Power Paandi
Langue | Tamoul |
Genre | Road-movie |
Dir. Photo | Velraj |
Acteurs | Dhanush, Rajkiran, Revathi, Delhi Ganesh, Chaya Singh, Prasanna Venkatesan, Madonna Sebastian |
Dir. Musical | Sean Roldan |
Paroliers | Dhanush, Selvaraghavan |
Chanteurs | Dhanush, Swetha Mohan, Andony Dasan, Ananthu, Sean Roldan |
Producteur | Dhanush |
Durée | 130 mn |
3 National Film Awards, 7 Filmfare Awards, 8 Vijay Awards, 11 South Indian International Movie Awards, 4 Edison Awards, 2 Vikatan Awards, 2 IIFA Awards, 1 CNN Top Song Of 2011 Award et 1 Zee Cine Award, c’est la liste (incomplète) de l’impressionnante série de distinctions reçues par l’acteur, producteur, écrivain, scénariste, dialoguiste, chanteur et désormais réalisateur, Dhanush, qui réalise son premier film, intitulé Power Paandi, avec en têtes d’affiche, les vétérans Raajkiran et Revathi.
J’ai fait l’étalage des prix et des différentes casquettes endossées par Dhanush, non pas pour crâner (bien que le tamoul en moi jubile à chaque fois que l’acteur est récompensé), mais pour faire état de son immense talent et son intarissable soif de cinéma. Avec Power Paandi, il nous prouve une nouvelle fois qu’il est un artiste complet et un homme d’affaires accompli, car en plus de proposer du neuf en terme d’intrigue, son flair de producteur a fait des merveilles, après les multi récompensés Visaranai et Kaaka Muttai.
De quoi ça parle ?
Paandian Pazhanisami alias Power Paandi, est un cascadeur de légende qui a quitté les plateaux de cinéma pour une retraite bien méritée, auprès de sa famille. Derrière sa vie paisible, faite des rires de ses petits-enfants, Dhruv et Sasha, Paandi couve une profonde frustration due à la condescendance de son fils Raghavan. Les disputes se succèdent, mais la délicate quiétude familiale tient bon grâce à la volonté du vieil homme qui, après la disparition de sa femme, est le dernier rempart de ce foyer. Cependant, toute patience a ses limites, et celle de Power Paandi fini par être ébranlée. Le sexagénaire décide alors d’enfourcher sa moto pour un road trip solitaire en quête de liberté.
Anal Arasu, Kanal Kannan, Jaguar Thangam, Super Subbarayan, Thalapathi Dinesh, Rambo Rajkumar et Stunt Silva, sont quelques-uns des cascadeurs les plus réputés du cinéma tamoul. Cette pratique de choisir un préfixe au prénom, pour avoir un nom de scène percutant, est devenue avec le temps une véritable tradition du milieu. A l’instar de sa femme Aishwarya qui leur a consacré un documentaire, Dhanush dédie quant à lui, un film entier pour raconter l’histoire de Power Paandi, ancien cascadeur ayant définitivement raccroché les harnais de sécurité, pour faire le grand saut dans cette nouvelle vie. Power Paandi, en plus de rendre hommage à ces légendes de l’ombre, aborde avec bienveillance leur dévouement envers leurs familles et avec un certain émoi, leur désillusion dans un quotidien ingrat, loin de l’adulation d’une équipe de tournage après une cascade périlleuse.
Au contraire de ses collègues réalisateurs peu ou pas inspirés, Dhanush a découpé son film, non pas en deux, mais en trois chapitres. On a droit à une première partie très drôle sur la vie mouvementée du retraité, entre ses rôles successifs de baby-sitter de ses petits-enfants, d’homme à tout faire du foyer, et entraîneur sportif zélé dans une reconversion professionnelle assez cocasse. Le réalisateur utilise intelligemment tous les ressorts comiques comme celui de situation, de gestes, de répétition et de caractère, pour souligner le fossé générationnel entre Power Paandi et le monde qui l’entoure. Les valeurs et les codes moraux du cascadeur sont en décalage total avec les mœurs de son égoïste de fils. Évidemment, ce qui nous fait rire va provoquer des dissensions entre les personnages, jusqu’au triste point de rupture. La fracture avec son fils Raghavan, fait sortir Paandi du carcan familial pour l’amener sur la route. C’est précisément à ce moment que l’entracte arrive et clôture un début plutôt prometteur, même si la répétition des situations comiques fait quelque peu bégayer le film.
La seconde partie, divisée en deux, nous fait découvrir la jeunesse de Paandi, ainsi que l’être qui a le plus compté pour lui à cette période. Après ce flashback émouvant, Dhanush nous amène au point crucial du film : les retrouvailles tant attendues du vieux héros avec ce personnage clé de l’histoire. La nostalgie et l’émotion de ce second acte, subdivisé en deux, tranchent complètement avec la légèreté du commencement. J’ai particulièrement apprécié l’écriture, tant des personnages que du scénario dans cette portion, car elle fait concrètement évoluer le protagoniste principal, d’un grand-père dévoué, vivant par procuration, à un homme passionné, prêt à reprendre les manettes de sa vie et retrouver son ancien amour.
Malheureusement, par manque de temps ou de courage, Dhanush ne va pas au bout de ses idées et nous laisse sur notre faim. Il faut admettre que la figure du patriarche, comme celle de la femme au foyer, sont des piliers de la société tamoule, et une pensée trop avant-gardiste aurait pu heurter les mentalités. En résumé, un grand-père qui fugue pour se rebeller et s’offrir une récréation nostalgique, ça peut passer. Mais de là à lui permettre de couper le cordon avec son fils et refaire sa vie avec une ex, il y a un monde … Pour vous donner un exemple, un héros peut avoir plusieurs vies sentimentales, car ça flatte son égo. Le même cas de figure pour une femme, nuirait à sa réputation. Ainsi, Power Paandi ne peut pas s’envoler et convoler, mais juste retrouver, le temps d’une romance platonique, l’ivresse de la liberté. On notera ici que le producteur Dhanush, soucieux de ne pas froisser les mentalités indiennes et d’attirer un plus large public, a pris le pas sur le réalisateur Dhanush, qui avait pavé son scénario pour un film bien plus courageux. Quand bien même si le rythme est maîtrisé et les acteurs magistralement dirigés, ce qui prédomine et entache Power Paandi, c’est ce manque d’audace, alors que tout se prêtait au contraire.
Côté interprétation, c’est quasi parfait, grâce une belle alchimie entre les acteurs, et une mise en scène impeccable des situations, où Dhanush a su extraire le meilleur de sa troupe. Lorsqu’un comédien passe derrière la caméra, il connait naturellement les rudiments de la direction d’acteurs, mais quand ce dernier, s’avère être le meilleur de sa génération (comme c’est le cas ici), son expérience lui permet de connaitre, exactement, les attentes et le potentiel de ses interprètes. Toutes ces qualités ont contribué à un surprenant résultat à l’écran, où tout semble couler de source, avec justesse et authenticité. D’ailleurs, il y a beaucoup de spontanéité dans le jeu des acteurs, et cela est dû au penchant de l’acteur-réalisateur pour ce style (qu’il partage), et au judicieux choix de deux vétérans chevronnés pour les rôles principaux.
Tout d’abord, Rajkiran obtient avec Power Paandi, le meilleur rôle de sa carrière. L’acteur qui est arrivé sur le tard dans le métier (en 1988), est réputé pour ses personnages complexes et durs. Son physique imposant et son visage assez rustique lui ont souvent conféré des rôles atypiques de rustres au grand cœur. C’est avec une conviction et un enthousiasme communicatif, que l’acteur donne corps à Paandian Pazhanisami. Tour à tour, drôle, tendre, touchant et charmant, Rajkiran emplit sa prestation d’une humanité, si rare à Kollywood, qu’on est instantanément connecté au personnage.
Le fameux personnage féminin qui va rallumer la flamme chez Power Paandi, est joué par l’excellent Revathi, actrice fétiche du grand Mani Ratnam, et interprète inoubliable de Mouna Raagam. Malgré le poids des années, elle n’a rien perdu de sa grâce et sa complémentarité avec Rajkiran est formidable. Seulement, leur rencontre survient bien trop tard, et n’occupe qu’une infime partie du film. Il est regrettable que Dhanush ait perdu énormément de temps à se mettre en scène avec la jeune Madonna Sebastian, dans un flashback où ils incarnent le vieux couple dans leurs jeunes années. Si d’un côté, j’ai aimé les quelques procédés scénaristiques, comme la gestuelle propre à Paandi, répétée par Dhanush et Rajkiran afin de faire le lien et de rendre l’ensemble crédible, de l’autre, le fait d’avoir sacrifié la belle alchimie du duo Rajkiran-Revathi est tout simplement déplorable. Si bien que lorsque le long-métrage s’achève, on a une impression d’inachevé avec un goût amer.
Techniquement, Power Paandi bénéficie beaucoup du talent de ses collaborateurs, dont certains sont des réguliers des films de Dhanush, comme le chef opérateur Velraj. La photo reflète fidèlement les ambiances, citadine et rurale, au moment des allers-retours dans le passé de Power Paandi. La bande-son de Sean Roldan n’est pas en reste, et le jeune compositeur nous gratifie de sublimes mélodies folkloriques comme Paarthen, de chansons efficaces comme Soorakaathu et d’une ballade feel good, Vaanam. Là où il excelle davantage, c’est sur les thèmes musicaux qui illustrent et renforcent convenablement l’intensité émotionnelle et dramatique voulu par Dhanush dans de nombreuses scènes.
Même si Power Paandi n’est pas parfait et déçoit un peu, avec une fin à l’emporte-pièce, Dhanush réussit avec son premier film à aborder le sujet sensible de la retraite des seniors et de la relation difficile entre les générations. Avec ce récit d’un ancien cascadeur confronté, au crépuscule de sa vie, aux affres et difficultés liés à son âge, le réalisateur nous pose plusieurs questions essentielles. Prenons-nous soin de nos aînés ? Sont-ils considérés comme une charge à cause du manque d’indépendance financière ? Que faire pour faciliter la communication et rétablir le respect ? Toutes les interrogations soulevées par Dhanush ne trouvent pas réponse, mais cet étonnant premier film à l’accent social, met à l’honneur un de ces héros de l’ombre qui mettent, non seulement leur héroïsme au service des têtes d’affiche de films, mais aussi leur vie entre parenthèses pour être un soutien infaillible de leur famille. J’ai donc bien aimé ce parallèle entre le métier de cascadeur et le rôle de père de famille qui est très présent en première partie, mais aussi cette tentative de remettre le road movie au goût du jour, même si ça n’occupe qu’une petite portion du long-métrage. Avec Power Paandi, Dhanush trouve sa place parmi ces quelques réalisateurs du Tamil Nadu capables de se démarquer de la concurrence en proposant des choses originales.