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La Nouvelle Revue de l’Inde

Publié lundi 17 septembre 2012
Dernière modification mardi 3 mars 2015
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Par Guiridja

Rubrique Littérature
◀ La grande légende de Rama et Sita
▶ Fêtez Noël avec le cinéma indien ! (2)

A l’occasion d’un numéro spécial, La Nouvelle Revue de l’Inde allume les projecteurs sur le prolifique et foisonnant cinéma indien. Fantastikindia a été heureuse de participer à ce projet et en attendant la sortie prochaine de la revue, voici un petit extrait en exclusivité rien que pour vous !

Un Grand merci à PRATX Philippe le rédacteur de cet extrait.

BollyKollyTolly…fr
La présence du cinéma indien sur l’internet français.

L’univers aussi virtuel que foisonnant qu’est le Réseau Mondial, y compris dans sa version française, ne pouvait bien sûr ignorer le phénomène du cinéma indien. Ainsi, lorsqu’on dresse un état des lieux de la présence de ce cinéma du Sous-continent, on est tout de suite happé par cette impression de diversité qui tient aussi bien aux formes qu’aux contenus, autant à la qualité qu’aux dimensions et aux intentions…

Même s’il n’est pas question de proposer ici une typologie exhaustive et rigoureuse sur ce qui se fait, en termes d’internet français, lorsqu’on y cherche tout ce qui peut se rapporter à Bollywood, Kollywood et autres incarnations du septième art indien, il serait amusant et instructif de se pencher sur les lignes de force de ce paysage particulier. De fait, les principaux clivages n’ont rien de surprenant.
Ainsi peut-on établir un premier partage entre des sites spécialisés dans le sujet – sur lesquels nous reviendrons – et des sites plus généralistes qui consacrent une rubrique ou quelques pages à celui-ci. Dans cette catégorie-ci se trouvent aussi bien, par exemple, les encyclopédies en ligne que des sites généralistes sur le cinéma ou sur les cultures indiennes . Un deuxième partage peut s’effectuer entre sites à proprement parler et blogs : le critère est ici finalement peu significatif si l’on considère la qualité du contenu ou le degré d’approfondissement, même si un jugement de valeur supposant la supériorité des premiers sur les seconds est souvent admis a priori. Un troisième partage s’impose bien sûr également entre sites amateurs et sites professionnels, ou plutôt commerciaux, parmi lesquels on remarque en particulier les boutiques en ligne de DVD et autres produits dérivés du cinéma. Signalons enfin un dernier clivage important, selon le type de cinéma abordé. On sait que la production indienne se décline en fonction des langues et des centres de création, avec en particulier la traditionnelle « opposition » entre cinéma hindi (Bollywood) et cinémas du Sud. Il est ici évident que l’internet français, sans surprise, fait la part belle au cinéma de Mumbai, même si le cinéma tamoul (Kollywood), notamment, occupe une place non négligeable, probablement porté par la présence en France d’un nombre important de Tamouls indiens ou sri lankais.

Un créneau commercial à exploiter…

Penchons-nous donc de plus près sur cette catégorie de sites ou de blogs que nous avons qualifiés de spécialisés dans le sujet. C’est sans conteste ici que l’on fera le plus nettement la différence entre sites commerciaux et sites amateurs, personnels ou associatifs.
Les premiers, lancés ou popularisés pour la plupart au plus fort de la déferlante Bollywood, dans la première partie des années 2000, – après l’engouement suscité en France par les Devdas et autres Lagaan ou Kal Ho Naa Ho – surfent avec plus ou moins de bonheur sur une vague économique qui perd sans doute quelque peu de son amplitude, mais qui peut compter sur un public de fans, fidélisés et parfois boulimiques… La mode du cinéma indien a subi le destin naturel de toute mode : s’affaiblir, mais conserver des adeptes convaincus, et connaître des sursauts, des répliques – au sens sismologique du terme – en telle ou telle occasion. Notons du reste que nombre de ces sites commerciaux ne sont sur la Toile française qu’une version parmi d’autres de sites étrangers. Tel est le cas par exemple de Bollywooddvds.com, basé au Royaume-Uni.
Si l’on prend un autre exemple, parmi les plus connus, et basé en ce qui le concerne à Paris : Bollywoodgigastore.com, il est instructif d’en observer la page d’accueil ou, en d’autres termes, la vitrine. Sans surprise, les visuels d’accroche occupent les places stratégiques : diaporamas, vidéos, jaquettes de DVD… Au moment où je rédige cet article, Shah Rukh Khan, icône incontournable, joue pleinement ici son rôle de produit d’appel « royal », à 7€99 TTC. Mais plus révélateur encore sur cette page d’accueil est le menu de la colonne de gauche. En effet, si l’on y découvre les liens d’entrée vers des rubriques attendues, c’est-à-dire un ensemble de pages dédiées aux DVD indiens ou aux magazines anglophones spécialisés, il est peut-être plus surprenant, pour un public peu habitué, de rencontrer aussi des entrées telles que « Apéritif Inde », « Desserts indiens », « Huile capillaire Inde »… Comment peut-on interpréter cette conjonction de produits de bouche, produits de beauté et produits cinématographiques ? Tout simplement, bien sûr, par un simple raisonnement qui nous permettra aisément de comprendre que l’objectif est ici bien détaché de toute préoccupation culturelle : la galette filmique Bollywood ou l’exemplaire de Filmfare côtoient sur les étals et les gondoles du supermarché virtuel le chutney de mangues et les huiles de massage, ou bien, ailleurs, les articles vestimentaires indiens. Ceci dit, l’existence, voire la longévité, de tels sites a quelque chose de rassurant pour le cinéma made in India, puisqu’elle implique une vitalité qui ne se dément pas, malgré la concurrence des diverses formes de piratage constituant une concurrence non négligeable : il existe bel et bien en France un public amateur, à des degrés divers, de Bollywood, et de Kollywood. Si, pour le second, il y a fort à parier que ce public est largement constitué d’immigrés tamoulophones ou de leurs enfants, pour ce qui est du premier, il serait intéressant de posséder des statistiques qui montreraient probablement une bien plus grande mixité ethnique.
Un cas particulier à signaler toutefois, et à saluer, parmi les sites professionnels : celui de la société Aanna Films , créée en 2009, et qui s’efforce courageusement de promouvoir le septième art indien à travers une diffusion en salle, en région parisienne d’abord, puis également en province. Agilane Pajaniradja, son fondateur, interviewé en septembre 2011 pour le site Indes réunionnaises déclarait ceci, en réponse à une question sur les raisons de la difficulté de diffusion du cinéma indien en France :

  • « 1. Même si les choses sont en train de s’améliorer, travailler avec les Indiens, c’est toujours compliqué. Donc déjà au premier niveau, l’entente entre une société française et une société indienne n’est pas gagné d’avance. Les notions de temps et de délais par exemple sont très loin d’être identiques.
  • 2. Je crois qu’il y a une part d’erreur commune dans le choix des films dans le passé de la part des distributeurs français qui ont systématiquement opté pour des films en lien avec l’Inde classique et traditionnelle. Cela a bien sûr attiré le public qui aime l’Inde mais pas obligatoirement le public qui aime le cinéma. Et avec le temps, le cinéma indien a été catégorisé dans le placard nommé Bollywood, kitsch, niais.
  • 3. A l’opposé, les films dits « modernes » sont dénués d’identité ; ils ne sont ni assez indiens, ni assez bons pour concurrencer les films d’ici. Les distributeurs ont peut-être préféré sa rabattre sur des valeurs sûres.
  • 4. Pour finir, l’Inde est en pleine mutation. Les vrais Bollywood comme on a connu n’existent plus. Avant, les producteurs et les réalisateurs faisaient du Bollywood naturellement. C’était dans le sang. Maintenant, ils se forcent à faire du Bollywood en mettant mécaniquement les ingrédients. C’est très faux. Ou sinon, c’est le délire de la « modernité » d’une société jeune, qui se cherche, et qui n’intéresse pas spécialement l’occident. »

Une vision, me semble-t-il, à la fois lucide et éclairante d’une certaine situation. On peut simplement regretter que le site d’Aanna Films ne soit pas lui-même plus riche en contenu ; il se limite en effet à la diffusion des informations touchant aux projections organisées par la société.

Passionnés et amoureuses…

Les sites amateurs ou associatifs sont quant à eux beaucoup plus intéressants à nos yeux que les boutiques en ligne précédemment évoquées. Plus intéressants parce que plus enrichissants et constructifs. Créés et animés par de véritables passionnés, ils peuvent être de simples espaces d’échange et d’expression, mais aussi, dans les meilleurs des cas, de véritables références, remarquables par le sérieux et l’implication de leurs responsables dans la vie du cinéma indien en France… ce qui n’est pas si simple. Le plus emblématique de ces sites est probablement Fantastikindia.fr, mis en ligne par une association éponyme créée en 2007. Le site est, disons-le, la porte d’entrée idéale aussi bien pour l’internaute non initié et désireux de découvrir l’univers bollywoodien, kollywoodien, etc., que pour l’aficionado déjà mordu. « La raison d’être de l’association est avant tout l’information du public sur l’actualité du cinéma indien en Inde comme ici en France. A cet effet, le site www.fantastikindia.fr contient une base de données regroupant plus de 2000 articles : critiques de films (Bollywood, Kollywood et autres cinémas), biographies, reportages, interviews (réalisateurs et acteurs) et couverture de festivals, » nous déclaraient les responsables du site, ajoutant par ailleurs : « Notre site essaye de donner une vision assez large du cinéma indien en ne se limitant pas à Bollywood. Effectivement, nous abordons également les cinémas dits "du sud" : Kollywood, Tollywood, … mais aussi les films non indiens ayant l’Inde ou les Indiens pour sujet (NRI). Il s’agit de montrer, de façon la plus objective possible, le cinéma indien aussi bien dans sa diversité que dans ses particularités, ainsi que son évolution. Nos dossiers "culture" permettent de donner des clés pour comprendre les thèmes abordés par les réalisateurs. »
On le voit donc, derrière le site se cache tout un travail de fond, à visée à la fois promotionnelle, informative et culturelle. Et il est vrai qu’internet est le seul média vraiment présent et efficace en France pour assurer ces fonctions, dans la mesure où l’audiovisuel traditionnel ou la presse écrite n’accordent qu’une place très occasionnelle et généralement superficielle au cinéma indien. C’est ainsi que l’aventure Bollywood Stars Magazine a tourné court en 2008 : ce magazine papier a dû plier boutique au bout de deux numéros, faute de lectorat suffisant.
Outre Fantastikindia, on pourrait mentionner des sites tels que celui de l’association So Bollywood Montpellier , comparable au précédent mais à vocation régionale, Peopollywood.com , proposant d’intéressants dossiers et notices biographiques, Shahrukhfan , émanation de l’association Cooleurasia et véritable portail du premier Fan Club français de la star SRK, ou encore le blog Bolly&co mis en ligne par d’authentiques amoureuses du cinéma du Sous-continent qui publient virtuellement un magazine consistant et finalement très professionnel, consultable en ligne ou en téléchargement. En avril 2012 a été également mis en ligne Bollywoodstudio.fr, dont les ambitions semblent prometteuses. Sa responsable déclare : « J’espère que le site informera les personnes sur le cinéma indien en règle générale. Bollywood est très présent sur le site, car c’est plus facile d’avoir des informations sur ces films que sur le reste du cinéma indien. Mais le but de Bollywoodstudio est justement de ne pas se limiter à Bollywood. Nous sommes en train de développer toutes les actualités des autres films. » L’association à l’origine du site semble sérieuse et compétente. A suivre de près donc.

Interrogés sur le type d’internautes fréquentant leurs pages, certains responsables de ces sites soulignaient le grand éclectisme de ceux-ci en termes d’âge, de catégorie socioprofessionnelle voire d’origine géographique, puisque le site Sharukhfan notamment attire beaucoup de jeunes Tunisiennes et Marocaines. Ce dernier fait est à souligner, car si nous avons parlé d’internet français, il est bien clair que, les principales frontières du monde virtuel étant linguistiques, cet internet français est de fait, plus largement, francophone. Or l’on sait que le cinéma indien est particulièrement populaire au Maghreb, dans certains pays d’Afrique noire ou chez une partie de notre population domienne, réunionnaise en particulier. On peut donc parler de grande diversité dans les profils de ces internautes, mais peut-être est-ce trompeur… Il s’agit là, a priori, d’un public déjà conquis, initié, et dont le prosélytisme n’est peut-être pas la caractéristique la mieux partagée. Des passionnés s’adressent donc à d’autres passionnés, au sein d’un microcosme qui semble avoir du mal à s’ouvrir et à s’étendre. Mais ce n’est là qu’un point de vue entaché de subjectivité, tant il est vrai que les données chiffrées, objectives, font défaut sur le sujet.

Nous terminerons sur une autre question posée à nos interlocuteurs, sur ce que le public français apprécie dans le cinéma indien, ou au contraire ce qui déplaît en celui-ci. Sans grande surprise, dans la première rubrique reviennent les notions de rêve et d’exotisme, dans l’esthétique notamment. Le caractère familial, la bonne humeur et les bons sentiments, la tradition des fins heureuses… ne sont pas non plus étrangers au succès des productions bollywoodiennes auprès de leur auditoire français. A l’inverse, et tout à fait logiquement, l’occidentalisation esthétique ou morale de nombreux films récents en a déçu plus d’un, tandis que d’autres reproches sont déjà plus anciens : le sentimentalisme kitch, la durée jugée parfois insupportable ou encore l’inconsistance ou du moins l’indigence scénaristique trop fréquente… « Les préjugés sont si forts que les personnes pensent que les films indiens se limitent aux danses et aux chansons, avec une histoire assez pauvre. Et c’est faux », déclare pour sa part Raphaëlle, de Bollywoodstudio.com.
Fracture et suture entre deux univers culturels, paradoxe de chemins qui tantôt se croisent, tantôt restent parallèles, et où cinéaste et cinéphiles se meuvent par petits groupes à des rythmes différents, dans des directions parfois opposées… L’internet français témoigne à sa façon, pour qui l’observe avec quelque recul, de la complexité de cette situation et de cette relation entre les Français, ou les francophones, et le cinéma indien.


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