Umrao Jaan (2006)
Langue | Hindi |
Genre | Film historique |
Dir. Photo | Ayananka Bose |
Acteurs | Aishwarya Rai Bachchan, Abhishek Bachchan, Shabana Azmi, Suniel Shetty, Divya Dutta |
Dir. Musical | Anu Malik |
Parolier | Javed Akhtar |
Chanteurs | Alka Yagnik, Sonu Nigam, Richa Sharma, Anmol Malik |
Producteur | J. P. Dutta |
Durée | 187 mn |
19ème siècle, au nord de l’Inde. La jeune Amiran est enlevée, puis vendue dans un bordel de Lucknow tenu par Khanum Jaan (Shabana Azmi), qui lui donne alors le nom d’Umrao et la confie à un couple, Bua Hussaini (Himani Shivpuri) et Maulvi Sahab (Kulbhushan Kharbanda). Elevée par ces parents de substitution, Umrao devient une belle jeune femme (Aishwarya Rai), et cette courtisane a l’occasion d’exécuter une danse traditionnelle devant les notables de la ville. Le jeune Sultan Khan (Abhishek Bachchan) l’apprécie beaucoup, et achète la première nuit d’Umrao. Tous deux vont rapidement tomber amoureux…
Sorti la même année que Don avec Shah Rukh Khan, qui reprenait la trame du film homonyme avec Amitabh Bachchan, Umrao Jaan est également le remake d’une œuvre plus ancienne, tirée du roman de Mirza Haadi Ruswa, qui portait le même titre. Aux commandes de ce film d’époque en urdu, on retrouve le sympathique vétéran J.P. Dutta, auteur à la fin des années 80 de bons westerns-curry (Yateem avec Sunny Deol, Batwara avec Dharmendra et Vinod Khanna), mais aussi plus tard de masala de guerre patriotiques de qualité inégale (L.O.C.-Kargil et ses interminables 4 h 15, bide retentissant et plutôt mérité de 2003). La présence de ce tâcheron has been à la réalisation, peut-être en raison d’une amitié avec Abhishek Bachchan qu’il dirige pour la troisième fois consécutive, ne présageait donc rien de bon pour Umrao Jaan.
Heureuse surprise, la première qualité marquante du film est pourtant la sobriété de sa mise en scène : en comparaison à la surcharge baroque de fresques à la Devdas, œuvre génialement excessive dans laquelle les personnages des domestiques semblaient vivre dans un palais aussi luxueux que celui de leurs maîtres, les superbes costumes et décors sont ici d’une élégante simplicité, et contribuent à l’ambiance feutrée du film. Le jeu légèrement affecté d’Aishwarya Rai convient ainsi très bien à l’héroïne de film d’époque qu’elle interprète, tandis qu’Abhishek joue tout en retenue, et livre une prestation impeccable, bien que moins forte que son interprétation dans le diptyque Sarkar ou, bien sûr, ses rôles de référence chez Mani Ratnam. Un acteur surjouant à l’ancienne comme Shah Rukh Khan, par exemple, aurait tiré Umrao Jaan vers l’emphase théâtrale, alors que c’est tout le contraire ici, les deux protagonistes se montrant d’un calme olympien pendant la majeure partie du film. De plus, l’ennui que l’on pouvait craindre lors du visionnage de ce très long métrage (c’est, avec le moins intéressant Kabhi Alvida Naa Kehna, l’un des deux seuls films bollywoodiens de 2006 à dépasser les 3 heures) ne s’installe heureusement jamais, le rythme lent du film mettant bien en valeur une esthétique extrêmement soignée qui suffit à elle seule à le rendre relativement prenant de bout en bout. De très agréables scènes de danse traditionnelle, qui nous confirment au passage que le prolifique compositeur Anu Malik n’est rarement aussi bon que pour une bande originale de film d’époque (celle d’Asoka était également excellente), complètent ce délicieux spectacle.
Il est vrai que l’ensemble reste plutôt froid et que l’on ne s’identifie pas passionnément aux personnages, sauf lors d’une scène brève mais poignante avec Aishwarya qui couronne le film, mais les comédiens sont assez naturels pour que cette œuvre dépasse nettement l’exercice de style purement technique. Les meilleurs d’entre eux sont d’ailleurs les seconds rôles, moins glamour, et surtout plus expérimentés que les deux acteurs principaux. Le vieillissant Kulbhushan Kharbanda est ainsi très attachant dans un beau rôle, auquel il donne tout simplement vie. Plus surprenant, l’acteur Suneil Shetty, partenaire fréquent de Sanjay Dutt dans des films musclés des années 2000, interprète ici un riche arrogant avec une sensibilité qu’on ne lui connaissait guère et, grâce à son timbre de voix si particulier, apporte progressivement du charme et de la dignité à un personnage plus fin qu’il n’en avait l’air au premier abord. Cependant, la prestation la plus forte du film est certainement celle de Shabana Azmi, magnifique dans le rôle de la tenancière de la maison close : plus belle que jamais, peut-être en partie grâce au maquillage qui fait ressortir ses traits (cela dit, même Aishwarya dans Devdas était encore plus jolie parce qu’elle y était fardée à la perfection), cette actrice sans âge est absolument séduisante, et joue avec sa finesse habituelle.
Echec cuisant et tout à fait injuste au box-office indien, Umrao Jaan est un très beau film en costumes intimiste, qui se concentre sur ses personnages sans jamais succomber à la débauche de moyens. Si l’on pinaille un peu, ce dernier point serait même le seul défaut du film, que l’absence de réelle ambition empêche d’avoir l’ampleur d’un chef-d’œuvre, à l’inverse des projets monumentaux à la Sanjay Leela Bhansali… Mais à part ça, ce film de studio d’une certaine discrétion est à peu près irréprochable, que ce soit pour ses qualités techniques, son casting, ou bien encore son rythme tout à fait maîtrisé. Et, même si l’on se souvient moins des détails précis que de la sérénité sans mélange qui règne dans cette œuvre très classique à l’esthétique parfaite, la beauté hypnotique qui s’en dégage est assez unique. Quant au platonique couple principal, il a certes un peu moins d’épaisseur que les succulents personnages secondaires, mais la qualité générale de ce film en fait tout de même le meilleur du couple Aishwarya-Abhishek, voire de son réalisateur. Umrao Jaan est du reste nettement plus prenant que d’autres froides romances d’époque bollywoodiennes des années 2000 comme Parineeta ou Jodhaa Akbar, ce qui en fait l’une des oeuvres les plus mémorables produites par l’industrie en 2006.