My Magic, un titre à la « Walt Disney », pour un film qui commence d’une manière particulièrement glauque : le générique nous montre un homme bouffi qui s’imbibe avec application de whisky et qui, dans les scènes suivantes, s’endort dans son vomi et saigne aux toilettes.
Eh bien, malgré cette brusque entrée en matière, ne sortez pas de la salle, car vous risqueriez de manquer un de ces petits bijoux comme les films d’auteur savent parfois nous en donner.
Eric Khoo nous avait déjà éblouis (et beaucoup émus) il y a 3 ans avec Be With Me, film choral sur la solitude et la recherche de l’amour. Il reprend ces deux thèmes avec son nouveau film, où l’homme du générique, Indien tamoul vivant à Singapour, élève seul son fils.
Elever est un bien grand mot car Francis, qui nettoie les tables (et accessoirement finit les verres) dans un club des bas-fonds de la ville, ne sait que boire pour noyer son chagrin en pensant à sa femme qui l’a quitté, et a abandonné par la même occasion son fils. Alors son fils s’élève tout seul, mélange d’ingéniosité et de volonté de s’en sortir, pour ne surtout pas ressembler à son père plus tard.
Francis a pourtant un don qui fascine : c’est un magicien, cracheur de feu, mais aussi un fakir, soumettant son corps à de multiples « tortures » et restant malgré tout impassible. Alors, après une énième dispute avec son fils lui reprochant son manque d’attention et son alcoolisme, lorsque le patron de son club lui propose de remonter sur scène afin de faire frissonner les clients avec ses tours, Francis voit là une chance de faire enfin quelque chose de bien pour son enfant…
Mais les bas-fonds de Singapour ont peu de points communs avec le monde enchanté de Disney… ou presque.
Ce film jongle avec nos sentiments de manière experte : le frisson, l’émerveillement, le dégoût et l’émotion sont mêlés au service d’une trame toute simple. Ce sont les deux acteurs qui font le film : le premier, de son vrai nom Francis Bosco, également magicien professionnel dans la « vraie vie », impressionne par ses tours et réussit à nous attendrir avec son rôle de père larmoyant et perdu. Le personnage du fils est aussi magnifique : garçon pétri de doutes sur l’amour que lui portent ses parents, le jeune Jathishweran Naidu, mélange d’angoisse et de colère, arrive à ne pas se faire éclipser par l’impressionnant Francis.
A travers les images-chocs du prestidigitateur Francis, nous suivons ce duo, uni par l’amour filial, vers une fin lyrique et réellement magique : tout n’est pas rose au bout du chemin de la rédemption de ce père, mais Eric Khoo amène avec délicatesse ses personnages vers le pardon et l’apaisement, tout comme les spectateurs, qui lui en savent gré.