Par Laurent - le 17 septembre 2005

Sorti le même jour que la méga production Veer-Zaara, Aitraaz s’annonçait comme l’outsider de l’automne 2004, le film le plus apte à rivaliser avec la grosse machine des Chopra. D’abord pour son casting de choix, qui associe plusieurs stars montantes dans les rôles principaux (Kareena, Priyanka, Akshay Kumar) à des valeurs sûres dans des seconds rôles typés (Amrish Puri, Paresh Rawal). Ensuite pour le duo de réalisateurs Abbas-Mustan, réputés en Inde pour leurs "thrillers", terme très général qui désigne en fait les films de genre à l’américaine (polars, suspens, films de vengeance, comme leur fameux Baazigar, première réunion à l’écran de Shahrukh et Kajol). De quel genre s’agit-il plus précisément cette fois-ci ? Regardons le synopsis…

Akshay Kumar est la star masculine du film, il y incarne un jeune cadre dynamique du nom de Raj Malhotra (un nom qui doit porter bonheur si l’on en croit ses multiples utilisations, par exemple dans Baghban et dans les films d’Aditya Chopra). Il forme avec Priya (Kareena Kapoor) un couple heureux et sans histoire, propice à la mise en scène d’effusions typiques de toute comédie romantique. Raj travaille dans l’entreprise de Ranjit Roy (Amrish Puri), un vieux P.-D.G. ombrageux. Un jour, Roy présente à ses employés sa très jeune femme, Sonia (Priyanka Chopra).

Lorsqu’elle était top-model, Sonia a eu une liaison avec Raj, encore célibataire, mais l’a chassé par pur égoïsme, préférant sa carrière à leur couple. A présent supérieure hiérarchique de son ancien amant, elle lui fait miroiter un poste important s’il accepte ses pressantes avances. Mais il résiste jusqu’au bout à la tentation et refuse de tromper sa femme. Humiliée, Sonia attaque alors Raj en justice pour… harcèlement sexuel.

Nous voici en plein drame judiciaire made in India, remake apparent du film américain Harcèlement. Mais le tandem Abbas-Mustan a du métier et le film n’est pas inférieur à l’original, l’effet de surprise en moins. N’oublions pas que leur Humraaz était déjà un remake de Meurtre Parfait, autre drame conjugal avec Michael Douglas.

Akshay Kumar est très naturel et touchant dans le rôle de ce héros un peu tourmenté, même s’il était meilleur encore en frimeur cynique dans Khakee ou Mujhse Shaadi Karogi. Kareena est toujours superbe pour ses fans, malgré son soupçon de cabotinage habituel. Mais le rôle phare du film reste celui de Priyanka Chopra ; on la connaissait pour ses prestations de potiche séduisante dans des films d’action sans envergure avec les frères Deol (The Hero, Kismat), elle trouve enfin ici son premier grand rôle, celui d’une femme vénale qui manipule les hommes, un personnage vénéneux digne d’un film noir. Quant à Amrish Puri, donc c’est l’un des derniers films, il est succulent dans ce rôle de cocu bougon, de self-made man indien portant le stetson ! On a droit bien sûr à ses fameuses scènes de colère, jubilatoires pour qui l’a vu dans Indiana Jones et le Temple Maudit.

Ces personnages bâtissent donc la première partie du film, agréable exposition du drame conjugal. Mais c’est la seconde moitié qui fait la réussite de Aitraaz, puisqu’on a droit à un véritable film de procès, genre qui revient à la mode à Bollywood (Phir Milenge et même Veer-Zaara). Les joutes oratoires sont bien dialoguées, les manipulations de témoins bien exécutées. L’intrigue d’Harcèlement a été largement adaptée et on suit avec beaucoup de plaisir l’enquête et les coups de théâtre ménagés par l’avocat de la défense, incarné par le goguenard Paresh Rawal, un véritable joker qui apporte comme à son habitude une touche d’humour d’une finesse inhabituelle à Bollywood.

Si l’on ajoute à tout cela une mise en scène élégante et quelques chansons fort agréables et esthétiques, on obtient un très bon drame judiciaire à l’indienne, peuplé de stars, avec mention spéciale pour la performance sensuelle de Priyanka Chopra dans des scènes parfois crues pour un masala… Ceux qui ont vu Demi Moore dans Harcèlement comprendront !