Risk
Langue | Hindi |
Genre | Polar |
Dir. Photo | Mahesh Muthuswami |
Acteurs | Vinod Khanna, Seema Biswas, Randeep Hooda, Zakir Hussain, Makrand Deshpande, Tanushree Dutta, Madhuri Bhagwat |
Dir. Musical | Bapi-Tulul, Akbar Sami |
Paroliers | Amitabh Varma, Sandeep Nath, Sudhir |
Chanteurs | Sonu Kakkar, Kunal Ganjawala, Krishna |
Producteur | Parag Sanghvi |
Durée | 132 mn |
Il pleut des balles sur Mumbai comme il pleut des mafieux et des flics ripoux. Mais l’homme intègre est sans doute le plus dangereux de tous.
Le cinéma indien raffole de ces personnages de policiers dévoués à l’extrême dont la logique guerrière (un bon voyou est un voyou mort) ferait pâlir Dirty Harry (voir Pokkiri, l’un des plus gros succès de l’industrie telugu en 2006, Kaaka Kaaka dans le cinéma tamoul, Ab Tak Chhappan à Bollywood, pour ne citer qu’eux). Pas d’état d’âme dans cette société où, comme le décrit si bien Vikram Chandra dans son livre « Le Seigneur de Bombay », le policier le moins sale pique dans la caisse pour survivre pendant que le pire ripou construit une glorieuse carrière grâce à ses relations avec la mafia.
Dans Risk, c’est la rencontre du troisième type : le justicier. L’inspecteur Suryakanth « Surya » Samtham (Randeep Hooda) est un tueur spécialisé dans la racaille mais toléré par la société parce qu’il porte l’uniforme. Rien ou presque ne le fait se remettre en question. Un jour pourtant, il est mis à pied pour faute professionnelle et se voit contraint de travailler pour un parrain, Khalid Bin Jamal (Vinod Khanna), afin de retrouver son poste. S’abat alors sur la ville une vague de meurtres démentielle perpétrée par l’inspecteur et son équipe, qu’ils réalisent sans sourciller parce que ceux qu’ils tuent sont toujours des criminels. Surya ne tarde cependant pas à comprendre qu’il peut faire tomber les deux gangs les plus importants de Mumbai (celui de Bin Jamal et celui de son rival Naidu) s’il parvient à tirer son épingle du jeu…
Vishram Sawant réalise un film-hommage au cinéma de Ram Gopal Varma, le maître du polar indien : sombre, sale, parfois outrancier dans sa représentation de la violence. On retrouve d’ailleurs certains tics propres au réalisateur : une présentation de la ville de Mumbai et de ses dangers en voix off, un seul clip, une musique de fond entêtante pour faire monter la tension, et une caméra aérienne (mais moins étudiée) pour filmer les poursuites. Les seconds rôles de Risk sont d’ailleurs des visages récurrents dans les productions Varma : de Seema Biswas, qui interprète le rôle d’une politicienne corrompue sœur de Khalid Bin Jamal (vue dans Company et Ek Hasina Thi), à Yashpal Sharma, son frère dans le film (vu dans Ab Tak Chhappan, qu’il co-produit), en passant par son bras droit Hari (Makrand Deshpande, déjà présent dans Satya et Company) et Naidu (Zakir Hussain, vu dans Sarkar). Leur point commun : un délit de sale gueule indispensable pour interpréter des méchants parfois caricaturaux.
Pourtant le rôle principal revient à Randeep Hooda, une belle gueule qui se fait plutôt rare sur les plateaux. On se souvient encore de son personnage de cousin N.R.I. un peu gauche dans Le Mariage des Moussons. Il nous revient ici dans un contre-emploi total, déjà expérimenté dans D en 2005 (production Varma réalisée aussi par Sawant). Pour incarner l’inspecteur Surya, Hooda arbore la moustache façon héros tamoul (son nom indique d’ailleurs qu’il est originaire du sud de l’Inde) et une froideur de dur à cuire. Mais son jeu se limite parfois à bouder face caméra, ce qui est sans doute dû aux recommandations du réalisateur qui ne lui autorise aucun sourire, même avec sa fiancée ou sa mère. Nous espérons pourtant revoir cet acteur vieux de seulement 5 films, car il tient la dragée haute au grand Vinod Khanna dans plusieurs scènes tendues.
Vinod Khanna, c’est 40 ans de carrière, une popularité sans faille dans les années 70 (période durant laquelle on estime qu’il est l’égal d’Amitabh Bachchan), plusieurs rôles d’anthologie dans des films-phares de la décennie comme Parvarish (77), Amar Akbar Anthony (77), Muqqadar Ka Sikander (78) ou encore Qurbani (80). Le vétéran délivre ici une prestation de qualité. Il faut en effet un acteur qui a de la bouteille pour essayer d’intimider un personnage comme l’inspecteur Surya, et ce toujours par téléphone, Khalid Bin Jamal dirigeant son business depuis Bangkok.
Risk est donc pourvu d’un casting prestigieux, d’assez bons seconds rôles et de références de choix. Mais n’est pas RGV qui veut ! Ce qui nuit le plus au film, c’est le cruel manque d’émotion et l’absence de scènes mémorables. En effet, après la présentation de l’intrigue, le film perd un peu de rythme et le réalisateur essaie de compenser cela par des scènes d’action répétitives, ce qui laisse moins le loisir de développer la psychologie des personnages comme le fait Varma dans ses réalisations. Même le fait que Surya perde sa mère alors qu’il est en mission nous laisse de glace. Sa romance avec une jeune actrice appelée Shrada (Tanushree Datta), n’apporte rien d’autre que le quota de présence féminine obligatoire. Ses échanges avec Jamal restent strictement professionnels, sans cette relation ambiguë teintée de crainte et de respect que l’on aimerait ressentir entre un homme et son adversaire. Nous reviennent alors en mémoire Satya, Company , Ek Hasina Thi, Sarkar aussi. On retrouve dans chacun de ces films une relation complexe d’amour-haine entre les protagonistes qui n’en rend que plus violente la vengeance face à la trahison.
Il faut enfin regretter que le polar ait du mal à trouver un nouveau souffle à Bollywood. Car depuis que le style de Varma s’est imposé comme la référence, peu de polars made in Bombay ont réellement transcendé le genre en réinventant histoire et narration. Les qualités citées plus haut deviennent ainsi les défauts de Risk. Ils sont symptomatiques du savoir-faire limité des réalisateurs pour le genre. La preuve en est que les mêmes caractéristiques reviennent de film en film, soit parce qu’ils sont réalisés par Varma lui-même, soit parce que la majorité des réalisateurs qui tentent le polar travaillent ou ont travaillé avec lui au sein de sa maison de production The Factory. Ce qui est le cas de Vishram Sawant.
Risk est donc un film moyen mais correct, à conseiller à ceux qui veulent connaître les différents courants qui marquent le cinéma indien d’aujourd’hui.