Premier long métrage de la documentariste, budget extrêmement serré, casting composé pour une grande partie d’acteurs amateurs, sujet difficile, le tout entièrement tourné dans les rues de Bombay… bref un pari bien difficile à relever.
500 roupies…
Krishna (Shafiq Syed), un petit garçon de dix ans, parcourt les campagnes avec un cirque, auquel l’a "confié" sa mère jusqu’à ce qu’il gagne les 500 roupies qu’il lui aurait dérobé, selon son grand frère.
Alors qu’il s’absente pour faire une commission pour le directeur du cirque, celui-ci décide de partir sans attendre son retour. Krishna se retrouve alors seul face à son destin. Ne pouvant rentrer chez lui… pas avant d’avoir économisé 500 roupies, il débarque à Bombay, ville immense, animée et foisonnant de pièges et de dangers pour un enfant, dont les rues vont devenir son seul univers.
Il trouve soutien et complicité auprès d’une bande de "gosses des rues" qui, comme lui, tentent de survivre tant bien que mal, tout en échappant à la police qui risque à tout moment de les conduire en maison de correction pour de longues années.
Décrochant un emploi de livreur de thé, Krishna arpente les rues de Bombay chargé de son précieux breuvage. Il se lie alors d’amitié avec Chillum (Raghubir Yadav), un dealer travaillant pour Baba (Nana Patekar), mais aussi avec Manju (Hansa Vithal), une petite fille qui ne veut plus le quitter, ainsi qu’avec Rekha (Aneeta Kanwar), sa "maman" et femme de Baba.
C’est dans cet univers précaire que Krishna parvient à trouver un équilibre… Mais un matin, alors que les enfants rentrent après avoir travaillé toute la nuit, la police les prend en chasse…
Film ou documentaire ? Fiction ou réalité ? La frontière est difficile à cerner.
En effet, l’idée de ce film s’est imposée à Mira Nair alors qu’elle observait les enfants des rues de Bombay en réalisant son précédent documentaire, India Cabaret. Et dans cette nouvelle expérience, la réalisatrice va appliquer ses méthodes de travail de documentariste, notamment pour la recherche de ses personnages principaux et la trame de l’histoire…
Effectivement, grand nombre des personnages principaux de Salaam Bombay ! sont des acteurs non professionnels, les enfants qui apparaissent dans le film sont de véritables enfants des rues, et cela non pour des raisons budgétaires, mais plutôt pour faire passer à l’écran plus de spontanéité, de naturel. Ils donnent au film toute sa crédibilité, puisqu’ils vont, en quelque sorte, jouer "le rôle de leur vie" devant les caméras.
Les enfants, Shafiq Syed et Hansa Vithal en tête, vont se révéler être de bien meilleurs comédiens que bon nombre d’acteurs professionnels. A chacune de leurs apparitions nous sommes touchés par leur sensibilité, leur joie, leur tristesse, leur regard profond, mais aussi par cette envie de vivre, de survivre, d’aller de l’avant, sans jamais s’apitoyer sur leur sort…C’est à cette combativité et à cet amour de la vie, toujours empreint de dignité, que Mira Nair a voulu rendre hommage, tout comme l’avait fait trente ans plus tôt Mehboob Khan au travers de Radha dans son mythique Mother India.
Pour les autres personnages du film, point de vedettes de cinéma, mais des acteurs confirmés venant de la télévision, comme Aneeta Kanwar, ou du théâtre à l’instar de Nana Patekar (terrifiant beau-père dans Shakti - The Power) qui interprète ici un personnage nuancé, une sorte de tyran au cœur tendre mais qui, naviguant dans un quotidien difficile, ne saura pas toujours écouter son cœur quand il le faudrait.
A noter que si Raghubir Yadav (incarnant Chillum le dealer) était au début de sa carrière, il a depuis fort bien continué avec d’excellents films tels que Bandit Queen, Dil Se, Lagaan, Meenaxi…
Pour l’histoire de Salaam Bombay ! Mira Nair a également opté pour une approche résolument orientée vers le documentaire, tant du point de vue scénaristique que de la réalisation.
En effet, Sooni Taraporevala & Mira Nair ont consacré une grande partie de la pré-production à enquêter sur les enfants des rues et à les écouter afin de mieux comprendre leur quotidien, leurs moyens de subsistance… Ils ont cherché aussi à saisir leurs craintes (notamment face à la police et aux "prisons pour enfants"), leurs regrets, ainsi que leurs aspirations ou leurs espoirs… Aussi, pour nous raconter le quotidien du petit Krishna, pas moins de quatre versions du scénario auront été écrites par Sooni Taraporevala & Mira Nair avant d’aboutir au scénario final de Salaam Bombay ! et à son "histoire" en apparence simple mais touchante de sincérité… Par exemple lorsque Krishna cherchant en Rekha l’amour et la protection de la mère qui lui manque, retrouve toute son innocence d’enfant que les rues de Bombay lui ont volé.
De plus, Mira Nair a su créer une véritable complicité entre les enfants, entre eux et les adultes, une alchimie qui transparaît à l’écran, de sorte que le spectateur se trouve impliqué dans l’histoire de Krishna et de son entourage.
La réalisation, elle aussi, se veut proche de la réalité. Non par le recours à des images "crues" (comme peuvent en donner la caméra à l’épaule ou les images DV), puisque la réalisation est très soignée et la photo magnifique, mais grâce au tournage en décors naturels. Ainsi 80 % du film a été tourné dans les rues de Bombay, la scène de la "prison pour enfants" a été tournée dans une vraie maison de correction, les enfants apparaissant à l’écran sont de vrais "détenus"…
Comme vous pouvez l’imaginer, pas de chant ou de scène dansée dans Salaam Bombay !, mais une musique magnifique composée par L. Subramaniam en parfait prolongement avec les émotions que nous distille à l’écran Mira Nair. Une partition envoûtante que vous n’êtes pas prêts d’oublier.
Ajoutez à tout cela une réalisation sobre et sans effets inutiles, et vous comprendrez alors aisément pourquoi Salaam Bombay ! a permis à Mira Nair de remporter la Caméra d’Or à Cannes en 1988 et d’être nominé pour l’Oscar du meileur film étranger en 1989.
Durant les trois mois de préparation et le tournage de Salaam Bombay ! Mira Nair et son équipe sont restés quasiment 24H / 24H avec ces enfants, notamment à l’occasion "d’ateliers" : cours de danse moderne, de yoga, préparation de scènes… mais aussi débat avec les enfants sur des sujets les préoccupant, information sur des points de la vie quotidienne, apport de soins médicaux…. Ils ont été bouleversés par le sort de ces enfants, si bien qu’ils ont décidé de reverser les bénéfices du film à une association venant en aide aux enfants des rues.
C’est ainsi qu’est née la fondation Salaam Balak Trust. Sur l’exemple des ateliers instaurés par Mira Nair et dans une logique d’ouverture d’esprit et non de discipline, cette fondation propose des foyers aux enfants des rues, des structures où ils trouvent un endroit sûr pour dormir, où ils peuvent bénéficier d’aides pour suivre des études ou apprendre un métier, recevoir des soins médicaux, célébrer les fêtes…
Tous les ans, plus de 5 000 enfants sont accueillis dans les 17 foyers de la fondation.
Plus qu’un film ou un documentaire, Mira Nair, véritable dame de cœur, pose un regard tendre sur l’enfance et nous livre ici le récit d’une belle aventure humaine… une aventure commencée il y a quinze ans à l’occasion du tournage de Salaam Bombay ! et qui se prolonge aujourd’hui par le biais de la fondation Salaam Baalak Trust.
Aussi, pour votre plaisir, des yeux, mais aussi du cœur, n’hésitez pas acheter le film Salaam Bombay ! et ainsi à venir en aide à ces enfants.
Coordonnées de la fondation :
SALAAM BAALAK TRUST :
DDA Community Center,
Chandiwali Gali,
Paharganj, New Delhi-110055
India
Tél : 00 91 11 23589305
Fax : 00 91 11 23584164
E-mail : salaambt@vsnl.com
Internet : Salaam Baalak Trust