India, a love story, fait partie des telenovelas (comprendre sitcoms du continent sud-américain) qui tournent en boucle sur certaines chaînes de la TNT. Puisque certains d’entre vous sont peut-être déjà tombés sur cette série, il était normal que Fantastikindia lui consacre un article.
La base de l’histoire se résume en quelques mots : Raj et Maya, deux Indiens, doivent se marier alors qu’ils aiment chacun de leur côté, quelqu’un que leurs familles respectives rejettent.
Ce qui rend cette série un peu particulière, c’est que l’histoire se déroule parallèlement en Inde et au Brésil, à cause des liens qui unissent les différents protagonistes, dont certains font des allers-retours entre les deux pays.
Qu’ont donc en commun des pays aussi éloignés géographiquement, et a priori culturellement, que l’Inde et le Brésil ? Eh bien il s’agit de deux des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), ces pays émergents dont la croissance économique actuelle fait pâlir d’envie les dinosaures que sont les Etats-Unis, l’Europe et même le Japon.
Mais dans India, a love story la ressemblance s’arrête là car le principal ressort de cette série est le "choc des cultures" annoncé. Sans cesse on insiste sur le face-à-face entre les valeurs traditionnelles de l’Inde et les valeurs modernes (ou manque de valeurs ?) occidentales.
Je ne m’attarderai pas sur la partie de l’histoire purement brésilienne. Elle ne révolutionne pas le genre et la trame de l’histoire reste composée d’amour, de trahison, d’argent et de vengeance : les ficelles classiques de toute sitcom qui se respecte. Le plus intéressant est sans conteste la vision de l’Inde apportée par cette série.
Les thèmes abordés sont très nombreux et sont ceux que l’on rencontre dès que l’on s’intéresse à l’Inde. Pour en citer quelques-uns vus dans la série : le conservatisme religieux (l’attachement au système des castes), les luttes politiques, le mariage des enfants, les intouchables, la coutume du sati, la nécessité d’avoir un fils (et non une fille), la belle-mère insupportable (mais ça c’est dans toutes les cultures).
On parle même de Bollywood dans cette série. Il y a bien évidemment la jeune fille qui rêve de devenir actrice, mais il y a également une scène où le héros, Raj, emmène Maya voir Jodhaa Akbar.
Tout cela paraît parfois un peu cliché et on peut se demander quelle est la part d’exagération dans cette série.
Des exemples ? Laksmi est l’archétype de la belle-mère qui empoisonne la vie de son entourage. Elle surveille les moindres faits et gestes de sa belle-fille Indira. Et lorsqu’on ne fait pas ses quatre volontés, Laksmi regrette haut et fort que son fils Opash l’ait empêchée de mettre fin à ses jours sur le bûcher funéraire de son mari (une coutume qui a été abolie il y a fort longtemps si ma mémoire est bonne, je ne pensais pas qu’elle était toujours envisagée mais il semblerait que la question ait resurgie en 2008). De quoi faire regretter à Indira l’intervention de son époux. De son côté, Indira feint l’évanouissement dès que quelque chose qui ne lui plaît pas arrive. On remarquera que les deux commerçants ont une vision plus étriquée du monde, en refusant les dalit, que celle du brahmane Shankar qui a adopté Bahuan (l’intouchable).
Bref, India, a love story, c’est une promesse tenue d’exotisme pour le public brésilien.
Mis à part quelques scènes du début de la série, avec les principaux acteurs (pour les personnages indiens bien sûr), qui ont été tournées en Inde, tout le reste de la production est brésilien. A commencer par le casting, car bien que l’on ne puisse s’en rendre compte au premier coup d’œil (je vous assure que pour ma part, je n’y ai vu que du feu jusqu’à ce que je fasse de plus amples recherches pour cet article), le casting ne comporte pas un seul Indien dans sa distribution, alors que la moitié des personnages sont censés l’être. Il ne s’agit que d’acteurs brésiliens, pour la plupart habitués des telenovelas du pays.
Bien qu’il s’agisse d’un soap opera très coûteux à faire, il se dégage des reconstitutions de l’Inde, une impression de "faux" : j’ai trouvé que certains décors faisaient très carton-pâte. Mais il faut reconnaître l’effort qui a été fait par la production au niveau des recherches. Par exemple, certains des costumes (notamment pour les scènes de mariages) viennent directement d’Inde.
Il faut par ailleurs souligner un point important, c’est que India, a love story n’est pas une coproduction indo-brésilienne. C’est une production brésilienne destinée d’abord à un public brésilien. En fait, à l’heure actuelle la série n’est pas encore arrivée en Inde et il est difficile de prédire si cela aura lieu à l’avenir. Mais ce serait une mise en abîme intéressante.
Ce qui échappera peut-être à un téléspectateur lambda de telenovelas, mais pas à l’habitué de Fantastikindia, c’est que les chansons qui rythment les scènes qui se passent en Inde sont issues de films hindis telles que Kajra Re de Bunty Aur Babli ou Nagada Nagada de Jab We Met. Toutes ces chansons ont d’ailleurs fait l’objet d’une compilation CD. Quatre autres compilations existent sous la couverture de Caminho das indias, ayant chacune un thème, comme la musique populaire brésilienne.
Quant au générique de la série, il a été composé par Singh Sukhwinder, le chanteur de Jai Ho de Slumdog Millionaire et de la chanson-titre de Chak De ! India, et co-chanté par Sapna Awasthi, chanteuse de l’inoubliable Chaiyya Chaiyya de Dil Se.
La musique est donc certainement la seule authentique Indian touch de cette série.
Cette série se découpe en 203 épisodes, mais un redécoupage a été opéré pour une diffusion à l’international, en 160 épisodes de 45 minutes.
Les 203 épisodes initiaux représentent une année de diffusion, soit une saison. C’est la durée courante pour les télénovelas. Le scénario est donc maîtrisé dès le début, ce qui n’est pas le cas des soap operas qui s’étirent sur plusieurs années et où relations amoureuses finissent par ressembler aux chaises musicales et où le scénariste se demande quelle nouvelle catastrophe va bien pouvoir arriver sur ce pauvre quartier de Marseille…
Bref, on sait où l’on va, il existe une fin, et ça rassure. A titre de comparaison, certains soap operas indiens totalisent plusieurs milliers d’épisodes. L’un des plus longs est Kyunki Saas Bhi Kabhi Bahu Thi qui comporte 1830 épisodes sur 8 saisons, mais reste tellement loin des 40 saisons des Feux de l’amour et ses 9 928 épisodes (chiffres de juin 2012).
Diffusé chaque soir en semaine, Caminho das indias a raflé jusqu’à 74% de part d’audience au Brésil. Un véritable succès.
En dehors de l’Amérique du Sud (consommateur habituel), la série a été exportée jusqu’en Russie et aux Etats-Unis. Mais aussi en France, pour ceux que ça intéresse et les curieux.
Caminho das indias a une autre corde à son arc : elle est la première telenovela brésilienne à remporter l’International Emmy Award (cérémonie visant à récompenser les émissions télévisées diffusées initialement en dehors des Etats-Unis) du meilleur feuilleton en 2009. Seulement il faut prendre en compte que la catégorie n’existe que depuis 2008.
Pour résumer cette expérience télévisuelle, je dirais qu’India, a love story, c’est du toc mais ça fait quand même son effet.