Shool
Traduction : Épine
Langue | Hindi |
Genre | Polar |
Dir. Photo | Hari Nair |
Acteurs | Manoj Bajpai, Raveena Tandon, Sayaji Shinde, Rajpal Yadav, Veerendra Saxena |
Dir. Musical | Shankar-Ehsaan-Loy |
Parolier | Sameer |
Chanteurs | Sukhwinder Singh, Shankar Mahadevan, Chetan Shashital, Kavita Krishnamurthy, Sapna Awasthi, K. S. Chithra, Baby Anagha |
Producteurs | Ram Gopal Varma, A.V.S. Raju, Kona Venkat |
Durée | 135 mn |
L’inspecteur Samar Pratap Singh (Manoj Bajpai) est un policier intègre qui se fait naturellement un devoir de ne jamais déroger à la loi. Muté dans une petite ville de l’état du Bihar, il s’y installe avec sa femme (Raveena Tandon) et sa fille. Il ne tarde pas toutefois à être au courant des agissements criminels du politicien local Bachoo Yadav (Sayaji Shinde), un homme très populaire dans la région, qui se révèle être un gangster sadique qui terrorise la région avec la complicité passive d’une police qui se dit impuissante. Lorsque Singh tente de mettre un frein aux activités criminelles de Bachoo Yadav, il est même suspendu par son supérieur. Mais le fougueux jeune officier est toujours décidé à combattre l’injustice en général, et son ennemi en particulier…
Première réalisation de E. Nivas, Shool est l’une des premières productions du cinéaste telugu Ram Gopal Varma, installé à Bombay au cours des années 90, qui co-signe également le scénario. Ce drame policier frappe de prime abord par son réalisme brut, quelque chose d’atypique dans le cinéma hindi, même s’il fait penser dans le genre aux réalisations de Mahesh Manjrekar avec Sanjay Dutt du tournant des années 2000, comme Vaastav.
Dans le rôle principal, Manoj Bajpai (déjà présent dans des films de RGV comme le film de gangsters Satya) trouve ici l’un de ses plus beaux rôles : sobre, sombre, tout en retenue et en même temps absolument déterminé, il est décidément l’un des acteurs indiens les plus passionnants de sa génération ; le film, qui est un peu long à démarrer, repose même presque entièrement sur son charisme, tout comme à chaque fois qu’il incarne un protagoniste en détresse (il sera aussi très bon quelques années plus tard dans le film d’évasion 1971). Comme pour Satya, il a obtenu plusieurs prix d’interprétation pour ce rôle marquant.
Face à lui, Sayaji Shinde, lui aussi récompensé pour sa prestation, a vraiment la "gueule de l’emploi" dans le rôle d’un homme odieux, capricieux et pernicieux. Les amateurs de films du sud de l’Inde le connaissent même bien, puisqu’il s’est spécialisé depuis dans ce type de rôle typique du sud, celui d’un véritable gangster de la politique, mielleux devant et vicieux derrière, contre lequel lutte un héros avide de justice, qu’il interprétera à nouveau dans le masala tamoul Dhool avec Vikram. Il est cependant dommage que l’acteur, dans certaines scènes, en rajoute quelque peu dans l’excitation malsaine, allant même jusqu’à pousser la chansonnette. La première partie du film paraît statique par moments à cause de ces scènes naturalistes de discussions des hommes de main avec leur boss ou entre eux, mais ces passages permettent au moins d’apprécier quelques bons dialogues, écrits par Anurag Kashyap (le futur réalisateur de No Smoking et Dev. D), dont l’humour populaire participe du réalisme général. Les seconds couteaux sont d’ailleurs tous crédibles et naturels, bien dirigés, ce qui n’est pas toujours le cas à Bollywood, on peut mentionner par exemple une apparition du très sympathique Rajpal Yadav, qu’on connaît de nos jours pour ses petits rôles comiques, et qui travaillait à ses débuts dans l’écurie Varma (Mast, Jungle, Company).
Le scénario, opposant un flic incorruptible à une police qui a les mains liées par un impitoyable caïd local, n’est ni complexe ni neuf, il ressemble à celui de dizaines de séries B policières indiennes et internationales, mais le réalisateur sait en tirer le maximum grâce à son excellente direction d’acteurs, à son sens de l’ambiance, et à son sens du rythme aussi, ce dernier, faussement languissant, s’emballant parfois pour laisser place à de brèves explosions de violence (plusieurs bagarres assez brutales, dont une à coups de bûches), collant ainsi parfaitement à la personnalité du héros, qui tente la plupart du temps de résister à ses pulsions de faire justice lui-même par peur de mettre en danger sa femme et sa fille. Celles-ci, dont la talentueuse Raveena Tandon, deux personnages classiques de faire-valoir du héros, laissent à penser au début qu’elles n’ont d’autre utilité scénaristique que de se faire enlever par le méchant pour que le protagoniste vienne les délivrer dans une grande scène musclée cathartique, mais le film ne sombre heureusement pas dans ce cliché de film d’action, et opte de façon ambiguë pour encore moins de concessions au cinéma commercial, si l’on peut dire, avec des élans patriotiques enflammés qui, sur la fin, ne feront peut-être pas l’unanimité.
A part trois belles séquences musicales, dont un item number avec Shilpa Shetty et un morceau douloureux avant le climax (seule cette dernière chanson est vraiment une valeur ajoutée), Shool est un polar noir très prenant, porté par un superbe acteur résigné et mélancolique. L’ensemble est un peu trop bavard pour un film aussi sombre, en tout cas dans sa première partie, mais il est plutôt court pour un film hindi pas tout récent (depuis l’hollywoodisation grandissante du milieu des années 2000, les longs-métrages de moins de 2 h 15 sont plus fréquents), et constitue un beau moment de cinéma pour les amateurs de drames réalistes tendus, de films à la fois intimistes, violents et touchants.
Cette première réalisation de E. Nivas égale ainsi presque les meilleures de son mentor Ram Gopal Varma et, avant de se réfugier malheureusement dans des comédies ces derniers temps, il s’illustrera encore notamment avec un autre drame policier assez fin, Bardaasht avec Bobby Deol.