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Ek Thi Daayan

Traduction : Il était une sorcière

Bande originale

Yaaram
Totey Ud Gaye
Kaali Kaali
Lautungi Main
Sapna Re Sapna

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La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 24 décembre 2013

Note :
(3/10)

Article lu 980 fois

Bobo (Emraan Hashmi) est un célèbre prestidigitateur versé dans la grande illusion. Un jour, en plein spectacle, il est assailli d’étranges visions qui le laissent pétrifié. Malgré les injonctions de sa compagne et productrice Tamara (Huma Qureshi) qui le suit depuis la coulisse, il tarde à faire disparaître son assistante. Les brûlures de la malheureuse ne sont pas trop graves. C’est cependant le troisième accident dans le mois, et Tamara commence à s’inquiéter pour Bobo. Elle voudrait bien l’épouser pour qu’ils puissent adopter le petit Zubin. Mais peut-être devrait-t-il pour cela réduire ses démons intérieurs au silence.

Il n’avait que 11 ans lorsque sa petite sœur Misha est morte, et il ne se souvient de rien de précis. Est-ce ce qui l’attire irrésistiblement vers l’appartement du drame ? Dans l’espoir de reprendre sa vie en main et de savoir enfin ce qui s’est passé, Bobo contacte le Dr Palit, un ancien psychiatre ami de la famille. La seule solution semble une séance d’hypnose où il se retrouverait à l’époque de ce qui pourrait n’être qu’un accident.

Il vivait en ce temps-là avec son père veuf et sa sœur, lorsque Diana (Konkana Sen Sharma) est entrée dans leur vie. Le jeune Bobo était déjà féru de magie et d’occultisme. Il était persuadé que cette femme mystérieuse qui attirait tant son père était une sorcière, venue des enfers pour leur malheur à tous…

L’ankou breton déambule avec à la main une faux emmanchée à l’envers (la lame vers l’extérieur). La daayan indienne, quant à elle, se promène avec les pieds emmanchés à l’envers (talons devant, orteils derrière). L’image de l’annonciateur de la mort qui vient faucher les âmes peut faire sens, mais celle de la sorcière aux petons étranges laisse perplexe. D’autant plus qu’ils sont très difficiles à remarquer sous un sari qui touche presque le sol. L’autre particularité de la sorcière réside dans la localisation de ses pouvoirs maléfiques : ses cheveux. Il suffit de couper sa natte serpentine pour qu’elle perde tous ses moyens. À croire que la samsonite a atteint les rives de l’Indus. Allô Quoi !

À la décharge des auteurs, ils n’ont fait qu’appliquer la légende à la lettre lorsqu’il s’est agi de décrire leur daayan. Leur nom vient, dit-on, de Diane, la déesse romaine de la chasse. Le film nous présente donc, bien sûr, une mystérieuse Diana. Malgré sa banalité, ce patronyme est bien plus inquiétant que le sobriquet dont est affublé le personnage principal : Bobo. On voudra bien y croire lorsqu’il est petit garçon, mais le conserver comme nom de scène pour un prestidigitateur reconnu, c’est simplement ridicule. Il est probable que les auteurs se soient rendu compte du côté décalé d’un diminutif enfantin donné à une vedette adulte hantée par des visions angoissantes. Ils lui ont alors rajouté le substantif anglais The Baffler qui peut se traduire par « celui qui trouble, déconcerte, dérange ». En d’autres termes, « Bobo l’embrouille ».

Le pauvre était en effet gravement perturbé dans ses tendres années, lorsqu’il soupçonnait Diana d’être venue pour sacrifier un enfant, un 29 février jour d’éclipse totale de Lune. L’immolation des âmes pures est un grand classique, mais l’occasion présentée ici est une originalité qui ferait tiquer même le moins féru d’astronomie. Tout le monde sait que les éclipses de Lune sont très inhabituelles, et qu’on ne voit de 29 février que tous les quatre ans. On se doute bien que la conjonction des deux doit être exceptionnelle. En réalité, c’est tellement rare que ce n’est jamais arrivé à Bombay… depuis qu’on a inventé l’année bissextile. Faut-il croire que les daayan ne reviennent qu’à la saint-glinglin ?

Tout est à l’avenant dans cette histoire de sorcières. Les auteurs se sont mis à deux, Mukul Sharma et Vishal Bhardwaj, pour écrire un scénario risible qui enfile les perles plus vite qu’il n’en faut à Bobo pour faire disparaître son assistante. On a droit à tout, de l’hypnose régressive destinée à faire éclater la vérité, à l’ascenseur qui descend directement aux enfers lorsqu’on choisit l’étage 666. C’est tellement convenu que même les plus émotifs pourraient être assaillis d’irrépressibles bâillements.

Il est pourtant difficile d’accuser le manque de moyens, la censure ou même le sujet pour expliquer ce naufrage. Rosemary’s Baby de Roman Polanski, sur un thème finalement assez proche, n’en montrait pas plus. Mais il est encore aujourd’hui, 45 ans après, toujours beaucoup plus dérangeant. Il est vrai que Bollywood n’est pas très à l’aise avec les films dits d’horreur. 1920 : Evil Returns en copiant sans vergogne l’Exorciste, ou Raaz 3 avec pour seul argument une scène de nu pitoyable, ne sont pas pour remonter l’estime qu’on peut accorder au genre. Tout au plus, pourrait-on sauver Fired avec Rahul Bose, présenté dans les festivals en 2010.

Les acteurs peuvent également difficilement être blâmés. Konkana Sen Sharma est remarquable d’aisance. Sa voix douce et ses grands yeux savent être tout à la fois séduisants et inquiétants à souhait. Huma Qureshi découverte en 2012 dans Gangs of Wasseypur et le délicieux Luv Shuv Tey Chicken Khurana est parfaite, en particulier dans le final. Le visage lumineux de Kalki Koechlin fait une nouvelle fois des merveilles. Quel dommage qu’elle soit sous-employée et n’apparaisse que dans la seconde partie ! Face à ces trois actrices de premier ordre, Emraan Hashmi est en retrait. Il ne sait pas comment se positionner et n’est visiblement pas dirigé. Il a du talent, du métier et un visage d’ange, ce qui le sauve. Telle malheureusement n’est pas la chance de Vishesh Tiwari qui joue, plutôt mal, un Bobo enfant horripilant.

Car le handicap majeur d’Ek Thi Daayan réside dans son réalisateur, Kannan Iyer. Dès les premières secondes, on se rend compte du problème. Le film s’ouvre en effet sur un une scène de magie très moyenne. Il est pourtant évident qu’il est difficile de rendre cet art au cinéma, et qu’en conséquence, un minimum de soin était de mise. Sanjay Leela Bhansali s’était sorti haut la main de cet exercice périlleux dans Guzaarish. Même Criss Angel, dans n’importe laquelle de ses émissions télévisées, est plus spectaculaire. Et la suite du film ne rachète pas l’impression désagréable du début. La narration est confuse, les personnages secondaires ne sont d’aucun support, on n’éprouve aucune empathie pour les personnages principaux, le final est aussi téléphoné que ridicule.

Le film contient trois chansons qui ne laissent aucun souvenir. Écrites par Vishal Bhardwaj qui est coauteur du script, sur des paroles de Gulzar, elles sont d’une extrême fadeur. Il en va de même pour la musique de fond, crée par Clinton Cerejo. Elle est banale et peu présente, ce qui est regrettable dans un film où elle devrait soutenir de tous les instants une tension croissante. Heureusement pour elle, Ek Thi Daayan ne fait peur à aucun moment. Tout au plus le bruit des portes qui claquent pourrait faire sursauter celui qui ne s’y attend pas.

On sort de ce film d’« horreur » avec l’impression d’avoir perdu deux heures de sa vie. Malgré trois actrices admirables, Kannan Iyer nous a laissés au bord du chemin. Il est clair que sa tâche était d’autant plus ardue que l’histoire semble avoir été écrite en quelques minutes, entre deux verres sur un coin de table. Il a certainement également été gêné par son manque d’expérience. Il s’agit en effet de son premier film seul aux commandes. Dire qu’il a été assistant sur Bandit Queen, quel gâchis !


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