Raam
Langue | Tamoul |
Genre | Thriller |
Dir. Photo | Ramji |
Acteurs | Jiiva, Saranya, Ganja Karuppu, Murali, Rahman, Gazala |
Dir. Musical | Yuvan Shankar Raja |
Parolier | Snehan |
Chanteurs | Ranjith, Yuvan Shankar Raja, Madhu Balakrishnan, Tippu, K. J. Yesudas, Jyotsna Hardikar, Premji Amaran, Srimathumitha |
Producteur | Ameer Sultan |
Durée | 138 mn |
Raam est un jeune attardé mental qui vit encore chez sa mère, institutrice. Son père a disparu à sa naissance, depuis il n’a plus qu’elle et un lien très fort les unit. Pour justifier l’absence de ce père, un jour elle lui répond qu’il est le fils de Dieu (d’où son prénom). Dès lors Ram, qui était déjà un fidèle fervent, se croit investi d’une mission quasiment divine et se fait redresseur de torts, massacrant sauvagement les voleurs et autres voyous qu’il croise, au désespoir de sa mère qui ne sait que faire lorsqu’il rentre chez lui les mains tachées de sang.
Un matin on le retrouve endormi un poignard à la main à côté de sa mère baignant dans son sang… la maison est fermée de l’intérieur. Comment quelqu’un qui adorait sa mère plus que tout aurait-il pu commettre ce crime ? Et qui est vraiment Raam : simple attardé mental ou affreux psychopathe ? Malgré les évidences, l’inspecteur Umar en charge du district décide de mener l’enquête jusqu’au bout…
La qualité première de Raam, assez rare en Inde pour être immédiatement soulignée, c’est son scénario d’une rare cohérence. Il aborde pourtant des thèmes rebattus mille fois dans le cinéma indien : les relations mère/fils - thème ô combien traditionnel - et l’étude psychologique d’un attardé mental. Guna et plus récemment Pithamagan entre autres ont déjà porté ce thème à des sommets. Mais le réalisateur traite le sujet de façon radicalement différente, en utilisant le mode de l’enquête policière, et en respectant strictement les codes du genre. Si Raam navigue savamment du drame psychologique à la romance de convenance, le film est avant tout un thriller réussi, rigoureux et efficace, avec des rebondissements qui vous clouent sur place, dans la lignée de Gentleman.
On apprécie une véritable recherche dans la réalisation. Là où la plupart des films indiens ont recours à une frontalité facile directement héritée du théâtre (le héros qui parle face caméra en tournant le dos au méchant même pas désarmé, par exemple…), ici chaque plan est filmé et mis en scène avec originalité et fraîcheur, ce qui renouvelle notre attention à chaque instant. A l’image d’une scène d’ouverture anthologique, qui pendant près d’un quart d’heure nous révèle peu à peu la scène du crime, Raam a dans ses meilleurs moments un niveau qualitatif digne des meilleurs thrillers hollywoodiens.
Il le doit beaucoup à son excellence technique. La photographie comme le travail de la caméra sont exceptionnels et lui donnent un aspect international rappelant les films de Mani Ratnam ou Ram Gopal Varma. Sans recourir aux excès tape-à-l’œil de films comme Company ou Musafir, dans Raam le mot d’ordre est la sobriété, mais une sobriété efficace, propice à créer une atmosphère bien particulière.
Le seul bémol pourrait venir de la narration car Ameer, le réalisateur, a choisi un récit éclaté. Cela se prête bien à une enquête où différents témoignages sont confrontés pour nous révéler au fur et à mesure toute la complexité de l’intrigue, comme c’est le cas ici. Encore faut-il s’y tenir du début à la fin. Malheureusement cette méthode n’est pas toujours maniée adroitement, et d’ailleurs passe étrangement au second plan une fois les personnages et l’intrigue posée, pour revenir à une narration plus linéaire qui, elle, fait des étincelles.
Le film bénéficie de prestations irréprochables de l’ensemble du casting. Contrairement à son film précédent, cette fois-ci Ameer a donné leur chance à de jeunes acteurs et actrices, ainsi qu’à des acteurs ordinairement cantonnés aux seconds rôle. Un choix courageux dans une industrie régie par le star-system, et justifié au vu du résultat : tous sont véritablement excellents, et l’absence de visage connu facilite l’immersion dans le film et du même coup son efficacité.
Jeeva a évidemment le rôle clé avec un personnage difficile à interpréter. Celui-ci rappelle beaucoup celui de Kamal Hassan dans Guna, mais il l’interprète en s’inspirant manifestement plus de celui de Vikram dans Pithamagan. Certains tics et comportements sont identiques. Même s’il a tendance à surjouer quelques fois, il reste crédible quand il le faut, et surtout réussit magnifiquement sa scène finale, ce qui laisse une forte impression.
C’est surtout Rehman, dans le rôle de l’inspecteur, qui surprend par son charisme ; il donne à son personnage de policier ordinaire menant l’enquête coûte que coûte, une présence singulière. Sans mot dire, il fait passer beaucoup plus à l’écran que tous les autres.
Le personnage de la mère, incarnée par Saranya, bénéficie d’une qualité d’écriture rare. Les rôles de mère dans les films indiens sont généralement très stéréotypés, et réservés aux actrices vieillissantes, mais ici il est beaucoup plus profond et psychologique.
Avec un tel sujet on pourrait avoir le sentiment que les chansons sont superflues, d’autant qu’elles ne tombent pas toujours au bon moment. Fort heureusement Yuvan Shankar Raja a composé des mélodies plutôt douces et mélancoliques, loin des gros rythmes commerciaux, si bien que la musique ne gêne en rien et se fait accepter d’elle-même. Elle ajoute une atmosphère de nostalgie et de tristesse en parfaite adéquation avec le sujet, qui se prête bien à l’introspection du personnage. A l’exception de boom boom avec sa chorégraphie hip hop formatée MTV et par ailleurs plutôt bien filmée mais qui fait franchement tache, il s’agit certainement d’une des BO exceptionnelles de l’année.
Vous l’aurez compris, Raam constitue l’une des réussites incontestables de cette année 2005, et impose son réalisateur Ameer qu’on a envie de suivre de près. Après un Mounam Pesiyadae sympathique mais sans plus, on ne l’attendait pas là, mais c’était sans doute oublier un peu vite qu’il avait été assistant du réalisateur Bala sur des films aussi novateurs que Sethu et justement Pithamagan, dont l’influence est ici évidente.
Le plus surprenant reste encore que Raam a pour une fois mis d’accord critiques et public, qui lui ont fait un bel accueil. Sorti de nulle part début 2005, sans grande publicité ni stars à l’affiche, il s’est révélé à la surprise générale un succès, rappelant qu’un bon film c’est d’abord un bon scénario.
Il faut également noter que Raam est le seul film tamoul a avoir été choisi pour figurer dans la section ‘Indian Panorama’ du prestigieux International Film Festival of India 2005, qui propose tous les ans un aperçu des meilleures réalisations des différentes cinématographies indiennes.