Ce n’est qu’un au revoir… Chap. V
Publié mardi 24 janvier 2006
Dernière modification mardi 24 janvier 2006
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Ce jour commence par une nouvelle qui sonne le glas de mes espérances. Toute l’équipe va passer les deux dernières semaines de tournage entre le Connecticut et Philadelphie. J’en déduis donc que l’on n’aura plus besoin de moi et que l’aventure Kabhi Alvida Na kehna s’arrête ici… Penaude, je me dirige donc vers mon dernier jour à la production.
Dernier jour… Tristesse. Des milliers de choses à faire au bureau et, par conséquent, impossible d’aller assister au dernier tournage à New York. Je m’active pour ne pas me sentir chagrinée et je discute allègrement avec les filles du service artistique. Je découvre avec plaisir des objets qui feront partie du tournage en Inde ! (Éléments de décoration des appartements de Rani et de Shah Rukh…) J’en viens même à parler avec la célèbre Sharmistra Roy, la directrice artistique, et à lui poser plusieurs questions qui me trottent dans la tête. Je réussis enfin à savoir d’où sont tirées les images du clip de Suraj Hua Madam dans K3G, celles où l’on voit ces immenses blocs de granite blanc… :oD
Dans un autre moment de consolation, je me retrouve dans l’ascenseur avec une fille de la production et… Farah Khan ! Les présentations faites, je me permets de dire à Farah : « J’aime beaucoup vos chorégraphies, et vous avez beaucoup d’admirateurs en France. » Elle sourit. J’enchaîne : « J’ai bien aimé Main Hoon Na. » Là, c’est moi qui suis surprise, car elle me répond : « Really ?! » ;o)
Lundi. Toute l’équipe est partie pour Philadelphie. KANK s’arrête ici pour moi. La routine reprend ses droits. Je me remémore les événements formidables que j’ai pu vivre. Je suis contente, mais déçue. Frustrée, en fait. Je n’ai pas pu faire une seule photo du tournage et encore moins avec les acteurs. Je me dis que « ça ne peut pas se terminer comme ça »… Je me dois de faire quelque chose !
Près d’une semaine plus tard, j’apprends de la production qu’un tournage en intérieur est en préparation dans une gare du Connecticut. Pour s’y rendre, le trajet en train dure une heure quarante. En plein milieu de la semaine… Malgré la fatigue du boulot, je décide d’y aller coûte que coûte !
Mardi. À Grand Central Station, je monte dans le train de « la dernière chance ». J’arrive à 19 h en gare de New Haven, Connecticut. En haut des escalators qui aboutissent à la salle des pas perdus, j’aperçois ce gros ballon de lumière familier, qui sert à donner l’impression qu’une scène se passe en plein jour alors qu’il fait nuit dehors… Tout est le monde est là : les techniciens, les assistants qui me saluent, les fans, bien sûr, agglutinés dans tous les coins possibles et les gens qui rentrent chez eux après une journée de travail…
Je me promène sur le plateau et bavarde. Cette fois, je ne travaille pas. Je savoure ces instants. Je discute avec les valets de Rani et de Shah Rukh. J’écoute les blagues et les commentaires des passants, bref, je profite de ce dernier moment. D’autant que je ne peux m’attarder, car je dois rentrer par le train de minuit. C’est sans compter toutefois sur l’objectif que je me suis fixée : me faire photographier avec Rani ou Shah Rukh. Je guette l’occasion.
Une heure, deux heures passent. J’accroche peu à peu à la scène filmée, mais sans en comprendre l’enchaînement. Le technicien qui m’avait laissé sa place lors du tournage en extérieur me demande si j’ai lu le scénario. Je lui réponds que « No, I didn’t have the opportunity… ». Il commence alors à me raconter l’histoire de cette scène. Celle-ci m’apparaît très drôle, car les événements auxquels j’ai assisté prennent forme dans ma tête, et c’est comme si quelqu’un me racontait un film que j’ai déjà vu… La scène est comique. Rani, Shah Rukh et un petit « garçon » en sont les personnages principaux.
Pour des raisons évidentes, je ne peux pas vous la raconter. Tout ce que je peux vous donner, c’est un mot clé : « black beast » :o).
Je comprends mieux la façon de travailler des acteurs et comment ils sont dirigés. Contre toute attente, ce n’est pas Karan qui guide Rani, mais Shah Rukh Khan lui-même. Il lui montre quelles expressions elle doit adopter et comment elle doit se déplacer… Il fait de même avec le petit garçon qui joue son fils (à ce propos, c’est en fait une petite fille qui s’appelle Ehsaas Khanna :o) ). Une chose est sûre, Shah Rukh Khan est un vrai pro. Je suis complètement sidérée par ses capacités de travail et de concentration. Un vrai « King Khan ». :o)
23 h 30. Toujours pas de photos. Je viens de rater l’avant-dernier train pour Manhattan. Soit je prends le prochain et je dis adieu à mes rêves, soit je reste et je rentre par le premier train à 4 h 30 du matin… Je décide de rester.
Alors que je raconte à la directrice de production aux États-Unis le phénomène Bollywood en France, celle-ci propose de me présenter à Karan Johar avec qui je pourrais ainsi en parler… Je n’en crois pas mes oreilles.
« Karan, this girl helped us at the production office, she is from France, you can talk to her in French. » Et là, Karan Johar me dit « Bonjour, oui, je parle français ». Je lui réponds donc en français qu’il a beaucoup de fans en France et que ses films marchent bien, que nous avions vu Kal Ho Na Ho rebaptisé New York Masala. Apparemment, il ne connaît pas ce titre, mais il sait que Kabhi khushi Kabhie Gham est renommé La Famille indienne.
J’apprends une nouvelle qui vous fera tous plaisir : Kabhi Alvida Na Kehna sera peut-être présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2006 ! À condition que le film soit soumis avant la date limite d’inscription. Sinon, il sera en parallèle au festival.
Ravie d’avoir pu discuter avec Karan, je continue à voguer sur le plateau, sereine pour ce qui est du retour, la fille de la production m’ayant annoncé que je pouvais prendre le bus des figurants aux alentours de 4 h du matin… Il me reste encore quelques heures pour atteindre mon objectif.
Comme Hitchcock, Karan Johar se montre dans son film. Je suis contente de voir à quel moment il apparaît ou, plutôt, n’apparaît pas, car son passage est très furtif ! C’est très excitant de voir filmer cette scène !
Le tournage se poursuit, et les heures courent sur la pendule de la gare. Je commence sérieusement à fatiguer et à me décourager de ne pas avoir d’occasions. À maintes reprises, je me suis trouvée très proche de Rani ou de Shah Rukh seuls. J’aurais pu leur parler, échanger deux ou trois commentaires, mais je ne voulais pas les déconcentrer… C’est le dernier jour de tournage de Shah Rukh. Tout le monde est physiquement et nerveusement épuisé.
3 h… 4 h. La tension monte, car le tournage devrait être terminé, mais on a pris du retard… Certains plans doivent être refaits.
4 h 15… 4 h 25… La fille de la production m’annonce que « le bus des figurants est sur le point de partir, si je ne me dépêche pas, dans cinq minutes, il sera déjà loin… » Je suis sciée. Je ne peux pas encore partir, je n’ai pas eu ce que je voulais !
Au moment où je me dis que tout est fini, que je dois me faire une raison et rentrer en bus, le chef opérateur crie « It’s a wrap ! » Moment d’hésitation… Je comprends que le tournage est terminé !
Je ne fais ni une ni deux, je me dirige vers le groupe formé par Shah Rukh et des techniciens qui se font prendre en photo avec lui. Timidement, je m’insinue dans le groupe, mais n’ose m’approcher du « Shah ». Le garde du corps de Rani me tape sur le dos pour que je fasse un pas en avant. Et je me retrouve en face de Shah Rukh Khan. Je balbutie « Can I take a picture with you ? » « Thank you, sweetheart… » Je suis revigorée. Hop ! J’accroche Rani au passage. Elle répond à ma demande avec un charmant sourire, « yes, of course. » Clic ! Clac ! Nous prenons notre photo, et je lui glisse que j’apprécie ses films et que ses admirateurs en France sont nombreux (j’ai failli dire qu’« un certain Suraj est amoureux de vous », mais je n’ai pas osé ;o) ). Elle semble ravie. Dans l’élan, je me fais même photographier avec Karan Johar.
Je suis enchantée. Ça y est ! Je me précipite vers l’équipe pour lui dire au revoir. Je passe peu de temps avec tout le monde, finalement, mais j’en apprécie chaque moment. Ces gens vivent ensemble 24 heures sur 24 pendant près de trois mois. Je comprends mieux maintenant pourquoi on parle de « la famille du cinéma ».
Je réussis à attraper mon bus rempli de figurants somnolents. Je réalise mal encore que je viens de participer à la formidable aventure de Kabhi Alvida Na kehna.
Je leur ai dit « au revoir », mais certainement pas « adieu »… !
Indiya