Omkara
Langue | Hindi |
Genre | Drame |
Dir. Photo | Tassaduq Hussain |
Acteurs | Saif Ali Khan, Naseeruddin Shah, Bipasha Basu, Ajay Devgan, Kareena Kapoor, Vivek Oberoi, Konkona Sen Sharma |
Dir. Musical | Vishal Bhardwaj |
Parolier | Gulzar |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, Sunidhi Chauhan, Suresh Wadkar, Sukhwinder Singh, Rahat Fateh Ali Khan, Rekha Bharadwaj, Vishal Bhardwaj, Clinton Cerejo, Rakesh Pandit, Nachiketa Chakraborty |
Producteur | Kumar Mangat Pathak |
Durée | 152 mn |
Othello en Uttar Pradesh
Omkara est un chef de gang au service d’un politicien véreux nommé Bhaisaab. Un jour, il accède à un rang supérieur dans la hiérarchie du clan et promeut lieutenant Kesu le playboy de la bande, à la place de Langda Tyagi le roublard, à son service depuis dix ans. Se sentant floué, celui-ci élabore alors un plan pour se venger…
Comme dans toutes les adaptations, nous connaissons le début, nous connaissons la fin. Ce qui compte c’est le "comment". Vishal Bharadwaj, déjà réalisateur de Maqbool (version indienne de Macbeth, assez confuse selon moi), choisit de situer sa deuxième adaptation d’une pièce de Shakespeare (Othello) en Uttar Pradesh dans le milieu de la pègre. De ce fait, son choix conditionne toute l’esthétique de son film. A l’inverse des films bollywoodiens récents où les réalisateurs oublient leur doigt sur la touche "contraste" tant les images sont excessivement léchées, colorées, superficielles, Bhardwaj préfère l’univers sans glamour du western. La photo est granuleuse, le décor couleur poussière, les personnages durs et vulgaires. Car le réalisateur a aussi écrit pour ses acteurs des textes loin d’être châtiés qui font fuir le public familial, l’une des raisons pour lesquelles le film fit un injuste flop au box office.
Son héros s’appelle Omkara, alias Omi (Othello, Ajay Devgan). Il est d’une caste inférieure à celle de sa dulcinée Doli (Desdémone, Kareena Kapoor) qu’il épouse sans le consentement de son père. Furieux, celui-ci met Omkara en garde : "une fille qui trahit son père ne peut appartenir à personne". Cette phrase sera le ver dans le fruit que Langda Tyagi (Tiago, Saif Ali Khan) ne cessera d’enfoncer en faisant croire à Omi par moult stratagèmes que Doli le trompe avec Kesu (Cassio, Vivek Oberoi).
Langda Tyagi, Langda Tyagi. Baubali, Baubali** chante Raju (ou Roderigo, Le fiancé de Doli choisit par son père), lorsqu’il apprend qu’Omkara doit désigner son nouveau bras droit. Mais Langda Tyagi assiste ébahi au couronnement d’un autre. C’est une scène magnifique où Saif Ali Khan représente sur son visage et sans parole tous les sentiments que traverse son personnage : d’une profonde déception (bouleversante pour le spectateur) aux sourires de façade pour la dissimuler. Dès cet instant, le film lui appartient.
Dans cette histoire anglaise, Bharadwaj fait de Tiago un personnage très "indien". Traditionnellement, et dans les adaptations récentes de la pièce au cinéma telles que l’Othello de Kenneth Branagh ou O (sa version teen movie avec Josh Harnett), Tiago est un être suave qui séduit tant par son discours, que par son visage ordinaire et rassurant de l’ami qui nous veut du bien. Mais en Inde, l’usage veut que le méchant porte un signe corporel qui permette de l’identifier. Souvenez-vous du tic de Shah Rukh Khan dans Anjaam et de son bégaiement dans Darr. Langda Tyagi traîne quant à lui une jambe malade. Pour l’incarner, Saif Ali Khan s’est enlaidi : il s’est jauni les dents, s’est coupé très courts les cheveux (et a même connu un "bug" vestimentaire lors de ses quelques apparitions publiques durant le tournage, mais ça c’est une autre histoire…). Il a fait un énorme travail sur son physique et son accent afin d’effacer cette image de yuppie urbain qu’on lui connaît. Mais ses efforts ne furent malheureusement pas récompensés à leur juste valeur. L’acteur a dû se contenter dans la plupart des cérémonies, des Filmfare aux IIFA, du prix du meilleur acteur dans un rôle négatif. Le fait d’avoir aujourd’hui encore ce genre de catégorie constitue un paradoxe dans un cinéma où les caractères des héros ne sont plus si tranchés.
Omkara devient l’histoire de la douleur et des conséquences d’une trahison. Pas celle de Langda Tyagi envers Omi, mais celle d’Omi envers Tyagi ! Ce qui fait dire à beaucoup que le film aurait dû porter son nom. Car le réalisateur lui donne en plus les plus beaux plans du film, comme celui où Saif Ali Khan traverse le couloir d’un hôpital en boitant dos à la caméra et à contre-jour comme pour signifier "la peste qui s’abattra sur vos deux maisons…" (euh je me trompe dans mes classiques).
Mais les autres protagonistes ne sont pas en reste. Ajay Devgan (Omi) incarne un type de personnage qu’il connaît par cœur, déjà vu dans des films comme Khakee ou Apaharan. Beaucoup lui reproche de ne pas avoir joué un Othello plus sensible. Son rôle a en effet été conçu autrement : son Othello n’est pas celui qui doute, qui a mal, et qui le montre (sauf à sa sœur Indu). C’est un chef qui n’a pas de failles (sauf une, Doli). Et quand il demande des informations à Tyagi, il ne supplie pas, il frappe ! Mais sa nature inflexible va être sa plus grande faiblesse et le mener à sa perte. L’interprétation de Devgan est cohérente avec l’univers dans lequel vit Omi. C’est un gangster et de ce fait, il ne peut- s’épancher sur les épaules de Tyagi ou Kesu qu’il traite plus comme ses hommes que comme des amis très proches. Kesu, incarné par Vivek Oberoi, est un bellâtre cultivé et insouciant. Oberoi le joue comme tel, comme dans Saathiya, ou Yuva. Son jeu laisse parfois perplexe, à tel point qu’il est surpassé par un second rôle, Deepak Dobriyal (Raju) dont c’est la première apparition au cinéma !
Du côté des héroïnes, Doli est une colombe que rien ne touche. Dans ce monde où tout est corrompu, elle paraît très naïve et peu à sa place. Mais une Kareena Kapoor très talentueuse (et, chose étonnante, plus belle au naturel que peinturlurée) la rend crédible. On a envie de la protéger. Tout le contraire de la sensuelle Chamanbahar Billo, la compagne de Kesu. Clairement choisie comme item number *** de luxe, Bipasha Basu reprend pourtant un petit rôle clé (Bianca dans la pièce). Elle s’en sort bien et surtout rayonne dans les deux clips qu’elle porte à l’écran. Konkona Sen Sharma est enfin un second rôle de choix. Elle joue Indu (Emilia), sœur d’Omkara et femme de Tyagi. Elle a aussi travaillé son accent (ce que peuvent constater même les non-hindiphones qui la connaissent) et interprète à merveille cette femme pleine d’audace qui n’hésite pas à dire que la satisfaction d’un homme se trouve en dessous de sa ceinture !
La musique est superbe. Le titre-phare Omkara fait une bonne musique de film mais en terme de son pur sur lequel bouger, Beedi est le titre qui se démarque. Mis en scène de façon naturelle, brute, spontanée et peu chorégraphiée, le clip qui l’illustre est tout aussi entraînant. Celui de Namak y ressemble un peu, mais la chanson est moins rythmée. O Saathi re (qui devait être le titre du film à l’origine) est une litanie envoûtante qui accompagne les jeux amoureux d’Omkara et Doli. Pourtant, à la fin, un autre air me reste en tête : celui que chante tendrement Omi pour réveiller Doli après une nuit de passion. Aaah meri Rani…. Les goûts et les couleurs ne s’expliquent vraiment pas…
Ce qui est sûr, c’est qu’Omkara est un petit bijou à ne rater sous aucun prétexte. C’est en plus une bonne introduction au genre Bollywood grâce à l’histoire de Shakespeare qui devrait convaincre les plus réticents au genre.
** : chef
*** : une star invitée pour jouer dans un clip