Interview (II) d’Hubert Laot et Martine Armand, créateurs de l’Eté indien
Publié vendredi 10 octobre 2008
Dernière modification dimanche 28 septembre 2008
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Suite et fin de l’interview de Martine Armand et Hubert Laot, créateurs de l’Eté indien, effectuée à l’issue de la conférence du mercredi 10 septembre 2008.
*** Les coulisses de l’exploit
Certains des films ont déjà été montrés dans d’autres éditions de l’Eté indien ou lors de la rétrospective au Centre Pompidou en 2004. Pourquoi les projeter de nouveau ?
Lorsqu’on choisit un thème, certains films et cinéastes deviennent incontournables. On ne peut pas faire un Eté indien sur les stars du cinéma hindi sans projeter Kabhi Khushi Kabhie Gham ! C’est comme si on voulait faire un festival sur la nouvelle vague du cinéma français sans passer de films de Godard. Donc même si ces films sont déjà connus, il est important de les remettre en perspective par rapport au thème, de donner de nouvelles « grilles de lecture ». Par ailleurs, le public apprécie de revoir des films qu’il a aimés, d’avoir une occasion de les voir ou de les revoir sur grand écran, ce n’est pas si courant pour un film indien.
L’objectif n’est pas de montrer à chaque fois de nouveaux films, mais de les faire mieux comprendre, de servir un propos.
Pourtant on aimerait bien voir aussi des films récents, comme Jodhaa Akbar, ou The Last Lear de Rituparno Ghosh qui n’a été projeté que dans quelques festivals…
Bien sûr, nous aussi nous aimerions, dans la mesure toujours où ces films entrent dans l’esprit de la programmation. Mais ce n’est pas toujours faisable : il faut que la copie sous-titrée en français existe, il faut que le film soit disponible au moment où on en a besoin… Lorsqu’on décide de la programmation, environ un an avant le festival, il faut encore localiser le film, savoir qui en a les droits de distribution, en Inde et en Europe ; il faut le réserver, aller sur place, négocier, étudier la faisabilité et le coût du transport… Et même lorsque nous recevons les bobines, des inconnues subsistent, plutôt sur les films anciens effectivement : copies abîmées, en mauvais état (les conditions de stockage en Inde sont rarement optimum, le climat est souvent humide et les bobines en souffrent). Parfois notre projectionniste a deux jours entiers de travail pour remettre en état les 15 à 20 bobines reçues pour un film. Ainsi, la programmation pensée au départ doit être réajustée en permanence, sans perdre de vue le thème, la cohérence, l’éclairage que l’on souhaite donner à l’ensemble.
L’ambassade de l’Inde en France est d’un grand secours car elle est notre intermédiaire avec les cinémathèques indiennes. Mais il faut savoir que les cinémathèques sont récentes en Inde, et beaucoup moins centralisées qu’en France, il est donc parfois difficile simplement de se procurer une copie sous-titrée en français, de bonne qualité, qu’on puisse faire venir en France dans les délais et à des coûts raisonnables. Quant à Jodhaa Akbar, il aura sa place dans le circuit commercial en France, patience (Martine Armand)… Je vous tiendrai au courant (merci !).
Si vous avez sous-titré Guide, vous pourriez en sous-titrer d’autres ?
(Rires de nos interlocuteurs…). Il ne faut pas oublier que la raison d’être du Musée Guimet, ce sont les expositions, pas le sous-titrage de films ! Notre auditorium est un moyen de diffusion, mais nous ne pouvons pas nous permettre d’en charger les coûts avec des opérations de ce genre. Il faut savoir que pour sous-titrer un film afin de le projeter avec nos outils de projection actuels, cela représente entre trois et quatre semaines de travail à plein temps ! Nous pouvons le faire exceptionnellement, pour un film, mais pas pour plus…
Un jour nous avons dû projeter un film avec des sous-titres anglais : la copie était annoncée avec des sous-titres français, nous avions reçu les bobines au dernier moment, nous n’avions plus le choix. Cela a été très mal vécu par notre public, beaucoup sont partis. Nous ne pouvons vraiment pas nous permettre ce genre de choses. Il nous faut donc être prudent et assurer à notre public avant tout des projections de qualité.
*** Pour conclure…
Quels sont vos films préférés dans cette édition de l’Eté indien ?
Hubert Laot : Pakeezah
Martine Armand : les films de Guru Dutt : Pyaasa, Khaagaz ke Phool, Mr & Mrs 55, Chaudhvin ka chand, Sahib Bibi aur Ghulam…
Si vous aviez une baguette magique, quel serait votre souhait pour le prochain Eté indien ?
Hubert Laot : trouver des sponsors qui pourraient financer les sous-titrages, ce qui nous permettrait d’ouvrir beaucoup plus la programmation proposée.
Martine Armand : faire découvrir les cinémas de l’Inde du Sud au public français : les films tamouls, kannadas, telugus… Il s’agit d’une autre sensibilité, d’autres traditions, avec de grands réalisateurs de cinéma commercial et de cinéma d’auteur. Malheureusement pour l’instant, trop peu sont sous-titrés, même en anglais, ce qui les rend plus difficiles d’accès.
Qu’aimeriez-vous dire à votre public ?
Qu’il continue à nous faire confiance et à venir, comme il le fait déjà. En 2004 nous avions 3200 spectateurs, en 2007 nous en avons eu 6500. La salle est remplie et parfois même il y a plus de passionnés que la salle ne peut en contenir, il vaut mieux arriver au-moins vingt minutes avant le film. Pensez aussi à réserver vos places de spectacles à l’avance : les deux spectacles de danse des 12 et 13 septembre étaient déjà complets une bonne dizaine de jours avant cette date.
Et puis le Musée Guimet est un lieu ouvert, bien ancré dans la vie d’aujourd’hui, même s’il a le nom de musée ! Nous savons que cela en rebute certains, c’est dommage. Les films sont gratuits pour les moins de 18 ans, ils ne coûtent que 4 € la séance, l’abonnement pour les 23 films coûte seulement 25 €, nous souhaitons vraiment mettre l’Eté indien à la portée de tous, nous espérons que cela est entendu.
Pour en savoir plus sur l’Eté indien 2008, voir notre dossier qui lui est consacré.
Pour en savoir plus sur l’auditorium du Musée Guimet, vous pouvez vous reporter à la précédente interview d’Hubert Laot effectué par David Roussé (Meldon) et Maguy.
Pour en savoir plus sur l’itinéraire de Martine Armand, vous pouvez vous reporter à la précédente interview effectuée par Eulika et Maguy.