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Water

Traduction : Eau

LanguesHindi, Anglais
GenreDrame
Dir. PhotoGiles Nuttgens
ActeursWaheeda Rehman, John Abraham, Lisa Ray, Vinay Pathak
Dir. MusicalA. R. Rahman
ParoliersSukhwinder Singh, Raquib Alam
ChanteursSadhana Sargam, Sukhwinder Singh, Richa Sharma, Kaushiki Chakroborty, Raquib Alam, Ajoy Chakrabarty, Surjo Bhattacharya
ProducteurDavid Hamilton
Durée116 mn

Bande originale

Aayo Re Sakhi
Piya Ho
Naina Neer Bahaye
Sham Rang Bhar Do
Vaishnava Janatho
Bhangari Marori

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Fiche IMDB
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La critique de Fantastikindia

Par Soniya - le 27 septembre 2006

Note :
(6.5/10)

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Pour les fans de la grande cinéaste NRI* Deepa Mehta, auteur de Fire et 1947 (Earth), la sortie en France de ce troisième volet de sa trilogie des éléments, Water, est un évènement, alors même que le film n’est toujours pas sorti en Inde. Il est d’ailleurs impossible d’écrire un article de Water sans rappeler plus globalement dans quel contexte le film a été tourné.
Déjà harcelée par les fondamentalistes hindous depuis son film Fire qui traitait de l’homosexualité féminine, Deepa Mehta commença en 2000 le tournage de Water, dont le sujet annoncé était la condition des veuves en Inde. Les extrémistes religieux brûlèrent les plateaux de tournage et lancèrent des menaces de mort contre la réalisatrice et les comédiennes. Le tournage ne put reprendre que cinq ans plus tard, secrètement, au Sri Lanka.
Lors de sa sortie officielle en 2005, notamment au Canada, le film fut encensé par la presse, ainsi que par Salman Rushdie et Steven Spielberg. Et aujourd’hui, lors de sa sortie en France, l’accueil des critiques est également chaleureux.
Cependant, devant Water, je me pose des questions que tout critique a du se poser un jour : un film engagé ayant pour but de dénoncer une situation humaine révoltante, fait-il un bon film ? et l’esthétisme des images sert-il forcement la cause de ce film ? Voici mon avis…

Chuyia (Sarala) est une enfant mariée à un homme, mariée pas vraiment de force, pas vraiment par des parents mal attentionnés : Chuyia ne se rappelle même pas ce mariage que ses parents ont arrangé semble-t-il par tradition et par nécessité. Mais quand l’époux de Chuyia meurt, elle devient veuve à sept ans. En cette année 1938 en Inde, cela signifie la fin de sa vie d’enfant et le non commencement de sa vie de femme. La tête de Chuyia est rasée, ses bracelets cassés, on la drape dans un sari blanc et son père l’abandonne dans une « maison de veuves », un ashram où les femmes doivent se consacrer à la prière.

En effet, comme le dira plus tard l’un des personnages du film, d’après les textes sacrés une femme hindoue n’a que trois possibilités à la mort de son mari : brûler avec lui lors de sa crémation, se marier avec son frère ou mener une vie de sacrifice. C’est à ce dernier choix que l’on condamne la petite Chuyia, qui découvre un endroit où des femmes de tous âges mais toutes identiques vivent presque cloîtrées, doivent constamment prier et se purifier, manger peu et attendre la mort… Madhumati (Manorama), la chef de l’ashram, accueille l’enfant en lui disant que cette maison n’est pas une prison mais un refuge et que toutes les veuves sont sœurs, mais Chuyia n’est pas prête à se résigner et se rebelle. Dans son sillage, la jeune Kalyani (Lisa Ray) et Shakuntala (Seema Biswas), veuve d’âge mûr, vont remettre en cause les traditions qu’elles avaient jusque là acceptées comme sacrées.

Kalyani est une jeune femme qui, malgré sa dure condition de vie, est toute de douceur, d’innocence et de naïveté. Elle est également, comme toute héroïne indienne qui se respecte, extrêmement belle. Lorsque son chemin croise par hasard Narayan (John Abraham), jeune avocat fraîchement diplômé et progressiste, celui-ci tombe immédiatement fou amoureux d’elle. Alors que les traditions et la piété de la jeune femme la poussaient à accepter son destin de paria, elle s’ouvre sous l’influence de Narayan à la possibilité d’une nouvelle vie.

Shakuntala est une belle femme au visage dur, qui accepte son statut dignement mais chez laquelle on sent cependant une faille, une colère sourde : face à des traditions qui lui refusent toute existence, elle cherche une réponse dans les textes sacrés et les conseils d’un saint homme, Sadananda (Kulbhushan Kharbanda).

Ces deux héroïnes, au cours du film, vont devoir se situer entre religion et libre-arbitre, renoncement et volonté de vie, dans une Inde traditionnelle qui s’éveille lentement à une possibilité de changement, sous l’influence du Mahatma Gandhi. Narayan représente cette Inde moderne, qui privilégie l’humain aux traditions. Pour lui les coutumes indiennes emprisonnent le pays et doivent disparaître, alors que pour Kalyani, tout ce qui est bon ne doit pas être effacé. Une jolie synthèse de ces deux courants de pensée est concentrée dans le personnage de Sadananda, qui accompagne Shakuntala dans son cheminement intérieur : sacré et modernité doivent pouvoir cohabiter et le mélange de la réflexion personnelle et des sentiments semble être la clé pour réaliser cette évolution.

Water a l’immense mérite de parler d’un sujet difficile en mettant en scène de beaux personnages, jamais manichéens. Sur certains points le film rappelle Earth : c’est en effet à hauteur d’enfant, par les yeux d’une petite fille, à la fois espiègle et grave, que l’on découvre l’histoire et son contexte historique. Le procédé est judicieux et particulièrement bien adapté à un public occidental qui n’est pas vraiment au fait des traditions indiennes. La réalisatrice prend ainsi soin de nous faire découvrir la vie des veuves, faites de constantes frustrations, traitées -et ce n’est pas exagéré de l’écrire- comme des pestiférées. Deepa Mehta a aussi l’habileté de suggérer et non de montrer l’horreur de certaines situations. Les actrices sont toutes excellentes, on peut saluer le talent de Sarala, Sri lankaise, dont c’est le premier rôle. Les seconds rôles sont magistralement interprétés, notamment Madhumati, la chef de l’ashram fumeuse de ganga (vraie méchante ou victime des circonstances ?), le/la proxénète Gulabi et la très vieille veuve en manque perpétuel de friandises (déchirante lorsqu’elle lance à Chuiya : « Tu ne sais pas combien la vie est décevante… ! »).

La musique de AR Rahman est comme toujours une réussite, que Deepa Mehta met en scène de manière à refléter l’état intérieur des personnages : par exemple lors de « Aayo Re Sakhi » où les personnages jubilent sous la pluie, « Naina Neer Bahai », mélancolique, ou encore « Sham Rang Mei » lors de la fête de Holi, quelques instants où Chuyia la veuve a la permission de redevenir une enfant.

Qu’est ce qui cloche alors me direz-vous dans Water ? Tout d’abord, le moteur du film est une histoire d’amour à laquelle on a vraiment du mal à croire, alourdie par un travail esthétique intéressant mais qui plombe l’histoire. Les deux amoureux lors de leurs rencontres sont vraiment empruntés et Deepa Mehta ne les aide pas en les mettant au milieu de paysages sublimes et en les filmant eux-mêmes comme des paysages. Si Lisa Ray réussit à composer un émouvant personnage de femme-enfant, qu’elle arrive même à rendre sensuel, John Abraham a beaucoup plus de mal à nous faire croire à son personnage de bourgeois idéaliste. Loin de moi l’idée de lui reprocher sa joliesse, je peux même admettre que le jeu de l’acteur s’est amélioré depuis Kaal et Dhoom, mais comment croire que l’Inde progressiste puisse être incarné par un personnage d’une telle tiédeur ? Certes le Mahatma Gandhi prônait la non-violence et la résistance passive, mais le visage trop souvent anesthésié et monolithique de l’acteur affadit davantage cette histoire d’amour que Deepa Mehta a voulu rendre trop pure, comme l’eau. Qu’aurait fait de ce personnage un Saif Ali Khan ou un Aamir jeune ? Aucune passion ne se sent en compagnie des deux amoureux, leur sort finit par nous être indifférent, d’autant plus que l’issue de leur histoire est vraiment « téléphonée ».

L’eau est bien sûr omniprésente dans le film, notamment lors des ablutions quotidiennes au fleuve ou à travers la pluie. L’eau qui lave, qui permet la pureté, but de la vie de piété d’une veuve. Mais très vite, ce symbolisme finit par devenir trop appuyé, comme ce grand fleuve à traverser qui rythme l’évolution des personnages. Les cadrages -certes magnifiques- de la ville et de la nature, ralentissent une action qui pâlit devant tant de beauté.

D’ailleurs, lorsqu’à la fin la réalisatrice oublie de faire du joli et se concentre sur son histoire, son film trouve un souffle que l’on aurait aimé ressentir bien avant. Et cela provient du personnage de Shakuntala (superbe composition de Seema Biswas), la veuve qui demande « Que fait-on lorsque notre conscience s’oppose à notre foi ? ». Les dernières scènes, où elle se rend à la gare à la rencontre du Mahatma Gandhi, sont d’une grande tension dramatique : enfin l’émotion apparaît et le film parvient à faire ressentir le changement, historique pour l’Inde, intérieur pour les personnages, qu’il cherchait à mettre en scène. Alors qu’une grande partie de Water est figée et que le film semblera sûrement longuet aux spectateurs, cette dernière scène nous fait percevoir ce qu’aurait pu être la réalisation de Deepa Mehta et ce que moi, en tout cas, j’aurais aimé qu’elle soit (c’est d’ailleurs pour cette raison que ma note sur ce film est sans doute un peu dure).

Water reste cependant un film à voir. Tout d’abord parce que l’un des thèmes traités est finalement très actuel et touchera tous les publics, d’Inde ou d’ailleurs : comment faire la part des choses entre sa foi, ses traditions et ses convictions, quand elles sont en contradiction ? Ensuite parce que la situation des veuves, telle que décrite dans ce film, perdure toujours 70 ans plus tard, dans un pays où il n’est pas toujours bon d’être une femme : le courage et le travail de Deepa Mehta méritent donc notre attention.

* NRI : Non Resident Indian : Deepa Mehta vit au Canada.

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