The Attacks of 26/11
Traduction : Les Attaques du 26/11
Langue | Hindi |
Genre | Drame |
Dir. Photo | Harshraj Shroff, M. Ravichandran Thevar |
Acteurs | Nana Patekar, Sanjeev Jaiswal, Ganesh Yadav |
Dir. Musical | Amar Mohile, Sukhwinder Singh, Rooshin Dalal, Kaizad Gherda, Vishal R. Khosla, Sushil R. Khosla |
Paroliers | Irshad Kamil, Jaspreet Jasz, Rashid Iqbal, Liaqat Jafri |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, Aman Trikha, Shabab Sabri, Chaitra Ambadipudi, Sukhwinder Singh, Rooshin Dalal |
Producteur | Parag Sanghvi |
Durée | 113 mn |
Les faits sont connus. Le 22 novembre 2008, un groupe de dix hommes prend le contrôle d’un petit bateau de pêche non loin des eaux territoriales pakistanaises. Ils abordent quatre jours plus tard à Bombay, armés de fusils d’assaut, de grenades et d’explosifs . S’en suivent 60 heures de massacre dans la ville jusqu’à ce que les unités d’élite de la police, arrivées précipitamment de New-Delhi, finissent par venir à bout des forcenés. Un seul sera pris vivant, Ajmal Kasab (Sanjeev Jaiswal), et c’est par lui que nombre de détails de cette attaque sans précédent seront connus. Au total, les terroristes auront fait 166 morts et 238 blessés.
Rakesh Maria (Nana Patekar) était chef-adjoint de la police de Bombay le soir du 26 novembre, lorsque l’horreur et le chaos se sont abattus sur la ville. Comme souvent en Inde, son action durant ces tragiques évènements a été très critiquée et il doit se justifier devant une commission d’enquête. Alors il raconte la prise du bateau, la fusillade dans le café Leopold, les premiers temps de l’attaque de l’hôtel Taj et celle de la gare centrale. Les dix hommes, déterminés et implacables tuent sans discrimination hommes, femmes, enfants, hindous comme musulmans. La police est abasourdie, incapable de prendre la mesure de la situation…
Décrire ces heures tragiques était une gageure. La ville, comme le pays tout entier, ont été traumatisés il y a quatre ans par la sauvagerie terroriste. Cela a certainement été accentué par la durée exceptionnellement longue de l’attaque qui a laissé aux chaînes de télévision tout le loisir de décrire les événements alors même qu’ils se déroulaient. Les images de vidéosurveillance et de rares photos de presse ont été mises à la disposition du public. Ce fut aussi le cas de conversations téléphoniques entre les terroristes et leurs « supérieurs ». La couverture médiatique a été si intense qu’il ne reste plus guère de zone d’ombre qui obscurcisse les faits eux-mêmes.
Mais l’intention de Ram Gopa Varma n’était pas de faire un documentaire supplémentaire sur ces attentats. Il a plutôt cherché à nous faire ressentir ce qui s’est passé, comme si nous étions des spectateurs invisibles survolant en silence ces scènes d’horreur. S’il prend quelques libertés avec les faits, c’est pour mieux se focaliser sur l’humanité des victimes et la monstruosité des assaillants. Il passe ainsi sous silence les attaques d’autres lieux comme l’hôtel Oberoi ou le centre de la communauté juive. Il expédie également en quelques secondes l’intervention des Black Cats, les unités anti-terroristes qui ont en définitive libéré la ville aux petites heures du 28 novembre.
Les massacres de victimes innocentes sont fréquents au cinéma. Les journaux télévisés sont pleins de cadavres. Le sang nous est tellement familier que nous y sommes devenus insensibles. C’est certainement ce qui pousse habituellement les réalisateurs à se limiter à quelques victimes qu’ils nous présentent pour créer de l’empathie et nous amener à l’atroce réalité. Mais ce n’est pas la voie choisie Ram Gopa Varma. Mis à part le patron-pêcheur (Ganesh Yadav), les innombrables victimes sont muettes et nous ne savons rien d’elles. Tout se joue dans leurs regards sidérés, ainsi que dans leurs quelques pauvres gestes pour tenter de sauver leur vie ou celle des autres. À cet égard, le film est une immense réussite. Nous sommes avec ces gens, l’émotion est intense.
L’héroïsme « ordinaire » est montré de façon poignante, qu’il s’agisse des policiers qui montent à l’assaut armés de leurs seuls bâtons contre des AK47, ou du médecin qui essaye seul de mettre à l’abri les patients de l’hôpital Cama. Alors que j’écris ces lignes, je ne peux m’empêcher de penser à l’hôtesse du front desk du Taj de l’image qui précède, tuée en tentant de sauver un petit garçon qui pleurait sa mère morte. Ram Gopa Varma a l’intelligence de ne pas insister sur ces actes en particulier, pas plus que sur les gens qui tentent de se cacher pour échapper à leur sort funeste. C’est notre humanité souffrante qu’il dépeint brillamment.
Mais The Attacks of 26/11 ne se réduit pas à d’innommables boucheries. La seconde partie du film est consacrée à l’arrestation de Kasab et sa confrontation avec Maria. La dernière scène en grande partie imaginaire, portée par un Nana Patekar au sommet de son talent, est un plaidoyer virtuose pour l’islam et contre la barbarie. Rommel Rodrigues, qui a également signé le scénario du film, a écrit ici un des plus beaux textes dénonçant le terrorisme. En quelques mots simples et profondément émouvants, il disculpe l’Islam de toute tentative de récupération par des fous intégristes dévoyés. Il répond aussi, au fond, à la question obsédante du mobile, seules la folie, l’ignorance et la bêtise peuvent justifier une telle inhumanité.
Car une grande crainte des auteurs était de susciter des réactions de haine envers les musulmans dans une Inde toujours prête à s’embraser à la moindre étincelle. En se voulant une relation fidèle des événements, le film ne pouvait passer sous silence que les terroristes étaient venus du Pakistan pour mener une entreprise suicidaire motivée par des raisons religieuses. Alors il est écrit clairement dans le premier panneau présenté au début : « Ce film n’est en aucune façon contre quelque religion ou communauté que ce soit ». Il se termine symétriquement par une magnifique chanson qui dit : « Certains T’appellent Ishwar (Vishnou) et d’autres T’appellent Allah. Mais nous Te supplions Seigneur, de nous bénir tous ».
Si ce projet est une formidable réussite, il le doit en grande partie à ses acteurs. Ils sont tous profondément inspirés, des deux acteurs principaux aux plus insignifiants figurants. Nana Patekar est magistral. C’est aussi le cas du jeune Sanjeev Jaiswal qui incarne très courageusement Kasab. Il a l’âge comme le physique du personnage détesté par le sous-continent tout entier. La scène finale de la pendaison, tournée quelques semaines seulement après la mise à mort du terroriste, l’a laissé traumatisé.
La réalisation n’est pas en reste. Il y a bien quelques ralentis aguicheurs et des notes de violon racoleuses, mais c’est très peu de choses en regard de l’ensemble d’une œuvre qui nous rive irrémédiablement à l’écran pendant près de deux heures. Le montage ne laisse jamais l’œil s’attarder. Les images, si choquantes qu’elles soient, ne sont jamais vulgaires. Le respect est de tous les instants. Ram Gopal Varma a prétendu (1) n’avoir utilisé que des techniques de cinéma traditionnelles, rompant ainsi avec la méthode qu’il a mise au point depuis quelques années. Cette concession faite à une critique cinématographique très conservatrice accentue encore le sentiment que les auteurs se sont mis en retrait et au service de cette histoire effroyable. C’est aussi le cas de la musique peu présente. La seule chanson qui se fasse entendre pendant le film est Maula Maula interprétée par Sukhwinder Singh et Rooshin Dalal. Elle conclut la première partie et nous laisse tous comme les policiers du centre de commandement : hébétés.
La presse a fait état de la réaction d’Amitabh Bachchan à la suite de la projection privée de The Attacks of 26/11. Il est sorti de la salle de cinéma en pleurs et profondément touché. Bien qu’habitant à 9000km et sans aucun lien avec cette ville, j’ai été assailli par les mêmes sentiments en découvrant le martyr de Bombay.
(1) Ce n’est pas tout à fait exact et on peut remarquer par exemple que les scènes en mer utilisent à l’évidence des caméras numériques installées dans des dispositifs inhabituels.