Firaaq
Traduction : Séparation
Langue | Hindi |
Genre | Films sociaux |
Dir. Photo | Ravi K. Chandran |
Acteurs | Naseeruddin Shah, Paresh Rawal, Shahana Goswami, Nawazuddin Siddiqui, Deepti Naval, Tisca Chopra, Sanjay Suri, Raghuvir Yadav, Mohammad Samad, Dilip Joshi, Sumeet Raghavan, Vicky Ahuja |
Dir. Musical | Rajat Dholakia, Piyush Kanojia |
Parolier | Gulzar |
Chanteurs | Mohit Chauhan, Sukhwinder Singh, Jagjit Singh, Rekha Bharadwaj, Tulsi Kumar, Faiz Ahmed Faiz |
Producteur | Percept Picture Company |
Durée | 102 mn |
Un mois après les émeutes du Gujarat en 2002, où des centaines de musulmans ont été attaqués par leurs voisins hindous, comment les uns et les autres vivent-ils avec leurs souvenirs ? Comment se débrouillent-ils avec leur vie à reconstruire pour les uns, à poursuivre pour les autres ?
Firaaq est un mot urdu qui signifie à la fois "séparation" et "quête". Un titre révélateur du gouffre qui sépare les uns et les autres, et de la quête de chacun à trouver, ou retrouver une identité, une stabilité, voire un avenir.
Nous suivons les pas de ces gens ordinaires dont nous pourrions être. Cette femme au foyer hindoue dont le mari (Paresh Rawal) et le beau-frère ont participé aux émeutes. Ce petit garçon de 4 ans qui s’enfuit du camp de réfugiés pour chercher son papa. Sameer, musulman marié à une hindoue, associé à un hindou, dont le magasin a été pillé. Ce jeune couple parti avant l’émeute qui revient et découvre sa maison brûlée, peut-être incendiée par le frère de la meilleure amie de Muneera (Shahana Goswami). Khan Sahab (Naseeruddin Shah), le vieux sage musicien, qui s’étonne de ne plus voir personne à ses séances musicales du vendredi.
Les personnalités de chacun et celles de leurs proches, amis, famille, associés, forment un véritable tissu social représentant toutes les couches de la société, et cela confère un grand réalisme au film. Nandita Das la réalisatrice, dont c’est le premier film, ne cherche pas à donner des leçons ni même à essayer de donner des clés pour comprendre ce qui s’est passé, elle s’attache aux êtres humains, à la façon dont chacun prend la mesure de ce qui lui est arrivé, et réagit.
Elle n’élude pas pour autant le contexte qui a amené ces émeutes, le racisme ordinaire de certains hindous envers les musulmans, qui s’exprime en toute impunité, protégé et relayé par les forces de l’ordre.
Le parallèle avec la montée du nazisme en Europe dans les années 30 et les pogroms anti-juifs, est inévitable. Ce n’est que supposition de ma part, mais si Nandita Das, actrice reconnue, militante des droits de l’homme et de la femme, a choisi ce thème pour son premier film, ce n’est pas uniquement pour des raisons de création artistique, mais pour nous alerter. Ce qui s’est passé au Gujarat il y a quelques années, peut se reproduire, peut-être s’amplifier.
Au-delà du message, la qualité du film est indéniable. Réaliste, sobre, intimiste, la mise en scène de Nandita Das ne cède jamais aux effets faciles mais fait partager l’émotion de ses personnages au travers de leurs regards, leurs silences, leurs crispations et leurs peurs, leur rage, leur énergie. L’une des forces du film est de nous faire sentir la tension actuelle et la violence de ce qui s’est passé, sans aucun flash-back, aucune scène d’émeute. Mais les rues encore vides, les rideaux de fer baissés, les attitudes de ceux qui ont traversé les émeutes, parlent d’eux-mêmes. La réalisatrice utilise adroitement la télévision, avec des bribes de journaux télévisés, de reportages, des écrans qui font partie du quotidien de ceux qui restent.
Firaaq a raflé une bonne dizaine de prix dans des festivals et a fait l’ouverture de la 11ème édition du Festival du film asiatique de Deauville. Il est sorti en 2009 en Inde, où il a été largement récompensé, avec notamment l’award du meilleur film des critiques aux Filmfare Awards, et l’award du meilleur montage aux Filmfare Awards et aux National Awards pour Sreekar Prasad. Le montage est effectivement remarquable, car la trame narrative est non-linéaire, et il aurait été facile de perdre le spectateur parmi tous ces personnages. Au contraire, il s’en dégage une force certaine, chaque élément a sa place, prend de l’ampleur, complète l’histoire voisine, y répond en quelque sorte. On reste scotché à l’écran, oubliant le temps, étonné que ce soit déjà fini, en ayant envie de connaître encore un peu plus Aarti, Khan Sahab, Sameer et Anu, Mohit et les autres, et surtout en ayant envie d’avoir de leurs nouvelles, 8 ans plus tard…