Par Laurent - le 3 décembre 2009

Shyam (Sunil Shetty) a l’espoir d’obtenir un travail à Durban : son père, employé de banque, est mort dans un incendie, et la banque a promis au fils de lui donner son poste. Le problème, c’est que le poste est convoité par la belle Anuradha (Tabu), bien décidée à le lui chiper… Désenchanté, Shyam se loge à présent chez le garagiste Baburao (Paresh Rawal), où il est obligé de partager sa chambre avec un autre chômeur, Raju (Akshay Kumar). Un jour, les trois compères, qui ont fini par devenir amis, pensent qu’ils tiennent la chance de leur vie pour se refaire : ils reçoivent en effet un coup de téléphone du gangster Kabira (Gulshan Grover) qui exige une rançon, croyant avoir au bout du fil Deviprasad (Kulbhushan Kharbanda), un riche industriel dont il a enlevé la petite-fille. Nos héros vont alors profiter de ce malentendu pour échafauder un plan improbable afin de toucher une partie de la rançon…

Hera Pheri (rien à voir a priori avec le film homonyme de 1976 avec Amitabh et Vinod Khanna) jouit d’une bonne réputation dans le cercle assez restreint des "comédies (non romantiques) contemporaines de Bollywood vraiment drôles". La raison principale de cette popularité en est son amusant scénario, qui met en place des quiproquos très efficaces, directement liés au caractère croquignol et foireux de l’arnaque de nos trois pieds nickelés : ces derniers comptent se faire passer pour des kidnappeurs pour réclamer eux-mêmes une rançon supérieure à celle demandée par le vrai kidnappeur, toucher le surplus puis lui reverser le reste sans qu’il ne se doute de rien ! Certes, le scénario n’est pas assez riche en scènes désopilantes pour maintenir l’attention du spectateur pendant deux heures vingt, le film a quelques légers flottements et aurait mérité d’être resserré, mais il comporte une poignée de passages hilarants, et culmine dans un climax joyeusement pagailleux et hyper-nerveux qui renoue avec l’humour vaudevillesque de la majeure partie de l’ensemble, et que Priyadarshan n’arrivera jamais à égaler dans ses comédies suivantes.

L’autre atout de Hera Pheri, c’est son casting comique trois étoiles : Paresh Rawal y interprète l’un de ses meilleurs rôles, surjouant juste ce qu’il faut pour provoquer l’hilarité, Akshay Kumar prouve qu’il est aussi sympathique dans la comédie que dans le cinéma d’action (par la suite, il mêlera encore plus étroitement les deux genres dans ses films), et Sunil Shetty, lui aussi acteur de films musclés à l’origine, est un bon faire-valoir au sein du trio principal.

Quant aux seconds rôles, ils ne sont pas en reste non plus : Tabu est charmante comme toujours, Kulbhushan Kharbanda est aussi fiable que d’habitude, Gulshan Grover et G. Asrani (Sholay), en gangster et en personnage comique respectivement, sont distribués dans des rôles qu’ils maîtrisent bien. Cependant, parmi les nombreuses trognes familières qui composent les troisièmes couteaux (les fans hardcore de comédies hindis reconnaîtront Mushtaq Khan et Dinesh Hingoo, quasiment omniprésents dans le genre dans les années 90), la plus attachante est le visage buriné d’Om Puri, un comédien venant du cinéma indépendant (Bhumika) qui est ici à la fois drôle et authentique en sikh traditionnel qui a besoin à tout prix de la somme d’argent qu’il a prêtée à l’un des héros parce qu’il doit marier sa fille ; il est vraiment dommage que son personnage haut en couleurs n’apparaisse que si peu dans le film.

Hera Pheri est ainsi une petite comédie populaire un peu brouillonne mais sympathique, un divertissement plutôt réussi dans la même veine farfelue que le plaisant Andaz Apna Apna de Rajkumar Santoshi quelques années plus tôt (avec aussi Paresh Rawal), même s’il a un poil vieilli visuellement et que les années 2000 nous ont proposé des films plus fins dans le genre, comme Bluffmaster ! et surtout les Munnabhai… Il est dommage que Priyadarshan, qui est par ailleurs un très bon réalisateur de drames réalistes (ses films des années 90 avec Tabu et Amrish Puri), ait moins réussi les comédies qu’il a réalisées dans le sillage de celle-ci, plus moyennes et drôles seulement par à-coups, souvent à cause de problèmes de dosage et de cabotinage plus ou moins collectif (même Om Puri n’y est pas toujours bien dirigé).

A noter que le trio de vedettes de Hera Pheri a tourné d’autres films depuis, dont une suite en 2006, le superhit Phir Hera Pheri, réalisé par le scénariste-dialoguiste du premier film, et un autre film avec Priyadarshan, De Dana Dan en 2009.