Angadi Theru
Traduction : Rue commerçante
Langue | Tamoul |
Genre | Drame |
Dir. Photo | Richard Maria Nathan |
Acteurs | Mahesh, Anjali, A. Venkatesh, Pandi |
Dir. Musical | G. V. Prakash Kumar, Vijay Antony |
Parolier | Na. Muthukumar |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, Hamsika Iyer, Benny Dayal, Karthik, Ranjith, G. V. Prakash Kumar, Naresh Iyer, Haricharan, Vineeth Sreenivasan, Mahesh, Pandi, MK Balaji, Janaki Iyer |
Producteurs | K. Karunamoorthy, C. Arunpandian |
Durée | 148 mn |
Jyothi Lingam (Mahesh), brillant étudiant, vit avec sa famille dans un village près de Tirunelveli (Tamil Nadu). Le destin le frappe une première fois à la mort de son père : il doit renoncer à ses études et se mettre à travailler pour subvenir aux besoins de sa mère et de sa petite sœur. Il est alors engagé comme vendeur par le représentant d’un grand magasin de Chennai, Senthil Murugan Stores, situé dans une rue très commerçante, Ranganathan Street. Jyothi découvre un monde complètement différent de sa campagne natale, un monde cruel où des centaines de jeunes Tamouls des campagnes (filles et garçons), comme des milliers de petites mains, s’affairent aux différents étages du magasin au service de la clientèle, dans des conditions de travail proches de l’esclavage. Heureusement, Jyothi n’est pas seul dans cette épreuve, Marimuthu (Pandi), son meilleur ami, travaille avec lui et il a sympathisé avec une autre petite ouvrière de la ruche Senthil Murugan Stores, Kani (Anjali), une fille au caractère bien trempé et qui ne le laisse pas indifférent…
Après le coup de maître de Veyil, qui l’avait consacré comme un réalisateur très prometteur, le retour de Vasanthabalan à la réalisation était très attendu par ceux qui avaient apprécié Veyil, et ils étaient nombreux de par le monde, le film ayant fait une belle carrière dans les festivals internationaux et ayant même été projeté à Cannes en 2008, dans la section "Tous les cinémas du monde". Vasanthabalan réussit avec Angadi Theru, plus qu’un coup de maître cette fois, car le film est, n’ayons pas peur des mots, un véritable chef-d’œuvre. Angadi Theru réunit, en effet, ce que le cinéma indien sait faire de mieux : il allie les qualités d’un bon drame néo-réaliste tamoul et du cinéma engagé bengali, tout en conservant les séquences musicales caractéristiques du cinéma populaire indien, quelle que soit l’industrie cinématographique régionale.
Angadi Theru commence par assommer le spectateur par deux drames quasiment consécutifs et complètement inattendus, de sorte que l’on se dit que les choses ayant si mal commencé, elles ne peuvent qu’aller mieux par la suite. Effectivement, la narration s’éloigne pendant la majeure partie du film du drame familial et des coups cruels du destin pour nous emmener vers un autre drame humain : les conditions de travail et de vie inhumaines dont sont victimes des milliers de villageois exilés des métropoles et arrachés à leur vie modeste, mais paisible, par des exploiteurs sans scrupules. Car c’est bien cela que dénonce le film à travers l’histoire de Jyothi, Kani et Marimuthu.
À travers eux, on découvre les différents étages du Senthil Murugan Stores, des entrepôts aux étages, où les vendeurs et autres petites mains s’échinent à longueur de journée de travail (très longue, de l’aube au crépuscule) pour le bonheur des clients qui ne voient que les fils dorés des saris multicolores et non l’exploitation humaine qui se joue devant leurs yeux. On découvre aussi le dortoir où les petits ouvriers de la ruche s’entassent les uns sur les autres, la cantine où on leur sert un plat de riz et un peu de curry dans des conditions d’hygiène plus que douteuses, et les chefs d’étage qui ajoutent à l’exploitation humaine, sévices corporels et humiliations diverses (surtout pour les jeunes filles).
Le tableau dépeint est certes cruel par son réalisme, mais à aucun moment Angadi Theru ne verse dans le misérabilisme larmoyant. Pourtant, cela aurait été facile vu le sujet : dépeindre le quotidien de cette multitude humaine, humble et anonyme, qui peuple les rues des métropoles indiennes (vendeurs des grands magasins, vendeurs ambulants, famille vivant dans la rue, infirmes qui ont perdu leur force de travail et qui n’ont d’autre choix que de mendier, etc.). Le regard porté par le réalisateur sur ces anonymes n’est jamais condescendant, tout au contraire. S’ils sont pauvres, vêtus de haillons, ils n’en restent pas moins dignes, à l’image de ce vieux vendeur ambulant qui va aider Jyothi et Kani au moment où ils en auront le plus besoin.
Attention, si Angadi Theru ne verse pas dans le misérabilisme larmoyant, cela ne veut pas dire qu’il ne vous fera pas pleurer. Bien au contraire, vous serez touché par ses personnages et, en particulier, par l’histoire de Jyothi et Kani. Cette qualité empathique est due à la remarquable interprétation des jeunes acteurs, dont c’est le premier rôle, Mahesh et Anjali, touchants de naturel et de justesse. Vasanthabalan est un remarquable dénicheur de talents. Avec Veyil, il avait permis à Bharath de tenir toutes les promesses qui l’avaient révélé dans Kaadhal et offert à Pasupathy un émouvant rôle à contre-emploi, aux antipodes des méchants patibulaires auxquels il était abonné jusque-là, pour montrer les facettes cachées de son talent. Nul doute que Mahesh et Anjali sauront confirmer les qualités d’interprétation qui les ont rendus si attachants dans Angadi Theru et se faire un nom dans l’industrie cinématographique tamoule.
La musique de Vijay Antony et de G. V. Prakash Kumar ne laisse pas un souvenir indélébile, mais les séquences chantées s’intègrent très bien au film et agissent comme des soupapes entre les coups du destin. Le caméo de Sneha joue à peu près le même rôle : elle brille de toute sa beauté et représente une lueur d’espoir, au propre comme au figuré, pour ces jeunes vendeurs exploités. Je ne vous en dirai pas plus…
Angadi Theru a connu un succès critique et public au Tamil Nadu. Loin d’être un divertissement de masse, le film est devenu un succès-surprise au box-office : réalisé avec un budget de 3 crore, il en a rapporté 15 et dépassé les cent jours d’exploitation en salles. Angadi Theru a aussi obtenu le prix du meilleur film au festival de Chennai, en 2010. Il était aussi en course pour représenter l’Inde aux Academy Awards (Oscars), mais il a été coiffé au poteau par Peepli Live, lequel n’a pu passer la dernière sélection. Peut-être que les choses en auraient été autrement si Angadi Theru avait été retenu…