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Ugly

Traduction : Affreux

LangueHindi
GenresPolar, Drame
Dir. PhotoNikos Andritsakis
ActeursRonit Roy, Vineet Kumar Singh, Tejaswini Kolhapure, Rahul Bhat , Anshikaa Shrivastava, Siddhant Kapoor
Dir. MusicalG. V. Prakash Kumar, Brian MComber
ParolierGaurav Solanki
ChanteursShilpa Rao, G. V. Prakash Kumar, Bharka Swaroop Saxena, Christopher Stanley
ProducteursDAR Motion Pictures, Phantom Productions
Durée128 mn

Bande originale

Suraj Hai Kahan
Papa
Ni Chod De
Money

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Fiche IMDB
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La critique de Fantastikindia

Par Alineji - le 3 juin 2014

Note :
(4.5/10)

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Le dernier film d’Anurag Kashyap est sorti sur les écrans français le 28 mai 2014, il avait été présenté au festival de Cannes en 2013 et remarqué par la critique. Il a ensuite été vu dans d’autres festivals dont celui d’Extravagant India ! à Paris en automne de la même année.

Résumons : Rahul (Rahul Bhat), père divorcé, acteur raté en quête de grand rôle, vient récupérer sa fillette Kali dont il a la garde pour le week-end chez son ex-femme, Shalini (Tejaswini Kolhapure). Cette dernière remariée à un policier est à moitié abrutie par un mélange de médicaments et de whisky. La fillette d’une dizaine d’années, à qui son père demande qu’elle l’attende dans la voiture pendant qu’il fait une course de quelques minutes, a disparu à son retour. S’en suit évidemment une recherche immédiate par le père, puis une enquête de police dont le beau-père de la fillette Shumik Bose (Ronit Roy), comme par hasard, prend les rênes…

Une fois n’est pas coutume, cette chronique sera à la première personne et c’est uniquement la vue des affiches dans le métro ou le RER qui m’a poussée à l’écrire. Catharsis ? Certains aiment recevoir des coups de matraque ou des coups dans la figure, moi pas. Rarement, ou même jamais, un film ne m’avait mise aussi mal à l’aise depuis Salò ou les 120 journées de Sodome de Pasolini. Sauf que dans Salò, il y avait un scénario rigoureux, une leçon philosophique, qu’on apprécie ou pas, et même une infime lueur d’espoir dans l’abjection, à la toute fin, et une image impeccable.

Chez Kashyap, il n’y a que de la noirceur et tous les protagonistes sans exception sont abjects, veules. Le metteur en scène semble détester le monde entier et ce qui est plus grave ses personnages. Même la pauvre gamine, avant de se faire kidnapper, a le temps de faire un caprice. Avec un entourage pareil, elle est bien la seule à avoir des excuses. D’aucuns ont évoqué pour ce film des références coréennes. Ne connaissant pas ce cinéma, je m’abstiendrai. D’autres ont parlé d’influences tarantinesques. Ce n’est pas mal vu, si l’on se réfère au Tarantino de Reservoir Dogs et à l’ultra violence dans laquelle il se complaisait à l’époque. C’est judicieux aussi en ce qui concerne la culture cinématographique et la connaissance parfaite des techniques narratives chez les deux auteurs, apprises pour l’une dans les films de série Z hollywoodiens et mexicains, pour l’autre dans les masalas violents des années 90 à Bollywood.

Le rapprochement s’arrête dès qu’il s’agit d’humour et de distanciation. Kashyap en est totalement dépourvu et reste au ras de son sujet… ou de son scénario. Parlons-en donc ! Il est passablement embrouillé et confus, avec une construction qui use et abuse de ficelles, de flashbacks pas toujours judicieux et qui laissent perplexe. A trop vouloir insister sur la laideur, intérieure des personnages et extérieure de la ville, Kashyap par son maniérisme tortueux oublie souvent son scénario en route. Au lieu d’une mise en abîme ou de digressions significatives sur la middle-class de Bombay dans laquelle se déroule l’action, le résultat est l’éparpillement. Ce qui est un des travers fréquents de Bollywood quand les scénaristes se lâchent.

Un bon point pour Ugly : le titre est parfait. L’image est volontairement laide, sinistre, et les couleurs brumeuses, dans des demi-tons glauques qui collent à l’ambiance générale. J’ai dit que Kashyap avait du métier, il le montre. Il le montre même un peu trop à mon sens, mais j’y ai été sans doute plus sensible que les spectateurs qui ont adhéré à sa vision et sont rentrés dans son histoire. Des images comme celle ci-dessous, prise d’une grue, qui montre la foule grouillante et désorganisée d’une rue de Bombay, en dit plus long que tout commentaire sur son savoir-faire. Et on a envie d’applaudir souvent à plusieurs plans, à plusieurs scènes, tous très maîtrisés, mais comme on applaudit un élève doué : maintenant que tu as montré que tu as appris ta leçon, oublie la et fais-nous un vrai film !

Après le scénario, la musique est à mon sens ce qui rattache le plus Kashyap au cinéma populaire indien dont il a l’honnêteté de se réclamer, ayant déjà déclaré en substance à propos de son précédent film, GOW (Gangs of Wasseypur), qu’il avait voulu faire un film commercial et n’avait pas bien compris l’emballement des critiques occidentaux. Nombre d’entre eux s’extasient sur ses œuvres et parlent d’un cinéma qui enfin s’éloigne de Bollywood. Ce sont les mêmes qui ne le connaissent pas et n’en ont en général pas vu un seul, se limitant à dénoncer les clichés qu’ils entretiennent soigneusement : les aspects sirupeux des intrigues, l’eau de rose, etc. Non Kashyap ne s’en éloigne pas, il détourne simplement des codes qu’il a intégrés certainement depuis son enfance. Il les retourne juste pour les utiliser au service de sa narration et de sa vision pessimiste des choses.

La musique, donc, en est le meilleur exemple : dans les romances ou dans les films noirs hindis, elle ne coupe pas l’intrigue, au contraire, elle signale au spectateur un changement d’état d’esprit des héros, une émotion intense, positive ou négative. Bien sûr, chez Kashyap, pas de chorégraphie mais une bande musicale agressive, et très racoleuse, qui ponctue les rebondissements et joue excessivement sur l’effet de surprise. Il nous fait à plusieurs reprises le coup très crispant du Bououh ! lancé de derrière la porte. Il en use beaucoup plus que ne le font les plus médiocres films commerciaux indiens. Cela seul confirme à mes yeux que Kashyap est aujourd’hui un metteur en scène très surestimé, au vu de son oeuvre distribuée en France.

Mais, il faut lui rendre cette justice, comme précédemment chez Kashyap, il n’y a pas de rôles trop secondaires pour être négligés dans son cinéma. Les acteurs sont tous très bons et se surpassent. Dans des rôles peu gratifiants, leur qualité de jeu est encore plus visible et c’était un défi pour eux. Kashyap est un vrai dénicheur de talents, c’est incontestable, il l’a déjà montré et a pas mal contribué par exemple à la reconnaissance de celui de Nawazuddin Siddiqqui, grâce au rôle qu’il lui a fait tenir dans la seconde partie de GOW. Une mention spéciale ici pour Vineet Kumar Singh dans l’emploi difficile de Chaytanya, l’ami ignoble et l’agent de Rahul, et aussi pour l’acteur principal Rahul Bhat qui pourrait bien y trouver un tremplin pour sa carrière.

En conclusion, à mes yeux Ugly est un film racoleur, pour ne pas employer un terme plus vulgaire, et surtout inabouti, confus. Certes, il prend réellement aux tripes, au sens fort et réel de l’expression et on a vraiment l’estomac au bord des lèvres à la fin. C’est voulu a dit Kashyap. En ce sens, c’est réussi. Mais est-ce du grand cinéma ? Je ne le crois sincèrement pas et je souhaite que le metteur en scène apprivoise son talent et surtout le mette au service de récits plus subtils, plus nuancés et moins manichéens dans la noirceur et l’abjection. On l’attend avec son prochain film qui mettra en scène Anushka Sharma et Karan Johar entre autres.

Un dernier mot sur la catégorie dans laquelle intégrer Ugly, film indépendant par le financement, lequel a été très difficile à trouver d’après Anurag Kashyap, et on n’a pas de mal à le croire. S’il m’est arrivé à plusieurs reprises d’être gênée par nos propres classifications « bollywood », « kollywood »… et « autres cinémas », c’est sans état d’âme que je classe ce film dans « bollywood », et pas dans le meilleur puisqu’il avance masqué, tout en lui empruntant beaucoup.

En revanche, je mettrais 10 sur 10 à la bande annonce que voici :
 

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