amis.
Pourtant ce n’était pas gagné d’avance, au vu de la philosophie prônée par le premier. Dilettante donc, fier à bras, provocateur et enclin à une violence tout de même bien gratuite, difficile d’approuver derechef un tel comportement. Mais bon, la vie de tous les jours le lui rend bien, c’est comme cela qu’on grandit.
Les quelques scènes de vie familiale, avec les deux grands-pères, sont également savoureuses dans leur description des relations inter-générationnelles.
Et puis arrive LA fille, et comme d’habitude, notre macho va perdre ses moyens. Comme ne manqueront pas de le souligner ses comparses, lors d’une chanson enlevée et toute en ironie, l’amour n’apporte que sensiblerie (eh oui, même à Kollywood, on n’est plus dupe !).
Mais bon, il faut bien céder à ses sentiments, et le jeune homme va opter pour une solution radicale : enfiler une tenue peu seyante d’homme masqué, pour venir faire la cour sous les fenêtres de sa dulcinée.
Mais n’oublions pas les méchants, présentés en parallèle à tout cela.
Evidemment, ils ont un rapport, plus ou moins direct, avec l’école d’arts martiaux, par ailleurs menacée de fermeture, pour cause d’impayés (encore une note sociale bienvenue). Et lorsqu’ils décideront de s’attaquer au commissaire et sa famille, le pseudo super-héros va se retrouver entre deux feux. Et payer les pots cassés.
Fin de la première partie, prémisses hautement variées (il se passe bien d’autres choses, rassurez-vous), et fortement imprégnées de culture indienne. Un régal.
La semi-déception ne s’en fera que plus ressentir après l’entracte. Comme dit en amorce, on a pour le coup droit à deux œuvres assez distinctes, tant dans leur traitement scénaristique, que dans la mise en scène. Dorénavant, on va se rapprocher, malheureusement à mon goût, de la culture super-héroique essentiellement mainstream, telle que traitée jusqu’à satiété aux US.
Une fois l’intéressante variation sur le thème de la création du costume, présentée, rassemblant traditions et modernité, précisons qu’un des grands-pères est costumier de théâtre et l’autre ingénieur, les actions du justicier masqué vont primer sur sa vie privée. Et mises en situation selon des standards purement américains, devenir routinières, jusque dans l’utilisation d’une bande musicale symphonique, impressionnante ceci dit. Les décors dans lesquels se dérouleront le final, purement industriels, abandonneront à cet égard tout aspect pouvant les rattacher à l’urbanisme indien, adieu l’exotisme.
Quant au méchant, il va mettre de côté, on ne sait pourquoi, après avoir tant manigancé et œuvré dans l’ombre, tout bon sens, et se fourvoyer dans un plan guère digne d’une série B. Heureusement, il aura quand même eu droit à sa grande scène tragique, tout sentiment de vengeance qui se respecte se devant d’être illustré et déclenché par quelque acte ignoble.
Il ne faudra évidemment plus s’attendre à d’autres intermèdes musicaux. L’action doit primer, abandonnant même au passage une intéressante piste scénaristique amorcée juste avant la mi-temps, je pense là à l’aspect enquête policière.
Voilà, on a quand même droit à du bon super-héros, mais au vu du début, ce n’est pas le terme « classique » que j’aurais aimé utiliser au final.
Mais bon, foin de fine bouche, 1h30 de (très) grand cinéma tamoul, mixant suspense, arts martiaux, romances et « musical », ça ne se refuse décidemment pas.