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La critique de Fantastikindia

Par Lalita - le 21 avril 2007

Note :
(6/10)

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Being Cyrus est l’adaptation d’une nouvelle. Le film raconte l’histoire d’un sculpteur nommé Dinshaw Sethna. Il publie un jour une annonce disant qu’il recherche un assistant. C’est alors que Cyrus se présente. Il s’installe peu à peu dans la petite vie de cette famille Parsi, allant jusqu’à s’attirer les faveurs de l’épouse de Dinshaw, Katy. Elle lui cède volontiers, à ses risques et périls…

Humour noir, personnages décalés, atmosphère inquiétante sont les ingrédients de cette oeuvre atypique, sans chanson, et tournée en langue anglaise. Pourtant ce petit film du réalisateur débutant Homi Adajania, est pourvu d’un casting digne d’une grosse production : Naseeruddin Shah (Dinshaw), Saif Ali Khan (Cyrus), Dimple Kapadia (Katy), Boman Irani qui joue Farokh le frère de Dinshaw, et Simone Singh qui interprète sa jeune épouse Tina. Ce sont sans doute ces acteurs qui ont assuré au film un beau parcours au box-office, en plus de l’adhésion critique. Cependant son format, novateur pour Bollywood, convainc-t-il complètement ? A-t-on surestimé Being Cyrus à cause de sa différence ?

Homi Adajania nous introduit dans le monde de son personnage principal dès la première scène, lorsque le spectateur le découvre couché sur le sol au sommet d’une colline. Il se lève ensuite et nous raconte le film en voix off au son d’une petite musique, à deux notes près similaire à celle de l’Exorciste (enfin quelqu’un à Bollywood qui pense qu’il pourrait payer des droits !)

Cyrus parle d’abord de sa vie et évoque une existence d’enfants maltraités. A cause de cette violence, il est devenu un être froid, détaché et manipulateur. C’est alors que l’annonce de Dinshaw va représenter pour lui un refuge et un moyen de s’intégrer au sein d’une nouvelle famille.

Et cette famille, ce sont les Sethna. Le père possède un immeuble à Mumbaï dans lequel il vit séquestré par son fils Farokh et sa femme Tina. Dinshaw quant à lui vit dans la petite ville de Panchgani. Devenu consommateur d’herbe à temps plein, l’homme n’a plus rien d’un artiste et sombre peu à peu dans la folie tandis que sa moitié (une Bovary bis) se morfond à ses côtés.

Toujours déchiré entre compassion et dégoût pour ces personnages, Cyrus ne cesse d’osciller entre douceurs et insultes à chaque fois qu’il les décrit. Une attitude créée par la schizophrénie du jeune homme que le réalisateur choisit de mettre en image. C’est ainsi que la première partie du film se transforme en introspection pour chacun des protagonistes. Homi Adajania prend le temps de dévoiler les vérités qui se cachent derrière les sourires des uns et des autres, une hypocrisie symbolisée par la photographie de mariage de Farokh et Tina.

Mais alors que le film nous intrigue, il perd du rythme lorsque le réalisateur tente de démontrer — de façon molle et pas très originale — que rien n’est ce qu’il paraît. Il abandonne Cyrus au milieu de l’histoire, ne l’incruste que ça et là lors de petites saynettes (Cyrus lit, Cyrus joue, Cyrus dort, Cyrus rêve), et raconte en parallèle le quotidien des autres personnages. Ce qui nous intéresse peu, tant on espère à la place « un crescendo » dans la noirceur…
Adajania manque en plus de subtilité lorsqu’il décrit Cyrus : il joue aux échecs ce qui illustre son côté manipulateur, il fait un rêve à l’imagerie torturée qui prouve sa folie. La scène du rêve est d’ailleurs ratée et tombe comme un cheveu sur la soupe ! Son esthétique est grandiloquente à souhait, pompeuse, prétentieuse et drôle… pour toutes les mauvaises raisons. Elle n’est cependant pas dépourvue de sens et fait écho à une autre scène tout aussi déroutante où sont illustrés cette fois les délires de Dinshaw.

Ces deux apartés tranchent avec la réalisation qui donne au film un faux air de comédie anglaise, créé par la musique et l’univers champêtre de la première partie. On pense aussi à d’autres œuvres comme Petit meurtre entre amis ou Match Point. Mais là où les Anglais et Woody Allen font sourire en mettant en scène des tueurs maladroits, Homi Adajania montre un homme manipulateur dont on n’a pas l’occasion d’observer étape par étape le coup de maître. Une démonstration qui aurait pu être jouissive, est remplacée par de lourdes allusions ou des visions de son esprit qui aurait pu être évitées. Le réalisateur a sans doute voulu rester fidèle à l’histoire originale.

Le dernier quart d’heure surprend, sort le film de sa torpeur et porte en lui l’impact qu’on aurait voulu voir tout le long. A conseiller à ceux qui aiment les fins méchantes, cyniques… et qui pendant une heure n’attendent que ça !

Avec Being Cyrus, Saif Ali Khan prend tout le monde de court en choisissant de jouer dans un film indépendant après les succès commerciaux que sont Kal Ho Naa Ho et Hum Tum. Mais son choix est payant puisqu’il prouve après Ek Hasina Thi notamment (un autre rôle de méchant) , qu’il est l’un des meilleurs acteurs de sa génération. Son petit « je ne sais quoi » cabotin, même lorsqu’il interprète les personnages les plus sombres, le rend irrésistible. Il est secondé par Naseeruddin Shah et Boman Irani dont le jeu est plus inégal. Alors que Shah est très touchant dans un rôle peu développé, Boman Irani en fait un poil trop et adopte des mimiques qui ne se justifient pas vraiment. Dimple Kapadia quant à elle en fait des tonnes. Elle donne l’impression d’être la folle, et qu’à côté son mari est juste légèrement « stone ». Simone Singh n’a pas beaucoup d’espace pour s’exprimer mais s’en sort. En ce qui concerne la langue, on sent que certains des acteurs ne sont pas habitués à jouer des films totalement en anglais. Le mieux aurait été de ne pas forcer leur nature et de privilégier le confort des comédiens.

Malgré ses défauts, le film tient surtout par un bon scénario et un acteur principal très charismatique. Il prouve qu’avec une bonne histoire et peu de moyens on peut faire tout simplement un bon film. Being Cyrus ne l’est qu’en partie. Surévalué à mon goût lors de sa sortie, il reste quand même d’une facture honnête et tire son mérite du courage de l’expérimentation du réalisateur.

Mention assez bien. Adajania peut nettement faire mieux.

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