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Interview Hubert Laot - partie III

Publié samedi 11 juin 2005
Dernière modification lundi 27 juin 2005
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Par David Roussé (Meldon), Maguy

Dossier Auditorium du Musée Guimet
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Une question plus technique : Martine Armand nous avait parlé d’un projet concernant un appareillage permettant de projeter des sous-titres. Où en êtes-vous ?

L’auditorium n’est effectivement pas équipé d’un système de sous-titrage électronique permanent. Cette semaine, nous avions deux films non sous-titrés, Story Undone, le film iranien Cyclo d’or, et le film de Liu Hao, Les deux grands moutons, et on s’en est sorti. On a récupéré un vidéo-projecteur, un ordinateur portable et les traductions qui avaient déjà été faites à Vesoul. On a projeté le fichier PowerPoint, c’est Véronique (chargée de programmation à l’auditorium) qui appuyait sur le bouton. On avait parfois un petit décalage vu qu’on suivait le sous-titrage anglais.

Et vous n’avez pas en projet de passer à quelque chose de plus sophistiqué comme on a pu le voir à Beaubourg ?

C’est un peu tôt. Nous ne sommes pas complètement en mesure de faire venir souvent des copies purement originales d’Asie. Même si l’on projette des films peu vus, même si ce sont des films qu’on fait venir de Suisse, d’Angleterre ou d’ailleurs, on reste dans des circuits « traditionnels ». Pour des cas vraiment exceptionnels, comme ceux dont je viens de parler, on fait avec les moyens du bord. Le petit vidéo projecteur d’appoint pour le sous-titrage, c’est encore une solution viable.

L’intérêt est justement de pouvoir sortir d’une programmation « festivalière ».

Ce n’est pas vraiment une question d’ordre technique, c’est vraiment une question de pouvoir faire venir les copies de là-bas. Ça coûte très, très cher. Les deux grands moutons, par exemple, c’est un film que ni Vesoul ni nous n’avons pu faire venir en 35 mm. On a projeté une copie Beta, et c’est le réalisateur qui l’a amenée avec lui, ça n’a rien coûté. J’ai dit au public avant le film que c’était une copie vidéo de mauvaise qualité, par rapport à un 35 mm, bien sûr, et le public m’a finalement félicité à la fin de la projection pour la bonne qualité de la mauvaise copie. (rires)

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Visuel pour "le matin calme" festival du film coréen


Vous avez des aides des ambassades, des pays ? Nous savons que pour Beaubourg, l’ambassade de l’Inde a énormément contribué à faire venir des copies.

L’ambassade de l’Inde, effectivement, nous aide aussi pour l’Été Indien. Martine Armand est partie là-bas, elle a trouvé un certain nombre de films qu’elle n’espérait pas trouver sous-titrés en français, et l’ambassade de l’Inde va les faire venir, oui. C’est une assistance précieuse. Nous avons aussi reçu une aide d’Air India, une contribution aux voyages là-bas. On est souvent aidé par des compagnies ou des associations indiennes. Le Centre Culturel Coréen est aussi un partenaire incontournable, et nous leur devons beaucoup, notamment 80 % de la programmation en cours.

Certains autres pays s’y mettent, mais c’est plus récent.

Vous avez des idées de collaboration avec des musées asiatiques ?

Sur les expositions, le musée travaille souvent en collaboration. Pour l’auditorium, ce n’est pas encore trop le cas. Le musée Guimet est très connu en Asie, l’auditorium beaucoup moins.

Apparemment les Indiens, eux, l’ont bien compris.

(rires) Oui. Les Indiens, les artistes indiens, ont bien intégré l’auditorium du musée Guimet comme un point de passage quasi obligé. Plusieurs producteurs associatifs m’ont dit avoir eu des artistes qui leur disaient « je veux bien venir à Paris, mais à condition de passer au musée Guimet ».

L’Été Indien commence quand, exactement ?

Le 7 septembre. Et ça durera un peu plus d’un mois. Et nous enchaînerons sur La Route Mandarine, notre cycle dédié au cinéma vietnamien.

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Affiche d’un des derniers spectacles de danses de l’auditorium


Depuis combien de temps êtes-vous au musée Guimet ?

Avril 2001, le 1er avril 2001.

Et de tout ce que vous avez fait depuis, de quoi êtes-vous le plus fier ?

De quoi je suis le plus fier ? (réflexion) Je crois que ce qui me donne le plus de plaisir, c’est quand je vois un spectateur qui sort de la salle et dit « je ne connaissais pas du tout cette musique, je ne connaissais pas du tout ce pays, c’est une révélation ».

Au début de notre interview, vous nous disiez qu’à votre arrivée à l’auditorium vous ne connaissiez « rien » à l’art asiatique. Aujourd’hui, vous vous y connaissez beaucoup plus, mais avez-vous conservé l’envie d’en apprendre plus ?

Bien évidemment. Je crois que, plus on apprend, plus on a envie d’apprendre. C’est une certitude. Je pense que maintenant, en tout cas, même si je partais pour un autre musée, je ne pourrais pas ne pas continuer à m’intéresser à l’Asie. J’ai mis le doigt dans l’engrenage.

On a l’impression que l’Asie est une sorte de maladie, non ?

J’ai le sentiment qu’on a beaucoup de racines là-bas.

Et c’est ça qui vous plaît dans l’Asie. Quel lien faites-vous avec le cinéma asiatique ?

J’ai eu l’impression de me reconnaître parfois dans le cinéma asiatique, d’avoir vécu là-bas.

Et vos préférences pour ce qui est des pays, c’est plutôt l’Extrême-Orient, l’Inde… ?

J’ai beaucoup plus de facilité avec des pays qui nous sont plus proches au niveau culturel, mais j’ai aussi plus de curiosité pour des pays que j’ai plus de mal à comprendre…

Vous êtes attiré par le côté un peu étrange, qui nécessite de gratter un peu ?

Oui, tout à fait. La première fois que j’ai écouté de la musique coréenne, je me suis demandé ce que c’était. Je me suis même demandé si c’était vraiment de la musique et, maintenant, j’écoute régulièrement de la musique coréenne parce que je trouve ça génial.

Vous ressentez l’américanisation de la Corée du Sud ? On voit que le cinéma sud-coréen marche de mieux en mieux chez nous, qu’il est en phase avec les attentes du public occidental.

Absolument. Il y a une grosse production commerciale, on l’a bien vu avec la programmation qu’on a en cours. Il y a tout de même des gens qui, tout en produisant des films commerciaux, continuent à produire des films d’auteur à côté. Si cette double création perdure, si les réalisateurs continuent à dire ce qu’ils ont envie de dire sans forcément avoir des vues sur les résultats des box-offices, je pense qu’il y aura toujours un cinéma coréen formidable. Ils ont acquis une technique extraordinaire, ils savent faire aussi bien des films classiques que des films novateurs et, quand ils ont quelque chose à dire, ils savent le dire de manière magnifique. Qu’ils fassent du cinéma commercial à côté, ma foi… On sait qu’ils produisent beaucoup de « séries télé à l’eau de rose » pour le Japon. Ça ne me dérange pas. Dans tous les types de création, il y a toujours eu cette démarche, il n’y a jamais eu un art qui ne soit que commercial. Je pense à la peinture classique de la Renaissance. Les peintres de cette époque travaillaient sur commande pour les églises, pour les riches bourgeois, etc. Ils savaient qu’ils devaient avoir tant de bleu sur la toile, tant d’une autre couleur dans le fond, etc. Ça ne les empêchait pas à côté de faire des chefs-d’œuvre, sans contraintes.

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L’entrée du musée place d’Iéna


Pour ce qui est de la promotion du musée Guimet, que pensez-vous faire pour faire plus connaître ce lieu qui reste assez méconnu ? Vous pensez utiliser davantage Internet ?

Le site Internet du musée fonctionne très bien. Le service de communication du musée travaille pour le musée, mais peu pour l’auditorium, nous faisons donc nous-mêmes notre propre communication. C’est assez difficile parce que nous ne sommes pas nombreux. Ce que nous savons, c’est que notre communication marche, que le public est en train d’augmenter. Je ne sais pas si notre communication peut servir au musée en retour. Est-ce que notre public qui vient découvrir nos spectacles peut en ressortir avec l’envie de visiter le musée ? Je ne sais pas. Je ne vois pas forcément les mêmes gens dans le musée que ceux que je vois à l’auditorium.

C’est quelque chose que vous constatez ?

Oui, oui. Bon, je n’ai pas fait d’étude statistique, mais le public que je croise à l’auditorium, je ne le vois pas aller systématiquement au musée. J’aimerais bien, car c’est un superbe musée.

Pour notre part, nous pouvons vous dire que l’envie de visiter le musée est née en venant à l’auditorium.

Ça veut bien dire qu’il y a des gens qui font cette démarche, mais ça reste un travail de longue haleine. Je disais que le service de communication du musée travaillait peu pour nous, mais c’est logique, car leurs interlocuteurs ne sont pas les mêmes journalistes que les nôtres, ce ne sont pas les mêmes médias. On travaille avec France Musique, France Culture. Le musée, de son côté, va travailler avec des journaux comme Beaux-Arts. Nous sommes dans un créneau de communication complètement différent. On ne se « vend » pas par les mêmes médias, donc on ne s’adresse pas a priori au même public. C’est vrai qu’un jour ou l’autre la connexion va se faire, mais elle est un peu longue à se mettre en œuvre. Ça ne fait que quatre ans que je suis là.

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