Fearless Nadia
Fonction : actrice |
De son vrai nom : Mary Ann Evans |
Née le : 8 janvier 1908 (il y a 116 ans) |
à : Perth (Australie) |
Décédée le : 9 janvier 1996 (à 88 ans) |
à : Bombay (Maharashtra) |
Nationalité : australienne |
Famille : Mariée au réalisateur et co-fondateur de Wadia Movietone, Homi Wadia. |
On imagine souvent que les héroïnes des films indiens sont de petites choses fragiles en plus d’être fort jolies. Pendant que le héros surmonte les obstacles un à un, parfois au péril de sa vie, la pauvre oie blanche danse et chante. Elle n’attend que l’arrivée du monsieur pour être sauvée puis naturellement épousée. Bien sûr, Bollywood est beaucoup plus riche et divers que cela, mais il est indéniable qu’il y a de temps en temps un fond de vérité.
Une actrice a pourtant osé être totalement l’inverse de ce modèle facile. Elle n’était pas vraiment jolie, avait une carrure de déménageur et dansait aussi mal que l’auteur de ces lignes. Elle ne se mariait pas, et de toutes façons, l’amour n’était pas vraiment son affaire. Elle parlait aussi hindi avec un fort accent qui lui rendait le chant difficile. Comme si cela ne suffisait pas, elle était blonde aux yeux bleus, c’est à dire aux antipodes du physique tant des spectateurs indiens que des autres acteurs. Et pourtant, elle était adorée du public et a fait une carrière exceptionnelle.
On a aujourd’hui totalement oubliée Rose de Calcutta, Gohar, Leela Desai, Madhuri et tant d’autres. Mais Nadia, ou plus exactement Fearless Nadia (« Nadia l’intrépide ») est restée.
Son père Herbert Evans était un soldat britannique et sa mère Margaret, d’origine grecque. Mary est née en 1908 à Perth en Australie alors que son père y était en garnison. En 1912, Herbert est muté à Bombay où toute sa petite famille le suit. Mais la Première Guerre mondiale est déclarée et Herbert part la faire en France. Il est tué au front en 1915, laissant une veuve et une orpheline. Margaret reste encore quelques années à Bombay puis part en 1920 avec sa fille à la campagne près de Peshawar où, l’espère-t-elle, il sera plus facile de trouver du travail. Mary y passe apparemment une jeunesse heureuse ; un voisin lui offre même un cheval. Des années plus tard, ses talents de cavalière stupéfieront les spectateurs.
En 1928, elles rentrent précipitamment à Bombay. Un bébé, Robert Jones, fait partie du voyage. L’origine de cet enfant n’est pas clairement établie [1]. Mais Mary qui a alors 20 ans est perdue de réputation. Il faut bien vivre, alors elle fait un peu n’importe quoi : vendeuse, secrétaire, danseuse dans une troupe russe, artiste de cirque, puis artiste de music-hall. Elle présente seule en scène un numéro qui comprend des acrobaties, du chant et des danses. Un diseur de bonne aventure arménien lui avait conseillé de choisir un nom de scène commençant par ’N’. Mary devient Nadia.
Le propriétaire d’un cinéma de Lahore la remarque en 1934. Il parle d’elle aux frères Wadia, J.B.H. [2] et Homi, qui venaient de fonder leur propre studio, Wadia Movietone. Ils sont surpris par cette fille blonde qui n’a pas sa langue dans sa poche. Intrigué, J.B.H. il lui fait faire un essai dans Desh Depak puis dans Noor-E-Yaman. Le public réagit favorablement. Elle est engagée par le studio et suit des cours d’hindi. Les frères Wadia vont pouvoir la lancer.
Ils avaient en préparation le scénario d’un film à petit budget inspiré du Signe de Zorro avec Douglas Fairbanks. J.B.H. le réécrit en pensant à Nadia. Il conserve le masque, la cape, les cascades, les bagarres et le rythme endiablé. La différence essentielle est qu’il s’agit d’une héroïne et non plus d’un héros. Homi le tourne en seulement six semaines. Ce sera Hunterwali (« La femme au fouet ») qui sort en salles en juin 1935.
Le succès est considérable. La jeunesse se précipite pour voir la nouvelle attraction qui réalise elle-même des acrobaties spectaculaires. Elle court, saute, se balance à un chandelier, se bat à l’épée ou avec un fouet, monte à cheval, se déguise, bref tout ce qu’on connait de Zorro. Les frères Wadia avaient déjà produit des stunt movies (des films de cascades) à la fin des années 20. Les héroïnes masquées, équipées de fouets de pistolets ou d’épées étaient courantes à cette époque. La nouveauté géniale est la présence charismatique de Nadia qui réalise des exploits auxquels les spectateurs ne sont pas habitués. Pour en donner une idée des risques qu’elle pouvait prendre, voici un court extrait de Jungle Princess sorti en 1942. Les fauves sont réellement en liberté. Nadia était vraiment intrépide et Johnny Weissmuller pouvait aller se rhabiller.
Extrait de Jungle Princess (1942)
Cet extrait montre deux acteurs physiquement au contact des lions ; Nadia bien sûr, et John Cawas (aussi orthographié Cavas) couché à côté de deux mannequins. Il lui a donné la réplique dans à peu près les deux tiers de ses films, invariablement dans le camp des « gentils ». De deux ans son cadet, il était culturiste (vainqueur du All-India Bodybuilding Championship en 1930) et a aussi fait un bout d’essai pour Wadia Movietone dans Desh Deepak. En plus d’être son partenaire privilégié, il a joué d’autres rôles comme Tarzan dans Toofani Tarzan en 1937.
Le succès d’Hunterwali incite les frères Wadia à exploiter le genre. Nadia aura l’occasion de se battre sur un train en marche dans Miss Frontier Mail en 1936. Elle remettra le masque pour Lutaru Lalna en 1938 et fera des merveilles à cheval dans Punjab Mail en 1939. À cette occasion, elle introduira un animal récurent, Punjab Ka Beta (« Le fils du Pendjab »), son cheval. Elle était aussi souvent accompagnée de Moti, son fidèle berger allemand. Son physique différent ne gène en rien les spectateurs. Elle est une villageoise dans Pahadi Kanya et une intouchable dans Hurricane Hansa sans que quiconque y trouve à redire.
Homi Wadia a réalisé environ un tiers de ses films. Et ce qui devait arriver arriva, Nadia et Homi sont tombé amoureux l’un de l’autre. Madame Wadia mère désapprouvait toute idée d’union de son fils avec une étrangère qui, en plus, avait un fils né hors mariage. Nadia et Homi ont donc dû patienter.
J.B.H. écrivait la plupart des scénarios. C’est à lui qu’on doit le féminisme affiché de Nadia. Il lui fait dire par exemple dans Diamond Queen en 1940 :« N’imaginez pas que vous pouvez régenter les femmes d’aujourd’hui. Si la nation doit être libre, les femmes doivent êtres libérées avant. ». On lui doit aussi certainement les innombrables roustes qu’elle donne à des hommes (les méchants). L’extrait suivant montre qu’elle n’hésitait pas à affronter une petite bande pour le plus grand plaisir des spectateurs. Moti son chien et Yakub qui était ici son partenaire à la place de John Cawas interviennent, mais on sent bien qu’elle aurait pu s’en sortir toute seule…
Extrait de Muqabala (1942)
Le public est au rendez-vous mais la critique la méprise. Barburao Patel, le très sévère éditeur de FilmIndia lui déniait même régulièrement la qualité d’actrice. Il est pourtant allé voir Diamond Queen avec ses quatre enfants. Comme à contre-cœur, il se résout à écrire : « Et à la fin de la projection, le plus petit qui a 8 ans [son fils] se retourne vers vous et vous dit : “Papa, j’aime Nadia”. C’est là que le charme du thriller [il appelle le genre thriller] commence à opérer. ». Car Nadia était adulée des jeunes spectateurs qui n’en pouvaient plus des numéros de piquets chantants de Noor Jehan et autre K.L. Saigal.
En 1942 la situation de Wadia Movietone devient inextricable. Le très ambitieux Raj Nartaki avec Sadhona Bose et Prithviraj Kapoor, a laissé les finances du studio exsangues. De plus, les restrictions de guerre limitent à deux le nombre de films que le studio peut produire. Or J.B.H veut se concentrer sur des films plus politiques et abandonner les stunt movies. Au final, les investisseurs se retirent. Tous les employés, dont Nadia, sont licenciés.
Elle pense alors arrêter sa carrière et ouvre un salon de beauté à Bombay. Mais Homi vient à son secours. Il quitte Wadia Movietone et fonde un nouveau studio, Basant Pictures. Il lui offre un premier film sérieux, Mauj, qui ne trouve pas son public. Puis, comme les spectateurs sont toujours avides de voir les exploits de Fearless Nadia, il relance le genre des stunt movies. Hunterwali Ki Beti réalisé par Nanabhai Bhatt [3], est une sorte de reboot. Les salles sont à nouveau remplies.
Les films s’enchaînent. Toofan Queen, Lady Robin Hood, Stunt Queen, Tigress, cela marche toujours. En 1950, J.B.H et Homi se réunissent à nouveau pour fonder Basant Studios qui produira entre-autres les stunt movies de Nadia à venir. Elle continue à raison d’un film par an jusqu’à Circus Queen qui sort en 1959. L’âge commence à se faire sentir et elle est de plus en plus souvent doublée pendant cette période. Elle continue pourtant à courir, sauter, se battre à coups de poings et se déguiser comme dans ses jeunes années.
La mère d’Homi et J.B.H décéde levant l’obstacle au mariage de Nadia. Elle épouse donc officiellement Homi en 1961. Le couple adopte alors tout aussi officiellement Robert Jones. Elle consacre sa retraite à l’élevage des chevaux de course jusqu’à ce qu’elle s’offre un dernier tour de piste, à 60 ans, dans Khiladi.
Pendant les 33 ans de sa très longue carrière, elle a enchanté le public en jouant avec une sincérité absolue un personnage sans équivalent. Enfant, elle rêvait d’être une nouvelle Pearl White [4]. Elle a été bien plus que cela. Fearless Nadia, décède en 1996. Avec elle disparaît la première actrice du cinéma indien authentiquement féministe.
[1] Robert Jones qui vit actuellement en Australie nie être le fils biologique de Mary. Des années plus tard, une fois mariée, elle l’adoptera officiellement.
[2] Jamshed Boman Homi dit simplement J.B.H.
[4] Wadia Movietone la présentait comme l’Indian Pearl White dans les livrets d’Hunterwali. Même s’il y a des points communs, les personnages incarnés par Fearless Nadia et de Pearl White sont pourtant fondamentalement différents. Pearl White avait souvent besoin d’hommes pour la secourir alors que Fearless Nadia était très loin d’une « demoiselle en détresse ».
1968 - Khiladi de Homi Wadia de Dilip Raj, Sabita, Uma, Suzie, W. M. Khan, Vishwas Kunte et Habib
1959 - Circus Queen de Noshir Engineer avec John Cawas, Nilofar et Samar Roy
1957 - Diler Daku de Noshir Engineer avec John Cawas, Vijaya Choudhary, Dalpat, Samar Roy et Heera Sawant
1956 - Baghdad Ka Jaddoo de John Cawas avec John Cawas, Krishna Kumari, Vijaya Chaudhary et Nazir Kashmiri
1956 - Fighting Queen de Nari Ghadiali avec John Cawas, Nadia, Pramila, Habib et Sheikh
1956 - Jungle Queen de Nari Ghadiali avec John Cawas, Maqbul, Habib, Heera Sawant et Sheikh
1955 - Carnival Queen de Noshir Engineer avec John Cawas, Sardar Mansur, Habib et Shanti Modak
1954 - Sher Dil de Boman Shroff avec John Cawas, Sardar Mansur, Dalpat, H. Prakash et Charubala
1953 - Shamsherbaaz de Noshir Engineer avec John Cawas, Habib, Shanti Madhok et Sardar Mansur
1952 - Jungle Ka Jawahar de Homi Wadia avec John Cawas, Pramila, Nazir, Goldstein, Shapur
1950 - Circuswale de Balwant Bhatt avec John Cawas, Dalpat, Narmada Shanker et Sona Chatterjee
1949 - Billi de Nari Ghadiali avec John Cawas, Putli, Sheikh et Mithu Miyan
1949 - Delhi Express de Balwant Bhatt avec Prakash, Shanta Patel, Bachoo et Shyam Sunder
1949 - Dhoomketu de Homi Wadia avec John Cawas, Sona Chatterji, Boman Shroff, Dalpat et Ram Singh
1949 - Maya Mahal de K. Talpade avec Sona Chatterjee, Dalpat et Anwaribai
1948 - 11 O’Clock de Homi Wadia avec John Cawas, Atish Sayani, Aftab et Shyam Sunder
1948 - Jungle Goddess de Nari Ghadiali avec John Cawas, Sheikh, Aftab, Putlibai et Manchi Tuthi
1948 - Tigress de K. Talpade avec Sona Chatterjee, Dalpat, Jal Khambata, Prakash et Boman Shroff
1947 - Chabuk Sawar de Shapur Irani avec Atish Sayani, Farida, Azeem et M. K. Hassan
1947 - Himmatwali de Ratilal avec John Cawas, Prakash, Dalpat, Habib et Jamu Patel
1947 - Kismetwali de Bahram Mukadam avec John Cawas, Habib et Mulchand
1947 - Stunt Queen de R. N. Vaidya avec John Cawas, Sona Chatterjee, Dalpat, M. K. Hasan et Shyam Sunder
1947 - Toofani Teerandaz de Boman Shroff avec Prakash, Atish Sayani, Ranjan, Sona Chatterjee et Boman Shroff
1946 - Flying Prince de Homi Wadia avec John Cawas, Sona Chatterjee, Dalpat, Atish Sayani et Boman Shroff
1946 - Lady Robin Hood de R. N. Vaidya avec Prakash et Shanta Patel
1946 - Sher-E-Baghdad de Homi Wadia avec John Cawas, Sardar Mansur, Sona Chatterjee, Atish Sayani, Master Mohammed et Sardar Mansur
1946 - Toofan Queen de R. N. Vaidya avec Prakash, Agha, Shanta Patel et Shyam Sunder
1943 - Hunterwali Ki Beti de de Nanabhai Bhatt avec John Cawas, Sardar Mansur, Dalpat, Atish Sayani et Boman Shroff
1943 - Mauj de Nanabhai Bhatt et Babubhai Mistri avec Sardar Mansur, Agha, Pahari Sanyal et Kaushalya
1943 - Mohabbat Ki Jeet de Ramanlal Desai avec Navinchandra, S Nasir, Shakir, Agha et Leela Pawar
1942 - Muqabala de Nanabhai Bhatt et Babubhai Mistri avec Yakub, Agha, Dalpat, Shrinivas et Rajni
1942 - Jungle Princess de Homi Wadia avec John Cawas, Shahzadi et Radharani
1941 - Bombaiwali de Homi Wadia avec John Cawas, Sardar Mansoor, Radharani, Dalpat et Boman Shroff,
1940 - Diamond Queen de Homi Wadia avec John Cawas, Radha Rani, Sayani Atish, Sardar Mansur et Boman Shroff
1939 - Punjab mail de Homi Wadia avec John Cawas, Boman Shroff, Sardar Mansur et Master Mohammed
1938 - Lutaru Lalna de Homi Wadia avec Sardar Mansur, Sayani Atish, Master Mohammed, et Boman Shroff
1937 - Hurricane Hansa de R. N. Vaidya avec John Cawas, Sardar Mansur, Master Mohammed et Boman Shroff
1936 - Miss Frontier Mail de Homi Wadia avec Sardar Mansur, John Cawas, Sayani Atish, Jaidev et Gulshan
1936 - Pahadi Kanya de Harshadrai Mehta avec John Cawas, Sharifa, Sardar Mansur et Gulshan
1935 - Desh Deepak de J.B.H. Wadia avec John Cawas, Sardar Mansur, Husn Bano et Boman Shroff
1935 - Hunterwali de Homi Wadia John Cawas, Boman Shroff, Sharifa et Gulshan
1935 - Noo-E-Yaman de J.B.H. Wadia avec Sardar Mansur, Boman Shroff, Husn Banu, Firoza Begum