Questions à Anne Bourgeois
Publié vendredi 20 janvier 2017
Dernière modification jeudi 19 janvier 2017
Article lu 440 fois
Par
Partenaire de l’événement Paris Image Cinéma — L’industrie du rêve, Fantastikindia a tenu à poser quelques questions à ses organisateurs qui, cette année, ont invité l’Inde. Voici donc notre échange avec Anne Bourgeois, vice-présidente de Paris Image Cinéma - L’industrie du rêve.
Fantastikindia : Cette année, c’est la 17e édition du Paris Images Cinéma, pourquoi avoir choisi de se focaliser sur l’Inde ?
Anne Bourgeois : Nous avons ouvert en 2016 un nouveau cycle sur la place prépondérante qu’occupe la France en termes de soutien et de promotion des cinématographies étrangères. En 2017, nous continuons à mettre en lumière un pays invité — l’Inde — comme ce fut le cas pour nos trois éditions précédentes à travers des focus consécutifs sur l’Allemagne, la Chine et la Corée du Sud.
Cette formule à succès nous a permis, à travers de nombreux témoignages de techniciens, producteurs, représentants d’institutions, de mettre en valeur et de renforcer nos liens économiques et artistiques avec d’autres pays. Il s’agit d’une approche inédite présentant d’autres modèles d’organisation du travail et de financement, afin de les confronter de façon productive aux modèles français. Nous avons ainsi examiné le savoir-faire allemand, chinois et coréen tout en étudiant les ponts avec notre propre industrie cinématographique.
Hormis l’attrait artistique de ces cinématographies étrangères que nous avions présenté à travers notre programmation de films, chaque année un état des lieux des coproductions avec le pays invité a été établi durant nos « Rencontres Art et Technique ».
Cette année, avec l’Inde, nous continuons d’élargir notre réflexion au rôle qu’occupe la France dans la production, la promotion et la diffusion de cinématographies étrangères à travers le travail des producteurs, distributeurs, vendeurs internationaux, festivals, tout en continuant à valoriser le savoir-faire des techniciens français, aussi bien sur les plateaux de tournage qu’en post-production. Cette excellence artistique reste un atout majeur et permet à notre pays de se positionner comme une terre d’accueil pour de nombreux projets et artistes venus du monde entier.
Fantastikindia : L’organisation de cette édition s’est-elle montrée différente ? Y a-t-il eu des particularités en rapport avec le pays choisi ?
Anne Bourgeois : C’est une édition « heureuse » avec des intervenants Indiens disponibles et passionnés. Nous partageons un amour du cinéma, véritable continent universel qui nous fait partager l’intime. La culture cinématographique des professionnels indiens est impressionnante, c’est maintenant aux Français d’apprendre de leur cinéma si riche et divers.
Fantastikindia : Quel(s) objectif(s) souhaitez-vous atteindre avec cette édition ?
Anne Bourgeois : Valoriser la cinématographie indienne dans sa diversité et favoriser les coproductions entre la France et l’Inde dans le contexte favorable du crédit d’impôt. Il y avait déjà une tradition de tournages à Paris et ce dès les premiers films muets indiens. Raj Kapoor, un très célèbre producteur, réalisateur et acteur indien a tourné notamment à Paris en 1962. Nous allons faire retour sur un des plus importants tournages étrangers accueillis par la France en 2016, en présence de son producteur, Aashish Singh, notre invité d’honneur.
Befikre est le premier film bollywoodien intégralement tourné en France, entre Paris et la Côte d’Azur d’avril à juin 2016. L’attrait artistique des décors français combiné à l’action des pouvoirs publics — crédit d’impôt en faveur des productions étrangères revu à la hausse — auront permis une augmentation de 9% des semaines de tournage de films étrangers sur le territoire national en 2016.
293 techniciens français ont ainsi été embauchés durant ces 55 jours de tournage : des techniciens en majorité, mais aussi des danseurs pour les scènes musicales, des cascadeurs,… L’ensemble des chefs de poste étaient par ailleurs français pour mettre en scène deux grandes stars indiennes, Vaani Kapoor et Ranveer Singh, dans cette production de Yash Raj Films, l’un des plus grands studios de Bollywood.
L’intérêt, selon nous, est que les producteurs français ont très envie de rencontrer des producteurs indiens afin de concrétiser des projets. Il y a eu un engouement pour la Chine il y a deux ans et à présent c’est l’Inde. Je pense que c’est un marché potentiel qui peut être plus ouvert que la Chine. Il faut bien sûr prendre en compte les différences culturelles.
Fantastikindia : Il existe de nombreux festivals autour du cinéma, mais le vôtre est assez unique puisqu’il se focalise sur les métiers de l’« ombre ». Est-ce que l’industrie cinématographique indienne présente des particularités à ce niveau ?
Anne Bourgeois : Il faut bien sûr prendre en compte les différences culturelles, notamment avec des équipes de tournage souvent pléthoriques et des syndicats très présents… sans oublier le système des castes qui peut déteindre sur un plateau. Sur le tournage du film de Michel Spinosa, Son Épouse, le chef coiffeur a refusé de couper les cheveux d’Yvan Attal car c’est considéré comme un acte impur. Il a fallu trouver un coiffeur local qui l’a fait sous la supervision du chef coiffeur. En même temps, l’ensemble des techniciens français qui ont tourné avec les techniciens indiens révèle son grand professionnalisme avec un langage commun qui est celui de l’universalité du cinéma.
Fantastikindia : Qu’est ce qui a motivé vos choix pour la programmation riche et éclectique que l’événement propose ? Pourquoi ces films ?
Anne Bourgeois : Nous avons programmé pour notre Indian Night — aidé par Contre-courants, plateforme dédiée à la diffusion et à la connaissance des cinémas de l’Inde en France, fondée par Hélène Kessous et Némésis Srour — un mix entre films Bollywood/tamoul et films d’auteurs bengali. De plus en plus, les films à gros budget abordent de vrais problèmes de société avec des sujets très contemporains et des acteurs incarnant des personnages confrontés aux évolutions de la société indienne. Les professionnels indiens sont au début d’une réflexion sur le changement dans la manière de faire des films. Une tendance qui découle du fait que la société indienne bouge. On le voit très bien avec un comédien comme Amitabh Bachchan, qui vient de faire un film comme Pink, un drame judiciaire dans lequel il joue un psychiatre. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à chanter et danser dans d’autres films.
Les films que nous avons choisis sont des films d’auteurs qui se rapprochent davantage de notre manière de faire du cinéma, tout en conservant les particularités de la culture indienne. Il y a des bijoux comme The Violin Player que nous souhaitons montrer à notre public et faire découvrir ce très grand réalisateur Bauddhayan Mukherji aux producteurs français qui seront présents. Et aussi, des classiques de Bollywood comme Jusqu’à mon dernier souffle, le dernier film de Yash Chopra, produit par Aashish Singh, une histoire d’amour magique ; enfin lors de notre Indian Night, nous projetons Enthiran, film tamoul culte aux effets spéciaux spectaculaires.