Dil Kabaddi
Traduction : Badinage du coeur
Langue | Hindi |
Genre | Comédie dramatique |
Dir. Photo | Anay Goswami |
Acteurs | Soha Ali Khan, Konkona Sen Sharma, Rahul Bose, Irrfan Khan, Rahul Khanna, Payal Rohatgi, Saba Azad , Manu Malik |
Dir. Musical | Sachin Gupta |
Parolier | Virag Mishra |
Chanteurs | Mika Singh, Rahat Fateh Ali Khan, Jaspreet Singh, Aditya Jassi |
Producteur | Shailesh R. Singh |
Durée | 120 mn |
Samit (Irrfan Khan) et Mita (Soha Ali Khan) sont mariés depuis sept ans. L’ennui les guette, d’autant que monsieur semble avoir des fantasmes que la rigidité de madame ne peut assouvir. Lors d’une soirée chez leurs amis, Rishi (Rahul Bose) et Simi (Konkona Sen Sharma), Samit et Mita annoncent leur séparation à la grande surprise de leurs hôtes. Samit cherche alors la fantaisie auprès de son instructeur de yoga (Payal Rohatgi), alors que Rishi, qui croyait son couple stable, à l’abri des tourmentes, est tenté par le démon de midi qui prend les traits d’une de ses étudiantes. Simi, quant à elle, présente son collègue Veer (Rahul Khanna), qui ne la laisse pas indifférente, à son amie Mita, pour l’aider à surmonter sa séparation. Tout ce petit monde tente alors, tant bien que mal, de se dépêtrer de ce complexe réseau de relations amoureuses et extraconjugales…
À la lecture de ce synopsis, on croirait avoir affaire à un film de Woody Allen, mais il s’agit bien d’un film produit par la pudique industrie du cinéma hindi qui rechigne tant à dépeindre l’aspect érotique des relations amoureuses ou conjugales, même si quelques films font exception à la règle ces dernières années (Life in a metro, Kabhi Alvida Naa Kehna). Il est vrai que le jeune réalisateur, Anil Senior, s’inspire pour le ton et le quatuor de personnages d’un film du maître des relations amoureuses et maritales alambiquées — à la scène comme à la ville —, Maris et femmes (1992), de Woody Allen, mais on peut difficilement parler de remake tant le style du réalisateur new-yorkais est difficilement imitable et « remakable ».
En dépit de l’approbation de la censure et des vents d’ouverture qui semblaient souffler ces derniers temps sur l’industrie de Mumbai, le film a été cloué au pilori par la critique indienne qui l’a catalogué comme « inapproprié pour une audience indienne ». Rien de plus agaçant qu’une telle attitude paternaliste et rien de mieux pour attiser la curiosité des amateurs de comédies de mœurs, variante du cinéma social ! Outre la curiosité, on peut se dire que le casting alléchant : Rahul Bose, Konkona Sen Sharma (déjà réunis dans le film bengali, Mr and Mrs Iyer), Irrfan Khan (The Namesake, Billu) et Soha Ali Khan (Rang de Basanti) vaut le détour. Une telle brochette de talents ne peut donner quelque chose de bien mauvais et l’on se dit que le film mérite peut-être le coup d’œil… Et c’est le cas, si l’on n’est pas exclusivement amateur des comédies romantiques qui ont fait les beaux jours de l’industrie cinématographique hindi, car ceux-là seront forcément déçus…
Si ce Dil Kabaddi, que l’on pourrait traduire par "badinage du cœur / amoureux", est bien une comédie, avec quelques côtés doux-amers, s’il est bien question d’amour et de désamour tout au long du film, le thème principal, les relations conjugales et leur avatar, et non des moindres, les relations sexuelles, désacralise complètement le mariage, chose assez audacieuse pour une cinématographie qui, en général, glorifie cette institution. D’autant que Dil Kabaddi ne situe pas son action dans la réalité sociale métissée des Indiens de la diaspora, comme c’était le cas pour Kabhi Alvida Naa Kehna et nous épargne un twist final à la Silsila. Le réalisateur prend des risques en ancrant ce thème sulfureux dans une réalité sociale indienne contemporaine et c’est tout à son honneur. Bien sûr, il s’agit de la haute classe moyenne de Mumbai, la plus occidentalisée, la plus ouverte intellectuellement parlant, mais on est bien en Inde, dans cette réalité sociale de pays émergents avec des femmes émancipées qui travaillent (l’une est chirurgienne esthétique, l’autre est journaliste) et des hommes d’affaires ou intellectuels (l’un est banquier et l’autre est professeur d’université, enseignant le cinéma et plus particulièrement l’écriture scénaristique). Les deux couples vont traverser des crises et s’embarquer dans des chassés-croisés amoureux, le tout sur un ton assez enjoué afin de dédramatiser le sujet de la crise conjugale (il ne s’agit tout de même pas d’une réflexion sur le mariage à la Sam Mendes !), mais le film pose des questions intéressantes. Que faire lorsqu’un homme marié est taraudé par le démon de midi sous la forme d’une de ses étudiantes (Rahul Bose) ? Que faire lorsqu’un homme marié rêve de fantasmes auxquels son épouse refuse de participer ? Que faire lorsqu’une épouse, qui croyait être heureuse en couple, se rend compte qu’elle est attirée par un collègue de travail ? L’ensemble n’est jamais sordide, grâce à la tonalité comique du film qui a le mérite de nous montrer le couple dans l’intimité de sa chambre où il ne fait pas que discuter sur l’oreiller. En d’autres termes, le message substanciel du film est de valoriser l’autre côté du mariage, qui n’est pas qu’une institution sociale, aspect généralement mis en avant dans le cinéma indien toutes régions confondues, et de montrer qu’il ne peut être réussi sans également prendre en compte l’épanouissement sexuel. Les acteurs jouent impeccablement leur rôle et l’on voit même Irrfan se prendre à la comédie ! La narration, très fluide, passant d’un personnage à l’autre, nous propose différentes tranches de vie avec, comme transition, un petit intermède où le personnage dont il est question, est interrogé par une voix off, avec la caméra en mode reportage, comme s’il s’agissait d’une interview, et nous livre de façon humoristique, son impression sur les démêlés conjugaux.
La musique de Sachin Gupta s’insère parfaitement au film et lui donne toute sa saveur indienne. La première séquence chantée, Ehsaan, interprétée par Sachin Gupta et Jaspreet Singh, met en scène une fantaisie érotique que Samit raconte à Rishi. Rien de bien de trop osé, on y voit juste Irrfan Khan affublé d’un boa en plumes rouge dandiner du popotin avec son professeur de yoga, très sexy au demeurant. Avec cette séquence, Irrfan Khan, déjà très prisé par les intellectuelles indiennes, s’est forgé auprès d’elles une image d’icône sexuelle. La deuxième séquence chantée, Zindagi ye, qui est un magnifique qawwali chanté par le talentueux Rahat Fateh Ali Khan, intervient au moment où Mita se rend à son premier rendez-vous avec Veer, le collègue de Simi. Quant à la troisième chanson, Nasha, nashila, on l’entend au cours d’une fête étudiante à laquelle se rend Rishi.
Si le public occidental est habitué à ce genre de film mettant en scène des intrigues conjugales et extraconjugales, à la manière de Woody Allen, Mike Nichols (Closer) ou de feu Claude Berri (L’un reste, l’autre part), il est vrai que Dil Kabaddi s’adresse, en ce qui concerne l’Inde, davantage à un public averti, qui n’est pas effarouché par ce genre de thème, mais fallait-il le censurer d’emblée par une critique assassine ? Il est un tantinet hypocrite de faire une série de courts-métrages pour informer sur le sida en parlant crûment de sexe (cf. Migrations de Mira Nair, avec Shiney Ahuja et Irrfan Khan et Blood Brothers de Vishal Bhardwaj, avec Siddharth) et ensuite bannir ce sujet de la cinématographie. Quant aux fans occidentaux de ciné hindi, rêvant d’une Inde idéalisée au parampara naphtaliné, ce Dil Kabaddi pourrait bien les décevoir ou les agacer, mais il est le reflet de ce pays de contrastes où se côtoient, entre autres, tradition et modernité. À conseiller aux curieux qui souhaitent passer un bon moment en compagnie d’acteurs talentueux.
La BA montée sur le qawwali Zindagi ye