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Mere Wajood - 1
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La critique de Fantastikindia

Par Suraj 974 - le 15 juin 2005

Note :
(7.5/10)

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Après la débâcle commerciale et artistique de Aan- Men At Work où il s’essayait pour la première fois à un film commercial grand public, Page 3 marque le retour de Madhur Bhandarkar au cinéma semi-commercial qui l’a fait connaître, avec le fameux Chandni Bar. Comme à son habitude, il explore les bas-fonds de la société indienne, mais cette fois, il va là où on ne s’attend pas à les trouver : au cœur de la jet-set de Mumbai. Le titre désigne la troisième page des grands journaux indiens, qui relate les soirées où s’amusent les gens riches et célèbres.

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Madhvi, Gayatri et Pearl : un groupe d’amies… inséparables ?

Le film est centré autour du personnage de Madhvi (Konkona Sensharma) qui, à peine sortie de l’école de journalisme de Bangalore, trouve un petit poste de journaliste mondaine dans un quotidien connu. Elle s’installe dans la grande ville, où elle partage son appartement avec Pearl (Sandhya Mridul), hôtesse de l’air pas du tout idéaliste, dont le but est d’épouser un homme riche et de partir aux USA, et Gayatri (Tara Sharma), tout droit arrivée de Delhi, qui souhaite devenir actrice de cinéma. Toutes trois forment un trio inséparable, qui s’entraide et se soutient.

Commence alors l’exploration par Madhvi de la jet-set. On suit son parcours sur une année. Au début, elle découvre tout cela émerveillée, trop contente de pouvoir faire le métier qu’elle souhaitait, qu’importe qu’il corresponde ou non à ce qu’elle ambitionnait, mais peu à peu elle met à jour les bas-fonds de ce milieu. Elle découvre un monde sans foi rongé de l’intérieur, totalement blasé, où seule compte l’image. A un enterrement, aucune compassion, tout le monde se lamente devant les journalistes, mais téléphone pour préparer la prochaine fête où il faut être vu. Celui qui dit une chose face aux caméras fait l’inverse dans la vie privée, pourvu que cela ne se sache pas et que son image reste irréprochable.

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Les nuits de la Jet Set

Comme on peut s’en douter, le film explore toute une galerie de personnages aussi divers que variés. Ce qui fait sa force, c’est qu’il les développe tous au maximum. Le moindre individu aperçu brièvement est caractérisé de façon particulière, que ce soit par l’histoire ou par sa simple attitude. Même des personnages similaires ont une personnalité propre : le film évite le piège des raccourcis faciles et autres amalgames qui sont le risque principal quand on veut esquisser un portrait aussi ambitieux. Madhur Bhandarkar n’hésite pas à aborder des thèmes inhabituels pour le cinéma indien, comme l’homosexualité très répandue dans le milieu des stars, les travestis, les problèmes de drogue, et même la prostitution et la pédophilie.

Avec sa galerie de personnages hauts en couleurs sombres, Page 3 rappelle un peu l’approche de cinéastes comme Robert Altman qui réalisent aussi des films-chorales où les personnages importants se comptent par dizaines. Ici, on est dans le même cas de figure, et le film n’a pas à souffrir de la comparaison, car il développe une vision propre, au sens littéral du terme, puisqu’il suit Madhvi dont le regard s’ouvre peu à peu à autre chose, en découvrant la pauvreté d’âme de ces personnalités et même celle des gens qui l’entourent au plus près.

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Un apprentissage difficile

Page 3 a ceci de remarquable qu’il montre sans donner l’impression de montrer. En quelques plans, il donne une idée d’un milieu, sans trop en faire. Etant donné le thème social choisi, les comparaisons avec Chandni Bar pourraient sembler faciles, mais elles ne sont pas dénuées d’intérêt. Contrairement au premier où il montrait un milieu d’emblée clairement situé comme pauvre, ici Madhur Bhandarkar s’attarde sur un milieu a priori plus aisé et moins répréhensible, mais il le peint avec une telle acidité qu’il met au jour toute la pourriture qui s’y cache et en fait un milieu finalement encore plus pitoyable que celui de Chandni Bar.

Comme dans ce film, il suit le personnage féminin principal sur une certaine période, ici une année, pour livrer un constat d’échec. On prend toute la mesure du film à la fin, où, revenue de toutes ses aventures, Madhvi retourne faire le compte-rendu d’une soirée. Mais entre son premier papier et celui-ci une année s’est écoulée, et plus rien n’est comme avant. Elle était enthousiaste et idéaliste, ses découvertes et déconvenues l’ont rendue blasée et dure. Elle avait un groupe d’amies pour la soutenir, celui-ci s’est désagrégé. Tous les gens qu’elle croise n’ont plus rien de fascinant. C’est là que le film fait fort, où on constate le talent avec lequel il est construit, puisque dans cette ronde finale on aperçoit exactement les mêmes personnages qu’au début, filmés rigoureusement de la même façon, mais à leur seule vision nous faisons le lien avec ce que nous savons désormais d’eux… et, tout comme à Madhvi, ils nous inspirent maintenant du dégoût.

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Le journalisme de terrain

Dans le rôle principal, Konkona Sensharma, issue du cinéma Bengali (le chef d’oeuvre Mr & Mrs Iyer) et dont c’est ici le premier film hindi, est excellente comme on pouvait s’y attendre lorsqu’on a vu de quoi elle est capable. Elle rend parfaitement toutes les nuances d’émotion et d’humeur par lesquelles passe son personnage au fur et à mesure du film. Une performance qui confirme son immense talent. Tara Sharma (Saaya, Masti) a un rôle bref mais remarqué. D’abord pure et réticente à toute faveur douteuse pour atteindre son but, au contact de ce milieu elle se corrompt peu à peu pour se fondre dans la masse. La différence entre la Gayatri du début et celle de la fin est tellement flagrante et bien exécutée qu’on se demande pourquoi les producteurs ne lui font pas plus confiance. Atul Kulkarni (Chandni Bar, Run, Khakee) dans un rôle de journaliste d’investigation policière est une nouvelle fois excellent, dans un rôle encore différent, car il ne fait pas le méchant, mais joue un personnage positif qui ouvre Konkona au vrai journalisme, celui en phase avec les vrais problèmes sociaux. On retrouve enfin Boman Irani (Darna Mana Hai) dans le rôle de Deepak, le bienveillant patron du journal. Il sort enfin des rôles inquiétants pour endosser celui d’un homme dur mais bon.

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Plus rien n’est comme avant entre Gayatri et Madhvi

Malgré son peu de moyens et notamment une photographie passable, Page 3 compense ses lacunes par de bonnes idées et un scénario qui est un modèle du genre. Côté musique, le film comporte des chansons, ce qui en soit est une surprise, on retiendra surtout la très belle mélodie interprétée par Lata Mangeshkar elle-même. Sans que sa voix y soit exceptionnelle, la chanson tombe bien dans le film à un moment où plusieurs histoires similaires se croisent.

Page 3 constitue donc une réussite artistique certaine. Sans être du calibre de Chandni Bar où on ressortait avec le cœur retourné, il n’en reste pas moins un film difficile, à déconseiller en cas de déprime. Pour une fois, Madhur Bhandarkar réussit à peu près à intégrer les éléments commerciaux dans son film (Romance, Chansons) sans que cela ne lui nuise, au contraire. Le succès public remporté par ce film début 2005, comme celui de Black, ont de quoi rassurer sur la santé du cinéma d’auteur indien et surtout sur l’attitude du public vis à vis des films plus exigeants.

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