Entretien exclusif avec Nagarjuna
Publié vendredi 11 mars 2016
Dernière modification vendredi 11 mars 2016
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Début août 2015, nous avons eu l’immense privilège d’assister au tournage du remake tamoul/telugu du succès français Intouchables, grâce à la gentillesse de Barbara Breheret. Ce film, titré Thozha en tamoul et Oopiri en telugu, réunit un casting bilingue de prestige… et le rôle tenu par François Cluzet revient à la légende telugue Nagarjuna. Issu de l’une des plus importantes dynasties du cinéma du sud, l’acteur, producteur, businessman en activité depuis le milieu des années 80 nous a fait l’honneur et la joie de nous accorder quelques minutes de son temps, entre deux prises dans l’une des superbes salles de l’Hôtel de Ville de Lyon.
Afin de vous remettre dans le contexte exact, nous savions simplement qu’un tournage avait lieu, nous n’avions pas pu savoir à l’avance les acteurs présents. Imaginez le choc de se retrouver face à Nagarjuna garu*…
Je ne savais pas que vous étiez présent sur le tournage, c’était une énorme surprise. Oh mon dieu Naga garu, incroyable !
Nagarjuna : (il rit)
C’est un véritable honneur de vous rencontrer, une telle surprise…
Nagarjuna : C’est un plaisir pour moi de me retrouver ici, parmi vous. J’ai tourné une première fois en France il y a dix ans pour le film Manmadhudu sur la Tour Eiffel, c’est un excellent souvenir.
Vous avez travaillé dans les industries les plus importantes, en hindi, en tamoul en telugu. Quelle est la plus intéressante en ce moment selon vous ?
Nagarjuna : Maintenant, avec l’immense succès de Baahubali, c’est évidemment l’industrie telugue. Cela a permis de mettre ce cinéma en avant internationalement. Je ne dis pas que le cinéma indien en général n’est pas capable de ça, mais ça a montré qu’on a une culture particulière et unique. À mon sens, c’est la réponse indienne au Seigneur des Anneaux. (il rit).
Vous avez tourné avec Rajamouli (réalisateur de Baahubali) me semble-t-il…
Nagarjuna : Oui dans Rajanna, qui se passe pendant la présence anglaise en Inde. En fait c’est son père, V. Vijayendra Prasad qui a réalisé le film, mais c’est bien Rajamouli qui s’est occupé des séquences d’action. On peut dire qu’il était co-réalisateur sur ce joli projet.
Vous êtes en train de tourner un film adapté d’un grand succès français, Intouchables. Avez-vous vu le film original ?
Nagarjuna : Oui tout à fait. Je l’ai adoré. C’est en fait une histoire assez incroyable, trois ou quatre ans auparavant j’ai vu ce film et je me suis dit que ce serait vraiment intéressant que quelqu’un le tourne en telugu, ou en tout cas qu’il fasse l’objet d’une lecture indienne.
Vous pensiez que le film pouvait plaire au public indien ?
Nagarjuna : Oui tout à fait, ce film a du cœur, il parle avant tout d’émotions, d’amour et du fait que la vie est une chose précieuse et miraculeuse. C’est un langage universel ça, j’en étais bien certain, et mon rêve d’il y a quatre ans est devenu réalité. Je n’aurais jamais pensé il y a quelques années quand je me suis fait cette réflexion que c’est à moi que l’on proposerait le rôle !
Vamsi est venu vous voir directement ?
Nagarjuna : Oui, accompagné du producteur ils sont venus me parler. Ils étaient un peu soucieux parce que généralement, dans le cinéma indien, une star n’envisagerait absolument pas de jouer un rôle pareil (le personnage est tétraplégique). Ils avaient peur que je refuse.
Quel est votre ressenti face à ce challenge justement ?
Nagarjuna : Et bien je pense que cela fait passer un message très positif, j’aime beaucoup ce rôle. Je suis certain que le film tout comme mon personnage vont être appréciés par le public et que celui ci acceptera sans problèmes que je sois sur un fauteuil roulant. Vous savez, ils n’ont pas l’habitude de ça en Inde, mais je suis sûr que tout se passera bien.
Vous êtes également producteur.
Nagarjuna : Oui je fais plein de choses en fait, mais je ne participe pas à la production d’Oopiri.
Vous êtes aussi un des rares acteurs à accepter les « multi starrers » …
Nagarjuna : J’aime vraiment ça, il y a beaucoup plus de profondeurs dans ces histoires là, ce ne sont pas des films plats, cela apporte plus de dimensions, plus de lectures possibles. Puis je n’ai jamais eu de problèmes d’ego pour partager l’écran avec d’autres acteurs, chacun a sa place.
Vous avez travaillé avec votre famille également, dans Manam.
Nagarjuna : Tout à fait, c’était en plus le dernier projet de mon père, Nageswara Rao Akkineni, décédé peu de temps après. C’est un film très touchant, qui parle directement aux gens, les touche au coeur. Nous avions toujours voulu faire ça, mes fils sont acteurs, mon père était acteur, c’était pour nous un projet intéressant d’être réunis dans un même film, de travailler enfin ensemble, trois générations sur un même plateau. Nous savions que le public telugu adorerait voir ça, que nous adorerions voir ça, donc on s’est mis à chercher un scénario et notre choix s’est arrêté sur celui là, c’était assez drôle de renverser les rôles, ça apportait un peu plus de piment à cette expérience familiale. L’Inde croit en la réincarnation donc il n’y a eu aucun soucis pour convaincre le public sur cet aspect là.
Vos fils sont acteurs, que pensez-vous de leur choix ?
Nagarjuna : J’ai toujours encouragé mes fils à faire ce qu’ils voulaient, à devenir qui ils voulaient, mais je les ai prévenus que c’était beaucoup plus de travail qu’il n’y paraissait. Je les ai mis en garde également sur le fait d’être "fils de" et "petit fils de"… cela n’allait pas forcément vouloir dire qu’ils allaient réussir, que les portes seraient grandes ouvertes et que le public serait là.
Vous devez recevoir beaucoup de propositions, comment faites-vous votre choix ?
Nagarjuna : Avant tout je m’intéresse à la sensibilité du film, est-ce un sujet intéressant et surtout qui va plaire au public ? Voyez-vous, le public populaire n’a pas forcément les mêmes préoccupations que vous et moi et je ne veux pas d’un film qui pourrait les choquer.
Je dois trouver un sujet qui leur parle, qui leur fait plaisir parce que c’est 90% du public en Inde. Je cherche aussi des films qui me permettent d’enseigner quelque chose aux gens, qui leur donnent l’occasion d’améliorer leur vie. Quelqu’un doit leur montrer les autres facettes de la vie aussi, quelqu’un doit leur apprendre ce qu’ils n’ont pas forcément les moyens de savoir autrement. On tente de faire ça assez subtilement tout de même, et c’est ce que je recherche dans les scénarios, quels qu’ils soient, comédies, drames peu importe, je veux de bons dialogues qui les accrochent, qui entrent en eux.
C’est la beauté du cinéma indien, de toucher les esprits et les cœurs, quel que soit le genre.
Vous avez travaillé avec Mani Ratnam, Ram Gopal Varma, tellement de grands réalisateurs. Lequel manque à votre palmarès ?
Nagarjuna : Je le recherche encore, c’est ça qui me fait encore avancer. Je suis acteur, je peux tout jouer, et les réalisateurs peuvent tout filmer. J’adore avoir l’opportunité de changer de registre.
Mais j’ai un faible certain pour les films divertissants dans lesquels il y a un peu de romance et d’humour, comme Manam en fait. J’aime jouer dans des films qui respirent la joie de vivre, encore plus ces derniers temps où on en a besoin, vous ne pensez pas ?
Ceci étant dit, personne ne m’offre de rôles de méchant pourtant j’aimerais vraiment ça. J’ai demandé plusieurs fois, mais on me refuse ce plaisir. Un jour sûrement je m’y essaierai, tout le monde a deux facettes, ce serait très intéressant pour moi d’explorer mon coté sombre.
Merci beaucoup.
Nagarjuna : C’était un grand plaisir. Désolé je dois me changer pour tourner ma prochaine scène !
Merci à Brigitte et Gandhi Tata pour leur aide précieuse !
*garu : marque de respect en telugu.