Trishna
Langue | Anglais |
Genre | Drame |
Dir. Photo | Marcel Zyskind |
Acteurs | Freida Pinto, Anurag Kashyap, Kalki Koechlin, Huma Qureshi, Riz Ahmed, Roshan Seth |
Dir. Musical | Amit Trivedi |
Parolier | Shelle |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, Richa Sharma, Kavita Seth, Manish Tipu, Krishan Kumar, Bhanwari Devi |
Producteurs | Sunil Bohra, Melissa Parmenter, Michael Winterbottom |
Durée | 113 mn |
Trishna (Freida Pinto), fille de paysans, habite le Rajasthan avec ses parents. Elle contribue à l’économie familiale en aidant son père, livreur au volant de sa petite fourgonnette, mais aussi en travaillant comme employée d’hôtel lors de la saison touristique. C’est d’ailleurs dans un hôtel au fin fond du Rajasthan qu’elle rencontre Jay Singh (Riz Ahmed), fils d’une Anglaise et d’un richissime Indien, qui voyage avec un groupe d’amis avant de reprendre la gestion d’un des hôtels de luxe de son père. Lorsque le père de Trishna est victime d’un accident de la route, c’est reconnaissante que la jeune femme accepte l’emploi que Jay lui propose dans l’hôtel de son père. En dépit de la différence sociale, les jeunes gens ne sont pas indifférent l’un à l’autre. Un soir, alors que Jay est allé chercher Trishna à une fête de mariage, ils ont une relation. La jeune femme, bien qu’attirée par Jay, est terrorisée par sa double transgression : elle a eu une relation hors mariage avec son patron. Elle retourne alors dans son village. Malheureusement, elle n’est pas très bien accueillie par ses parents, qui renoncent à contre-cœur au salaire de la jeune femme, et ce d’autant plus qu’elle leur avoue être enceinte. Après l’avoir fait avorter, les parents envoient Trishna travailler dans la ferme de son oncle. Là, Jay vient la chercher et lui propose de venir vivre avec lui à Bombay. Trishna est grisée par sa nouvelle vie dans la mégapole indienne et éblouie par les relations sociales de Jay qui la mettent en contact avec le milieu du cinéma. Elle nourrit alors le rêve de devenir danseuse dans les films. Cependant, ses projets d’ascension sociale seront brisés par l’attitude de Jay…
Trishna, dernier film de Michael Winterbottom est la transposition, en Inde contemporaine, du roman de Thomas Hardy, Tess d’Uberville, lequel avait déjà fait l’objet d’une adaptation cinématographique de la part de Roman Polanski avec Nastassja Kinski dans le rôle titre. D’après les interviews du réalisateur, l’Inde contemporaine où les clivages sociaux sont toujours très marqués, mais aussi où les contrastes entre tradition et modernité, ville et campagne sont toujours d’actualité, était le cadre idéal pour transposer l’histoire de ce roman anglais du XIXe. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un classique de la littérature anglaise est transposé à l’Inde contemporaine, puisque la réalisatrice NRI, Gurinder Chandha s’y était déjà essayée avec Bride and Prejudice, sans compter les adaptations faites par les réalisateurs indiens eux-mêmes (je pense à Omkara).
Michael Winterbottom a déjà tourné en Inde auparavant où il a noué des liens avec le milieu cinématographique indien. On se rappelle que Irrfan Khan jouait le rôle d’un inspecteur de police dans Un cœur invaincu et que le vétéran, Om Puri, que l’on ne présente plus, était aussi à l’affiche de Code 46. C’est pourquoi on ne s’étonne pas de voir, dans Trishna, le plus iconoclaste des réalisateurs indiens, Anurag Kashyap, et son actrice et épouse à la ville, Kalki Koechlin, tenir leur propre rôle, dans un brève apparition. Néanmoins, Michael Winterbottom, en dépit de son attrait visible pour l’Inde, n’échappe pas à l’exercice « dépliant touristique » en filmant les paysages ou les palais du Rajasthan, aujourd’hui transformés en hôtels de luxe.
Trishna pourrait être considéré comme un nouvel avatar cinématographique d’un réalisateur anglais en Inde, comme Slumdog millionaire ou Indian Palace, pour ne citer que les derniers. Néanmoins, la transposition en Inde n’est pas qu’une délocalisation exotique puisqu’elle sert l’histoire, en particulier le tiraillement de l’héroïne entre son attachement à l’éducation traditionnelle que lui ont donnée ses parents et sa fascination pour la modernité, représentée par sa relation très libre avec Jay ou par le cinéma. Cette modernité se révèle comme un miroir aux alouettes de sorte que, lorsqu’elle entre en conflit avec la tradition, l’issue ne peut être que fatale. Michael Winterbottom sait rendre parfaitement le pessimisme qui caractérise les romans de Thomas Hardy, d’autant qu’il récidive puisqu’il avait réalisé Jude, adaptation de Jude l’Obscur, dont la fin est digne d’un film néo-réaliste tamoul des plus dépressifs.
Si le changement de cadre spatio-temporel s’avère judicieux pour l’histoire, ce n’est pas le cas de tous les choix d’adaptation réalisés par Michael Winterbottom. En effet, les deux personnages masculins du roman, Alec et Angel, le tentateur dominant et l’idéaliste aimant, sont fusionnés, dans le film, dans le personnage de Jay. Ce choix d’adaptation est le plus discutable pour l’équilibre du film. En effet, lorsque Jay passe brusquement de son rôle d’amoureux à celui de maître dominateur, à la ville comme au lit, on reste perplexe sur les raisons de ce brusque revirement et celle que l’on nous présente ne convainc que moyennement. En revanche, l’évolution du personnage féminin, Tess/Trishna est rendue très subtilement. Ce malencontreux choix d’adaptation quant au personnage masculin, crucial au bon déroulement de l’histoire, plombe un peu la deuxième partie du film qui traîne en longueur et ce, en dépit de la bonne prestation des acteurs, Freida Pinto et Riz Ahmed, qui partageait déjà l’affiche dans Or noir.
La musique, hétéroclite, est signée par Amit Trivedi et Shigeru Umebayashi, le compositeur de Wong Kar Wai. On retrouve avec plaisir la voix du regretté Nusrat Fateh Ali Khan ou des mélodies instrumentales à la 2046, ce mélange accompagnant parfaitement les paysages du Rajasthan ou la fascination du réalisateur pour son actrice principale.
Trishna est sorti sur les écrans français à la mi-juin, à l’heure où j’écris il est encore exploité dans quelques salles en province, en attendant le DVD le 18 octobre, mais sa distribution a presque été confidentielle et sa promotion quasi inexistante, de sorte que le film a complètement été éclipsé par Indian Palace, sorti quelques semaines auparavant et qui bénéficiait de la présence, à l’affiche, de vedettes anglaises, certes vieillissantes. C’est dommage, car les deux histoires n’ont rien à voir l’une avec l’autre et Trishna, en dépit de la faiblesse liée à l’écriture du personnage masculin, est aussi intéressant.