Naqaab
Traduction : Masque
Langue | Hindi |
Genre | Thriller |
Dir. Photo | Ravi Yadav |
Acteurs | Bobby Deol, Akshaye Khanna, Urvashi Sharma |
Dir. Musical | Pritam Chakraborty |
Parolier | Sameer |
Chanteurs | Sunidhi Chauhan, Sonu Nigam, Javed Ali, Alisha Chinai, Zubeen Garg, Krishna |
Producteurs | Kumar Sadhuram Taurani , Ramesh Sadhuram Taurani |
Durée | 115 mn |
Une mascarade risible et en partie efficace
L’équipe du film Humraaz (2002) se reforme pour nous offrir un thriller qui comblera les amateurs de surprises mais qui laissera sur sa faim le public friand d’histoires classiques.
Le slogan du film est : "The most shocking thriller of the year" - le thriller le plus choquant de l’année. Malgré cela, pas de scènes pornographiques ou ultra-violentes, pas de morale totalement dérangeante, mais un habile pied-de-nez en rapport avec le sujet du film dont le rebondissement principal ne sera évidemment pas dévoilé dans la suite de l’article.
Le duo de producteurs-réalisateurs Abbas-Mustan sévit sur le cinéma hindi depuis de longues années. Avec des coups d’éclat tels que Baazigar, Soldier, Baadshah, Ajnabee et Humraaz, ils ont imposé leur style en s’inspirant continuellement de thrillers américains (Harcèlement pour Aitraaz par exemple). Malgré tout, en insufflant des valeurs familiales chères au public ou des éléments masala, ils ont singularisé ces "remakes" pour en faire des films à part entière.
L’une de leurs plus grosses réussites (aussi bien commerciale que cinématographique), Humraaz, en 2002, s’appuyait sur un casting à contre-emploi et des stars en mal de reconnaissance. C’est cette équipe qui se reforme pour créer Naqaab-Disguised Intentions (le titre complet) en espérant réitérer le même succès.
Outre les réalisateurs, on retrouve les acteurs Akshaye Khanna et Bobby Deol, tous deux en difficulté au box-office. Mais l’héroïne de Humraaz, Amisha Patel, n’est pas de la partie. Elle est remplacée par une débutante, Urvashi Sharma, qui s’est fait remarquer auparavant dans des publicités et des magazines de mode.
L’histoire de Naqaab débute comme un triangle amoureux classique. Sophie (Urvashi Sharma) est une jeune fille issue d’une famille aisée, qui vit le parfait amour avec son fiancé Karan (Bobby Deol), un milliardaire blasé par son train de vie. Sophie attend autre chose du véritable amour, et celui-ci prend forme lorsqu’elle fait la rencontre de Vicky (Akshaye Khanna). Elle commence à avoir une liaison et Karan va s’en apercevoir au fur et à mesure, mais sa décision ne va pas être celle que l’on pouvait supposer. En effet, les réactions de chacun seront dictées par leur passé et par les choses qu’ils ont à cacher…
Les maîtres du suspense Abbas-Mustan ont une fois de plus trouvé l’inspiration dans un film anglo-saxon, Dot The I, sorti en 2003. On peut leur reprocher ce manque total d’originalité, cela dit ils sont finalement comme des importateurs d’idées, qui adaptent le produit à la demande du marché et du public indien. Mais dans le cas de Naqaab, la pilule est dure à avaler pour des spectateurs qui apprécient de plus en plus les histoires qui sortent des sentiers battus, mais qui aiment avoir des repères dans la narration et dans la construction des personnages.
Et sur ce point-là, Naqaab est déstabilisant. Le scénario est très malin car le film nous emmène sur un chemin pendant la première moitié du film, pour faire totalement demi-tour à l’intervalle. Tout ce qui a été créé en première partie devient totalement obsolète et même tourné en ridicule.
C’est paradoxalement le point fort et le point faible du scénario de Naqaab. Soit on adhère totalement et on apprécie le fait que le scénariste se moque de nous d’une façon très grossière, et qu’il saborde le travail effectué en première partie. Soit on déteste, et on se sent trahi par un retournement de situation qu’on aurait pu déjà imaginer, et qu’on penserait ne jamais voir au cinéma tellement celui-ci est énorme. Les réalisateurs s’en amusent même, en imbriquant un film dans le film et en jouant sur la différence minime entre la réalité et la parodie.
Suivant sa réaction, le spectateur se laissera embarquer dans la deuxième partie, ou décrochera totalement et sortira de la salle en trouvant Naqaab très mauvais. C’est justement sa capacité à diviser les opinions qui rend le film singulier.
Car en dehors de cet effet scénaristique, le film se révèle totalement conventionnel, et n’a clairement pas la qualité nécessaire pour mettre tout le monde d’accord. Malgré le budget conséquent, son univers fait un peu carton-pâte, comme beaucoup de films récents d’Abbas-Mustan (36 China Town en tête).
Cependant, Naqaab a aussi pas mal de qualités techniques et artistiques. On peut apprécier les décors et les paysages de Dubai qui ressortent très bien avec une photographie soignée. Les mélodies de Pritam sont plutôt bien mises en images et font ressortir le potentiel de ses chansons légèrement au dessus de la moyenne. Ek Din est largement la meilleure du lot, la seule qui reste véritablement à l’esprit après avoir vu le film.
Les seconds rôles ne sont pas tous crédibles et certains font un peu figures de "bouffons" censés amuser la galerie. Mais ce genre de personnage fait partie de l’univers d’Abbas-Mustan, qu’on le veuille ou non.
Une autre particularité du film vient de la composition de chaque personnage principal. Aucun n’a d’intentions pures, et tous ont des objectifs et des intérêts bien précis dans l’affaire. On n’a pas de blanche colombe qui se fait persécuter par le vilain méchant dégoûtant.
Les prestations du trio principal sont vraiment adéquates et reflètent bien le choix de personnages ambigus de la part des réalisateurs. Akshaye Khanna campe bien le rôle du manipulateur pris entre deux pièges : celui de son commanditaire et celui de l’amour qu’il éprouve pour la victime. Même si ses expressions sont loin d’être étonnantes, il garde la sobriété montrée dans Humraaz et Deewangee.
Bobby Deol est assez surprenant dans la deuxième partie, où il montre son vrai visage. Tour à tour angoissant par sa folie et burlesque par son look et son dessein machiavélique, il devient même pathétique. En cela son interprétation est réussie, cependant sa coiffure et son apparence sont une insulte au bon goût.
Urvashi Sharma est vraiment la surprise du film. Cette nouvelle venue est pleine de grâce, de vivacité et, surtout, de naturel. D’abord très photogénique, elle dégage ensuite un certain charisme et un magnétisme qui placent sa carrière future sous de bons augures.
Pour avoir osé saboter à ce point son film, le duo Abbas-Mustan mérite des applaudissements. Se moquer du spectateur à ce degré n’est pas donné à tout le monde, et si l’on accepte de se faire manipuler si grossièrement, alors Naqaab est une bonne surprise, un film amusant qui ne se prend pas au sérieux. En décalage constant, il perd néanmoins en émotions et en authenticité. Ces deux aspects importants manquent à l’appel pour tenir en haleine les spectateurs exigeants, qui se sentiront de trop dans cette mascarade quelque peu simpliste.