Bhool Bhulaiyaa
Traduction : Le Labyrinthe
Langue | Hindi |
Genre | Film fantastique |
Dir. Photo | S. Tirru |
Acteurs | Akshay Kumar, Paresh Rawal, Shiney Ahuja, Vidya Balan, Amisha Patel, Rajpal Yadav |
Dir. Musical | Pritam Chakraborty |
Paroliers | Sameer, Sayeed Quadri |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, KK, Shaan, Neeraj Shridhar, Tulsi Kumar, M. G. Sreekumar |
Producteur | Bhushan Kumar |
Durée | 153 mn |
Une famille inquiète s’installe dans un palais abandonné où rôde un fantôme… Les uns y croient, les autres pas, pourtant les incidents se multiplient et l’ambiance s’alourdit… Jusqu’où ira Manjulika ?
Le remake hindi de Chandramukhi (lui-même remake du film Malayalam Manichitrathaazhu) était « attendu au tournant », après le succès du film tamoul avec Rajnikanth : pari gagné, l’esprit du film a été gardé à la lettre, avec juste ce qu’il faut d’adaptation pour en faire une jolie réussite Made in Bollywood.
Lorsque Siddharth (Shiney Ahuja) le dernier descendant du Raja, revient des USA avec sa jeune épouse Avni (Vidya Balan), il s’installe dans la demeure ancestrale de sa famille, abandonnée depuis longtemps. Ses cousins, redoutant de les y laisser seuls, s’y installent aussi malgré la trouille bleue que leur inspire le fantôme de Manjulika, une danseuse morte 150 ans auparavant - même si le dit fantôme a été enfermé à double tour dans une aile interdite. L’imprudente Avni, plus intéressée qu’inquiétée par cette histoire, ouvre la porte scellée et explore des trésors d’un autre temps. Mais des incidents de plus en plus dramatiques se produisent, tandis qu’on entend dans les couloirs les tintements de bracelets de cheville, les plaintes et chants de Manjulika…
Les prières et autres interventions des religieux locaux sont inopérants, les habitants du palais de plus en plus paniqués. L’ami psychiatre de Siddarth, le Dr. Aditya Shrivastav (Akshay Kumar) arrive pour tenter d’éclaircir la situation, mais les manifestations se renforcent. Le grand prêtre arrive alors à son tour. Seront-ils concurrents ou partenaires ? Les fantômes existent-t-ils vraiment ?
Bhool Bhulaiyaa est une belle histoire, avec un vrai suspens, des rebondissements, un mystère qui à la fois fascine et effraie. Les labyrinthes du palais sont angoissants à souhait, les échos des bracelets de cheville deviennent obsédants dans cet univers plutôt oppressant, lourd de croyances et de non dits, où les rituels religieux semblent constituer l’essentiel des occupations des habitants.
Dans ce contexte, le Dr Aditya est une vraie bouffée d’air frais. Déjanté, charmeur, solaire, il apporte non seulement le rationalisme, mais aussi l’humour, la distance, dans un groupe d’êtres terrorisés. Et contrairement à ce que pourrait laisser croire la couverture du DVD, il n’est ni chef de gang, ni rapeur…
Akshay Kumar incarne au contraire avec une certaine douceur ce rôle clé, il n’en rajoute pas et sait rendre son personnage aussi drôle qu’attachant. Vidya Balan est tout à fait convaincante dans un rôle à multiples facettes, elle prouve qu’elle sait faire autre chose que sourire. Shiney Ahuja reste stoïque. Costumé en Raja, on lui découvre une nouvelle stature.
La réalisation de Priyadarshan est esthétique et efficace, l’ambiance maléfique de ce palais est palpable, le malaise de ses habitants, tout autant. Les décors sont superbes, les scènes de groupe mettent en valeur les costumes colorés des habitants du Rajasthan. Le rythme du film est agréable, il n’y a pas de temps mort, pas de scènes parasites (ou presque), le réalisateur va droit au but. La scène de danse classique interprétée par Vidya Balan et Vineeth, acteur-danseur du Kerala, est splendide. On retiendra aussi la chanson titre, rebaptisée Hare Krishna Hare Ram, devenue un hit en Inde, elle ponctue certaines scènes mais il faut attendre le générique de fin pour l’entendre en entier. Il n’y a pas à proprement parler de clip, mais des passages du film agréablement mis en musique.
Bhool Bhulaiyaa, au-delà du divertissement, apporte de façon sous-jacente une double vision de l’Inde, dont les deux facettes peuvent sembler antagonistes mais finissent par se rejoindre : d’un côté la culture ancestrale, hors du temps, habitée par la religion. de l’autre une Inde moderne, qui voyage, s’auto-analyse, reconnaît aussi d’autres valeurs que celles venues des traditions. Et toute la qualité du film vient du "aussi" : il n’y a pas d’ironie ou de jugement pour l’une des deux facettes, mais beaucoup de respect et d’affection. C’est peut-être la touche principale de Priyadarshan apportée à ce film. Même si dans les deux versions, les scènes partagées entre le psy et le grand prêtre font partie des meilleurs moments, de ceux qu’on voit trop rarement dans les films, toutes provenances confondues.
De Chandramukhi à Bhool Bhulaiyaa :
Le second doit durer presque une heure de moins que le premier, Priyadarshan a supprimé toutes les scènes qui n’étaient pas liées à l’histoire principale, notamment les « dishuns » de Rajnikanth et les sournoiseries de la matriarche. J’avoue que l’omniprésence de la star du sud m’avait agacée et que je m’étais parfois perdue dans l’histoire de Chandramukhi, ayant tendance à confondre des personnages secondaires à peine esquissés. Alors que dans Bhool Bhulaiyaa, certains éléments qui venaient auréoler Rajnikanth sont délaissés au profit d’un espace mieux partagé entre les protagonistes, notamment entre Akshay Kumar et Shiney Ahuja dont le rôle est plus étoffé, mais aussi avec Paresh Rawal parfait en froussard total, et Rajpal Yadav passablement allumé.
En revanche, les rôles interprétés par Vidya Balan et Amisha Patel restent identiques et dans toutes les scènes clés, le réalisateur est extrêmement proche du scénario, du dialogue, de la mise en scène d‘origine, parfois au plan près.
L’atmosphère est peut-être plus angoissante dans le film de P. Vasu (ah, la feuille morte qui frissonne sur la marche d’escalier !), Priyadarshan a plutôt tiré parti d’un palais immense où l’isolement des personnages se fait sentir au détour de couloirs et de galeries qui n’en finissent pas, amplifiant les moments de panique.
Le seul acteur commun entre les deux films est Vineeth, ses talents de danseur classique sont curieusement plus exploités dans la version hindie.
On préfèrera l’une ou l’autre des versions selon qu’on est fan de Rajnikanth ou pas. On peut saluer l’intelligence de Priyadarshan qui n’a pas essayé de reproduire à l’identique un film qui était construit autour d’une star adulée, mais d’en retenir l’essentiel et de le faire porter par une équipe d’acteurs qui servent l’histoire, très attachante, d’une jeune femme trop sensible.