Pournami
Traduction : Pleine lune
Langue | Tamoul |
Genre | Drame |
Dir. Photo | Venkat Prasad |
Acteurs | Trisha, Prabhas, Rahul Dev, Charmee |
Dir. Musical | Devi Sri Prasad |
Parolier | Sirivennela Sitaramasastri |
Chanteurs | Shaan, Srinivas, Sagar, Tippu, Gopika Poornima, S. P. Balasubrahmanyam, K. S. Chithra |
Producteur | M. S. Raju |
Durée | 160 mn |
Il y a bien longtemps (450 ans pour être précis), un village frappé par la famine fut sauvé lorsqu’une femme de bonne famille exécuta une danse devant un temple de Shiva pour demander l’arrivée de la pluie. Depuis ce temps-là, la tradition veut qu’une fille de cette famille danse à cet endroit tous les 12 ans. C’est à présent au tour de Pournami (Trisha) de se plier à ce rituel sacré, mais elle disparaît mystérieusement et tout le monde pense qu’elle s’est enfuie avec son amoureux…
Shivkeshav (Prabhas) arrive au village dans le but de lancer une école de danse rock’n’roll, et fait la connaissance de Chandrakala (Charmee), une jeune fille espiègle que sa méchante belle-mère menace de vendre au zamindar local (Rahul Dev). Un jour, il rencontre Pournami, qui se déguise maintenant en bohémienne. Tous deux ne vont pas tarder à tomber amoureux…
Un an après sa première réalisation, Nuvvostanante Nenoddantana, le prolifique Tamoul Prabhu Deva, que l’on connaissait déjà comme chorégraphe, nous propose un autre film de qualité. Dès son superbe prologue près du temple, qui se déroule en 1953 (le reste du film se passe dix ans plus tard), le réalisateur donne le ton : ce film en costumes sera traditionnel, avec des décors et costumes soignés. La première partie est une sorte de chronique paisible qui prend son temps pour présenter les personnages, avec une succession de scènes de comédie étonnamment légères et plaisantes, et se laisse ainsi regarder avec plaisir. Ce n’est qu’à l’issue de ce premier acte que va se mettre en place l’intrigue principale, mâtinée de vengeance ancestrale entre deux clans ennemis.
Le film décolle alors, avec une belle histoire de sacrifice amoureux et plusieurs scènes fortes (par exemple la chemise tachée de sang qui, lorsque ce dernier jaunit, indique que l’heure de la vengeance a sonné) qui mènent à un climax impressionnant : ce passage met en scène l’un des personnages féminins, superbement habillé et maquillé, qui ne peut arrêter sa danse rituelle, pieds nus, alors que les méchants viennent de casser du verre sur le sol. Le début de cette séquence rappelle la cruauté d’une fameuse scène similaire de Sholay, où le personnage de Hema Malini est forcé à danser sur des éclats de verre pour sauver Dharmendra, mais elle est traitée différemment ici : pour épargner ce supplice à la danseuse, notre héros va en effet se jeter sur le sol et, le vêtement clair se couvrant progressivement de sang, va ramper dans le verre, la danseuse poursuivant sa chorégraphie sur le dos même du protagoniste. Cette scène d’une beauté saisissante est l’une des plus puissantes du film.
Côté interprétation, Prabhas, que l’on connaît surtout comme la young rebel star musclée de films d’action telugus comme Yogi et Munna, a nettement plus de classe dans ce film d’époque, avec son rôle de professeur de danse rock’n’roll fan d’Elvis Presley ; il est simplement dommage qu’il reste si froid dans la deuxième partie du film, une moins grande sobriété dans les scènes dramatiques aurait donné plus de puissance émotionnelle au film. Quant aux superbes actrices, Trisha et Charmee, elles sont convaincantes dans des rôles plutôt graves. Il faut aussi mentionner Rahul Dev, excellent second rôle au visage anguleux habitué des rôles de méchants à Bollywood (il a été opposé aux frères Deol dans Champion et Bardaasht) et à Tollywood (un an après Pournami, il se battra à nouveau contre Prabhas dans l’efficace masala d’action Munna), qui est ici très bon dans son rôle de riche notable tyrannique et mélomane.
Son duel avec le héros est d’ailleurs l’une des scènes les plus marquantes du film pour son décor particulièrement raffiné, une grande salle luxueuse avec un bassin qui semble rempli de pétales de roses. Le personnage de Rahul Dev sait du reste exploiter toutes les ressources de ce décor : d’un simple claquement de doigts, il peut par exemple faire s’ouvrir un rideau derrière lequel sont postés des musiciens en costumes fuchsia, qui entament alors une mélodie. L’utilisation du piano est également prétexte à des quasi-pointes poétiques (si l’on excepte bien sûr le cliché facile du héros qui cogne la tête de son adversaire sur les touches, qui sera décliné dans Sivaji avec tout un panel d’instruments) : dans une scène, ce personnage inquiétant, assis au piano, imite en direct les pas de la jeune fille présente, qui essaie de fuir dans une direction, puis dans une autre, mais n’y parvient pas, ce qui donne une harmonie imitative à la mélodie très moderne, saccadée et pleine de ruptures. Dans une autre scène, Rahul Dev, ayant trouvé l’un des grelots des bracelets de cheville de la jeune fille, le pose sur une touche blanche du piano et le fait se déplacer d’une touche à l’autre en jouant indéfiniment ces deux mêmes notes, un petit bruit lancinant qui donne encore une fois de la personnalité au film.
Cependant, ces expérimentations musicales réussies se limitent à quelques scènes, Pournami restant un film de studio traditionnel tout à fait accessible ; il ne renonce pas complètement aux séquences d’action, rares mais bien intégrées à l’intrigue, et aux chorégraphies impeccablement réglées. La sempiternelle structure en deux parties distinctes, comique puis triste, est également contestable, car elle impose des contraintes scénaristiques superflues, voire quelques gags sympa mais inutiles qui ne servent qu’à faire passer agréablement le temps en attendant l’entracte.
Malgré ces quelques impératifs commerciaux bien maîtrisés et un refus du mélodrame, qui entraîne un certain manque d’émotion forte, ce film esthétiquement soigné, à la technique impeccable, reste un très bon masala classique parsemé de plusieurs séquences mémorables, qui nous font sentir que le réalisateur est chorégraphe de formation et que, tout comme sa collègue Farah Khan dans ses réalisations, il sait parfaitement allier la musique au mouvement, et cela même hors du cadre des magnifiques séquences musicales, qui sont justement aussi sophistiquées pour leurs chorégraphies que pour leur musique et leurs décors. Pournami est donc l’une des toutes meilleures productions indiennes de 2006, se situant presque au niveau de films hindis majeurs comme Umrao Jaan et Lage Raho Munnabhai. Quelques mois après seulement, Prabhu Deva signera d’ailleurs un autre solide divertissement, le remake tamoul de Pokiri avec Vijay.