Perspectives sur le cinéma indien
Publié jeudi 27 mai 2010
Dernière modification jeudi 27 mai 2010
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Vendredi 14 mai, festival de Cannes 2010
Tous les ans, au festival de Cannes, se tient le marché du film, qui regroupe des centaines de producteurs et distributeurs venus de partout dans le monde, afin de faire la promotion de leurs films. C’est d’ici que proviennent la grande majorité des projections quotidiennes du festival - approximativement 150 films, tous provenant du marché, sont projetés tous les jours, certains en deux séances. C’est une occasion pour les petits producteurs de faire connaître et vendre leurs films, et pour les gros producteurs de s’affirmer : et le cinéma indien ne fait pas exception à la règle.
En effet, j’ai profité de cette occasion pour interviewer trois producteurs et distributeurs de films indiens - UTV, IDream Independent Pictures, et Sunstone Entertainment. Les questions se portaient majoritairement sur le genre de films qu’ils produisaient, l’évolution du marché au cours de ces dernières années et leurs perspectives sur le succès de ces films sur le marché international et français.
Tous les producteurs étaient des habitués de Cannes. Certains, comme IDream, y participent depuis 2006. Ce qui est sûr, c’est que tout le monde adore être ici. Et pour cause, comme le remarque Jattin Kapoor, directeur des ventes à l’international d’IDream, c’est une réelle occasion pour eux d’être finalement en contact physique avec les personnes avec qui ils travaillent pendant toute l’année. Il peut ainsi projeter les films directement aux acheteurs, et eux peuvent à leur tour connaître les producteurs, distributeurs, voire parfois les réalisateurs et acteurs des films qu’ils sont sur le point d’acheter. C’est un réel atout, d’autant plus qu’il s’agit du plus prestigieux festival cinématographique.
Et un tel atout n’est pas négligeable. Les trois interviewés se rejoignaient très certainement sur un point : la crise financière de 2009 s’est beaucoup fait sentir dans toute l’industrie cinématographique, mais spécialement chez les producteurs indépendants - de part la popularité du Bollywood indépendant face aux géants hollywoodiens. Certains se montrent rassurés, comme Sanjay Jumani, représentant de Sunstone Entertainment, qui déclare que "le marché vivra toujours, même avec des nouveaux venus. Le cinéma indien est destiné à tout le monde, car il transmet un message de paix et d’amour, et les gens ont de plus en plus envie de l’adopter". D’autres sont plus pragmatiques mais restent tout de même optimistes. Pour IDream, il est encore trop tôt pour pouvoir s’affirmer sur ce point, mais à en juger sur ce qu’ils ont vu jusqu’à présent, ils estiment que l’année 2010 sera une année fructueuse en termes de ventes. Et ce, partout dans le monde, d’après Ruchira Tripathi, gérante de la distribution internationale chez UTV, qui fait référence au nombre d’acheteurs potentiels non-indiens qui ont manifesté de l’intérêt pour ses films.
Internationalement parlant, on voit plus de réserve de la part des producteurs. Les coproductions sont parfois faites avec des compagnies étrangères (comme pour Fired de IDream avec le Royaume-Uni, ou Phénomènes, le film de Shyamalan, de UTV en 2008 avec les Etats-Unis), mais elles restent majoritairement indiennes. Love, Sex Aur Dhokha reste aussi un film à caractère très international, de part son fil conducteur et sa direction, assez atypiques pour un film indien. Le fait que Udaan ait été sélectionné dans la catégorie "Un Certain Regard" du festival rend tout le monde très fier - et il y a de quoi.
Plus spécifiquement, le marché français n’est pas vu de la même façon pour tout le monde. UTV se montre optimiste quand à la popularité des films indiens en France, comme My Name Is Khan dont la sortie est programmée d’ici deux semaines. IDream adopte une position plus sceptique : ils voient que pendant les deux dernières années, le marché n’était pas autant porté sur le grand écran que sur le petit - diffusions satellites, DVD et VHS étaient leurs plus gros exports pour les marchés français et allemand. Ils ont hâte cependant de voir comment la sortie de MNIK va changer la donne, en présentant le cinéma indien à un public beaucoup plus large. Ils ne cherchent cependant pas à s’implanter sur le marché français en particulier, mais plutôt à s’internationaliser en général, en lançant les films à travers les canaux les plus adaptés.
Finalement, s’ils avaient un mot à dire à nos lecteurs (donc à vous, lecteur !) ce serait que le cinéma indien est en train de s’internationaliser, et qu’il va chaque jour plus loin que le Bollywood auquel les gens sont le plus habitués. C’est une tendance qui se voit confirmée par le genre de films qui sont lancés, et aussi par la mentalité des producteurs et distributeurs, qui sont chaque fois plus ouverts et plus optimistes quant au succès de leurs films autant en Inde qu’à l’international.
Ce fut un réel plaisir de rencontrer toutes ces personnes - elles étaient toutes très ouvertes et intéressantes, et ont pris de leur temps pour répondre à toutes mes questions. Merci à elles !