Sanam Teri Kasam
Traduction : Je jure sur toi
Langue | Hindi |
Genre | Mélodrame / Romance |
Dir. Photo | Chirantan Das |
Acteurs | Vijay Raaz, Sudesh Berry, Manish Chaudhary, Shraddha Das, Murali Sharma, Anurag Sinha, Mawra Hocane, Harshvardhan Rane, Pyumori Mehta |
Dir. Musical | Himesh Reshammiya |
Paroliers | Shabbir Ahmed, Sameer, Subrat Sinha, Himesh Reshammiya |
Chanteurs | Arijit Singh, Neeti Mohan, Sreeram Chandra, Himesh Reshammiya, Palak Muchhal, Ankit Tiwari, Mohammed Irfan, Akasa Singh, Darshan Raval |
Producteur | Deepak Mukut |
Durée | 154 mn |
Ces premières accroches du film Sanam Teri Kasam donnent une idée du drame qui va se nouer, accompagné de très belles chanson interprétées par les merveilleux Ankit Tiwari et Arijit Singh. Cela faisait très longtemps qu’un couple ne m’avait pas autant bouleversée. Sanam Teri Kasam porte une intensité émotionnelle qui crève l’écran et donne envie de plonger dans l’univers romantique de Radhika Rao et Vinay Sapru.
Les deux héros, Saru et Inder, sont touchants par leur naturel et leur authenticité. Admirablement mis en scène et filmés, ils sont la quintessence des jeunes gens que tout sépare : leurs origines, leur éducation et leur expérience. Face à l’anathème paternel lancé contre Saraswati, quels secours pourra-t-elle trouver ?
Dans une famille traditionnelle brahmane Saraswati se prépare à recevoir un prétendant. Saraswati Saru Parthsarthy est issue d’une famille d’origine tamoule très à cheval sur les traditions, elle est éduquée pour être effacée et soumise à son père. Elle voudrait donner satisfaction à sa famille en se mariant avec un brahmane à la hauteur de leurs exigences.
Déception ! La famille du jeune homme prévient qu’il a déjà fait son choix et ne rencontrera pas la jeune fille. Nouvelle déception de sa sœur cadette car elle se languit de se marier avec son promis. Or, leur père a décidé de marier d’abord sa fille aînée avant la plus jeune comme il est de tradition. Saraswati tente de calmer sa sœur en lui promettant de tout faire pour trouver le fiancé que leurs parents accepteront.
La communauté de l’immeuble, où vit Saraswati, est choquée par l’attitude d’un voisin, repris de justice notoire, qui reçoit des belles à des heures indues. Inder Parihaar a fait huit ans de prison, il est avare de paroles, reçoit de jolies filles chez lui, nourrit les chats avec du lait et fait sa musculation torse nu, couvert de tatouages.
Désespérée par ses échecs à trouver un fiancé, Saru est convaincue que son aspect physique est un obstacle. Surmontant sa timidité, elle va demander à son voisin Inder de l’aider à prendre un rendez-vous avec son ex-petite amie, spécialiste du relooking. C’est alors que les situations compromettantes et les malentendus s’enchaînent. La pauvre Saraswati est soupçonnée d’avoir une relation avec Inder ! Incapable de se faire entendre de son père, elle est violemment bannie car il pense qu’elle l’a déshonoré. Il invoque la fameuse malédiction en demandant à sa femme d’organiser les rites funéraires de sa fille ! Exclue de la famille, sa seule planche de salut vient justement du repris de justice, à qui elle se confie. Pour adoucir la sentence paternelle, Saru considère qu’elle doit trouver le mari idéal et tenter de reconquérir l’estime de son père. Inder, lui aussi rejeté par sa famille, sera l’artisan de cette conquête, le fameux mari brahmane.
L’univers des réalisateurs Radhika Rao et Vinay Sapru est fortement imprégné des contes de fées. Ils ponctuent certaines références dans ce scénario et voici celles que j’ai repérées.
Qui est la Belle et qui est la Bête ? La rencontre dans l’ascenseur est un moment d’anthologie, inattendu dans le cinéma indien, que je vous laisserai découvrir et savourer ! La dévouée Saru en costume d’ours se retrouve coincée dans un ascenseur en panne : moment cocasse. Plus tard, après un moment d’angoisse de la perdre, Inder lui dira : « I’m a beast, Saru » (« Je suis une bête, Saru » !) pendant une magnifique première scène de dispute et de réconciliation.
Représentation inversée de la fée dont la baguette magique habille Cendrillon de sa robe de bal, c’est un designer mafieux, vivant dans les bas-fonds de Bombay, qui est chargé par Inder de transformer la « vieille fille mal fagotée » en une élégante jeune femme. L’acteur bien connu de Moonsoon wedding,Vijay Raaz, tient ce rôle fantaisiste dans une scène chantée et dansée. La fée est transposée ici par un magicien issu de Dharavi, bidonville de Bombay.
Le prince charmant est le bel Abhimanyu, élégant, charmeur, parfois léger mais qui fait rêver la belle. Quand ce dernier lui propose le mariage, Saru pense enfin atteindre son but. Mais soumis au diktat paternel aussi, ce prince charmant sera obligé de rompre la promesse de mariage en toute lâcheté.
La princesse Saru, soumise devant le rejet de son père, dévouée à sa soeur et à Abhimanyu, est d’abord une jeune fille naïve et sensible. Elle en passera par maintes humiliations avant de tenter de s’affirmer. Et justement, elle s’affirmera devant le seul chevalier servant capable de tout accepter. Meurtrie par un énième rejet, Saru supplie Inder de la consoler, mais n’en assumera pas les conséquences. Elle se drapera dans sa fierté de femme blessée et atteinte d’une tumeur incurable pour lui cacher ses sentiments.
Le personnage d’Inder incarne le dévouement d’un homme taciturne, sentimental, mais bloqué dans son expression. Ce mystérieux Inder encouragera même la belle à consentir au mariage avec le fameux brahmane bardé de diplômes. Avec son air ténébreux et son regard indirect, on saisit la détresse d’Inder devant l’entêtement de Saru. De ruptures en fuites, Inder sera le chevalier dévoué et infaillible. Même si elle l’utilise pour se consoler, test ultime qu’il annonce comme point de rupture, il n’aura de cesse de la soutenir et de franchir les barrières qu’elle dressera entre eux. Il sera le seul à s’opposer à la tyrannie paternelle.
La diaphane Saru est jouée par Mawra Hocane, actrice et animatrice pakistanaise, connue dans des séries télévisées très populaires. Peu entraînée à danser dans un film, elle incarne magistralement une jeune fille timide qui prend une boisson au cannabis et libère sa gaieté. Ses immenses yeux bruns, sa voix étouffée et parfois rauque transmettent toute sa tristesse de princesse abandonnée. Dans la scène de la salle de bain, tourné dans un hôtel en Afrique du Sud, elle est restée plus de 20 heures dans l’eau — en grande professionnelle — pour mener à bien un des moments les plus émouvants de l’histoire.
Le sombre Inder interprété par Harshvardan Rane (son interview à lire sur Fantastikindia) a acquis une musculature impeccable et son maquilleur lui a préparé des tatouages superbes. De même, son timbre de voix très grave souligne le sérieux et les tourments intérieurs de son personnage. Si Mawra nous attire par sa beauté virginale et extériorise sa douleur, Harshvardhan la valorise par sa sobriété et sa violence retenue.
La figure paternelle hiératique, qui nous fait le détester, est interprétée par Manish Choudhary.
Les réalisateurs ont admirablement allié l’ambiance musicale et le jeu de leurs acteurs. La musique prolonge les scènes constituées parfois d’un simple échange de regards. La direction d’acteurs est magistrale pour rendre l’intensité amoureuse entre Saru et Inder. Ces réalisateurs spécialistes des scènes dansées et chantées de quelques très gros succès de Salman Khan ont mis toute leur expérience au service de l’éloquence des sentiments (lire leur interview).
Les thèmes musicaux sont des hymnes romantiques, intégrant les effleurements subtils. De nombreuses scènes ont une telle charge émotionnelle que vous resterez suspendus à chacun de leurs regards pour détecter le moment où l’un d’eux se dévoilera.
Sanam Teri Kasam n’est pas un pamphlet social qui critique la famille ou les traditions ancestrales. Il se focalise surtout sur ces personnages, emplis du désir de donner satisfaction aux aînés en s’oubliant à tel point que le monde doit bien les ramener à des relations réelles et non à celles désirées par les parents. Si la fin tire en longueur, elle nous permet d’apprendre pourquoi Inder a été condamné. Le père repentant sera bien évidemment pardonné par sa fille, mais sa confession n’appelle pas à la compassion. Il faut le dire ! Au seuil de la mort, Saru sera magnanime et encouragera son bien-aimé à se réconcilier avec son propre père. La fin est très mélodramatique et perd la fluidité et les bons enchaînements de la plus grande partie du film. Aucun des deux héros ne peut prendre réellement son destin en main dans l’étroitesse de leurs familles, mais l’amour intemporel sera leur victoire sur les terribles vicissitudes qu’ils doivent respectivement traverser.
Sanam Teri Kasam fait partie, à mon avis, des grands classiques romantiques du cinéma indien, une vraie petite pépite d’or dans le foule de films convenus. Ce genre cinématographique surexploité est encore capable de nous surprendre grâce à des réalisateurs talentueux comme Radhika Rao et Vinay Sapru.
Toutes les chansons et musiques sont réussies, donc j’encourage chacun à les écouter sur le net. Rien que la chanson-titre Sanam Teri Kasam, sans traduction des paroles, est une ode à l’amour inconditionnel. Dans cet extrait, Inder emmène Saru dans un ancien théâtre désaffecté pour lui montrer le mariage de sa sœur sur des écrans : superbe cadrage en lumière tamisée et capharnaüm féerique. C’est l’écrin parfait pour une chanson—déclaration d’amour, qui magnifie l’intimité de ces deux acteurs très prometteurs.