Radikha Rao et Vinay Sapru, réalisateurs de Sanam Teri Kasam
Publié vendredi 4 mars 2016
Dernière modification samedi 5 mars 2016
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Les réalisateurs Radhika Rao et Vinay Sapru sont considérés à Bollywood comme des spécialistes des mises en scènes de chorégraphies. Leurs créations sont toujours extrêmement esthétiques, et l’harmonie entre la musique, la danse et l’image sont leurs "marque de fabrique". Ils ont tourné des spots publicitaires mais aussi pour plusieurs films de Salman Khan dont le récent Prem Ratan Dhan Payo, et aussi Jai Ho, Dabangg 2 (les chansons Dagabaz Re et Sanson Ne), Dabangg (Tere Mast Mast Do Nein et Chori Kiya Re Jiya). Salman les apprécie énormément et a joué dans leur film Lucky - No time for love. Pour Feroz Nadiadwala, ils ont travaillé sur le film Welcome back.
Quand vous découvrez la bande annonce du film Sanam Teri Kasam, hors des circuits des grands studios, et que la beauté de la musique, de l’enchaînement des images et le jeu des acteurs vous interpellent, que faites-vous ?
Vous allez immédiatement chercher des vidéos disponibles pour mieux comprendre l’intrigue produite par le duo Radhika Rao et Vinay Sapru. La première impression est bien confirmée : c’est un drame romanesque entre une jeune brahmane de la communauté tamoule désespérément en quête d’un mari pour que sa jeune sœur puisse se marier. Conformément au diktat paternel, son choix doit porter sur un prétendant bardé de diplômes et brahmane comme elle. Pauvre Saru-Cendrillon repoussée par au moins 10 prétendants ! Sauf que le voisin du dessous, censé l’aider, la met dans une situation compromettante, elle est alors reniée par son père. Ce voisin méga-tatoué et porté sur l’alcool, Inder, (aux airs torturés troublants) la prend en pitié pour qu’elle fasse un relooking la transformant en ravissant cygne .
Quelle est la surprise de ce mélo ? L’authenticité et la simplicité des acteurs Mawra Hocane, Pakistanaise, et Harshvardhan Rane, connu dans le cinéma telugu du sud d’lnde. Tous deux remplissent toutes les promesses : Mawra Hocane incarne la jeune libraire rêveuse confrontée à la dureté de son père et à l’abandon de son fiancé. La lumière sur son visage restitue sa pureté et son innocence d’un bout à l’autre du film. Le jeu très émotionnel et intériorisé d’Harshvardhan Rane rend très attachant ce loubard peu recommandable du début de l’histoire. La beauté de la photo, de la musique et l’esthétique des scènes sont au service de cette réalisation fidèle aux grands mélodrames des années 1990.
La musique dirigée par le célèbre compositeur, chanteur et producteur Himesh Reshammiya conduit le spectateur dans un monde enchanté. Himesh Reshammiya est aussi juge dans une compétition de chants produite par Zee TV, Sa Re Ga Ma Pa Challenge. Les interprètes des chansons, triés sur le volet, sont Ankit Tiwari et Arijit Singh, ainsi que Himesh Reshammiya lui-même. L’album fait partie des hit de l’année 2016. Sorti le 5 février 2016 dans les salles indiennes, Sanam Teri Kasam a reçu des critiques mitigées sur la longueur de l’histoire mais a été unanimement salué pour sa photographie, le jeu exceptionnel des acteurs, et l’épaisseur des personnages. Le DVD devrait être édité en avril ou mai 2016.
Brigitte Leloire Kérackian : Comment a débuté votre carrière dans le cinéma indien et quel est votre parcours ?
Vinay Sapru : Avec Radhika, nous avons démarré par des mises en scène de danses et de passages musicaux, en particulier pour des chansons interprétées, par exemple, par Asha Bosle, Lata Mangeshkar, Jagjit Singh, Nusrat Fateh Ali Khan. De grands noms nous ont fait confiance dès le début.
Salman Khan, super star du cinéma, avait beaucoup apprécié nos créations. Son frère, Arbaaz Khan, nous a donc proposé de collaborer pour son film. Ces rencontres ont été une chance formidable pour la suite. Ainsi nous avons pu proposer à Salman de tourner dans notre premier long métrage Lucky, No time for love. Le tournage en Russie était un cadre totalement nouveau. Les chants et danses rompaient avec les situations habituelles. Il l’a choisi comme un renouveau de sa carrière. Avec Radhika, nous voulions faire référence à l’ambiance des contes de fées.
BLK : En quoi votre collaboration avec Radhika Rao est si complémentaire ?
VS : La plupart des grands noms du cinéma ont des relations familiales impliquées fortement dans l’industrie cinématographique de Bombay, ce qui crée de nombreuses opportunités. Radhika et moi sommes des outsiders, comme on dit. Nous venons de petites villes provinciales dont les familles qui n’ont aucun lien avec ce milieu. Chacun de notre côté, nous sommes arrivés à Bombay.
Notre rencontre a généré dès le départ notre collaboration. Elle aime l’écriture et c’est elle qui finalise l’histoire. Alors que j’aime préparer le scénario dans ses détails. Nous travaillons en complément l’un de l’autre.
BLK : En quoi l’histoire d’amour de Sanam Teri Kasam est-elle innovante ?
VS : Notre inspiration est fortement reliée aux contes de fées et aux légendes. Sanam Teri Kasam est inspiré d’une légende du Dieu Shiva.
La relation très forte établie entre le père et sa fille est très présente dans la culture indienne et c’est l’enjeu central de cette histoire. La malédiction est lancée par le père et elle génère le conflit.
Toute jeune fille attend la bénédiction de ses parents au moment de son union. Donc si ses parents brisent leur relation avec elle et la condamnent, c’est un drame. Le climat négatif induit par ses aînés ou ses parents influe sur l’avenir de ses relations.
Ce n’est pas une mentalité vieux-jeu car le sérieux de la relation s’enracine dans cette tradition et donne toute sa valeur à cette union. Donc, si vous souhaitez quelque chose du plus profond de votre cœur, toutes les forces positives vont s’allier pour que ce vœu se réalise.
BLK : Pourquoi le personnage du jeune Inder est-il dans l’incapacité de montrer ses sentiments pour Saru ?
VS : C’est un personnage qui a lui aussi un conflit avec son père. Il a quitté la maison familiale refusant d’être une copie de l’image paternelle. Il préfère rester à l’écart de la société en raison de son passé. En vivant loin de ses parents, il devient cet homme introverti, incapable d’exprimer ses émotions.
BLK : Lors du processus de création du film, avez-vous d’abord sélectionné les chansons puis avez-vous finalisé le casting ?
Radhika Rao : Nous étions en train de finaliser toutes les chansons et en même temps, nous avions démarré notre recrutement. Les paroles ont été écrites par les auteurs car nous leur avions donné tous les détails sur les circonstances qui amenaient les chansons.
Bewajah est une des chansons où le personnage masculin exprime ses pensées, ses inquiétudes et son ressenti.
BLK : Dès l’écriture, est-ce que les chansons font partie intégrante de l’évolution de l’intrigue ?
RR : Nous voulions que telle émotion spécifique soit mise en valeur en chanson. Sans le secours de dialogues, il est important de capturer de manière adéquate pour le ou les personnages, les émotions qu’ils doivent montrer à ce moment précis du récit. La chanson et l’ambiance musicale enrichissent l’histoire.
BLK : Pour votre première réalisation avec les acteurs Mawra et Harshvardhan, avez-vous préparé longtemps à l’avance les répétitions ?
RR : Nous avions fait les auditions longtemps à l’avance avant le casting. Nous n’avons pas eu de séances de travail très formelles. Nos discussions informelles sur les scènes permettaient aux acteurs de partager leurs opinions et leurs sentiments. L’important était que leur énergie soit en adéquation avec la scène en train d’être tournée. Il était essentiel que leur ressenti soit en phase avec ce que nous voulions exprimer.
BLK : Quels sont vos projets et qu’est ce qui vous inspire ?
RR : Actuellement, nous mettons en scène un spectacle, un opéra pour le public malais, pour le roi et la reine de Malaisie, au mois de mars.
Nous travaillons sur l’adaptation indienne de Blanche Neige et les sept nains. Nous sommes de grands admirateurs des frères Grimm. Ce projet nous tient à cœur depuis très longtemps. Le scénario est quasiment terminé, il y aura une partie musicale importante. L’adaptation est totalement d’inspiration indienne et moderne.
Le casting est en cours et nous espérons que l’annonce sera prête dans un mois. Même si l’histoire des frères Grimm est née en Europe, elle est capable d’inspirer des auteurs indiens. Ce sera intéressant pour le public européen de voir les similitudes de l’histoire dans le récit indien. Le film devrait sortir en 2017.
Propos recueillis et traduits de l’anglais par Brigitte Leloire Kérackian
Février 2016