Yamadonga
Langue | Telugu |
Genres | Film de science-fiction, Masala |
Dir. Photo | K. K. Senthil Kumar |
Acteurs | Priyamani, Ali, N. T. Rama Rao Jr., Mohan Babu, Mamta Mohandas, Kushboo |
Dir. Musical | M. M. Keeravani |
Paroliers | Ananth Sreeram, Bhuvanachandra |
Chanteurs | Vasundhara Das, Ranjith, Daler Mehndi, Lucky Ali, Madhu Balakrishnan, Deepu, Mano, Sangeetha, M. M. Keeravani, Bela Shende, Mamta Mohandas, Pranavi, Jr. NTR, Pranavi |
Producteurs | Cherry, Urmila Gunnam |
Durée | 186 mn |
Le dernier blockbuster de Rajamouli est tout simplement le plus grand succès telugu de 2007, avec pas moins de 30 crores au box-office malgré sa sortie durant les attentats qui endeuillèrent Hyderabad. C’est la troisième collaboration entre le réalisateur et Nandamuri Taraka Ramarao (NTR Junior), après Student n°1 (le premier succès de l’acteur) et Simhadri, qui furent de gros succès eux aussi. Yamadonga est cependant la plus aboutie de ces collaborations, puisqu’il rajoute au facteur entertainment habituel des productions Rajamouli une dimension mythologique qui donne toute son originalité à ce masala. Finalement, il semblerait donc qu’il soit possible de faire un masala original et de rencontrer son public.
Raja (NTR Jr.) est un escroc prêt à toutes les manigances pour assurer sa pitance et ce depuis toujours. En effet, dès son enfance, il escroque une jeune héritière qui, innocente, lui fait don d’une précieuse amulette, qu’il s’empresse de revendre chez un prêteur sur gage… Mais à travers les années, le collier lui revient toujours sans qu’il ne parvienne à s’en débarrasser. Bien plus tard, Raja rencontre une ravissante créature, Mahi (interprétée par Priyamani), dont il s’éprend rapidement. Comme de bien entendu, il s’agit de la petite fille au médaillon. Un masala tout ce qu’il y a de plus classique me direz-vous, mais fort bien mené cela dit, car on reconnaît la patte de Rajamouli dans la qualité de la production. Cependant le film prend une tournure mythologique totalement inattendue lorsque le héros est appelé à répondre de ses péchés auprès du seigneur des enfers lui même : Yama (Mohanbabu).
Le 2ème tiers du film se déroule dans les enfers, la terre du seigneur Yama, ce qui rend le film particulièrement original. Si les films et séries mythologiques sont monnaie courante dans le paysage audiovisuel indien (comme les succès récents Imsai Arasan 23am Pulikesi ou Sri Ramadasu), le mélange masala/mythologie est quant à lui beaucoup plus rare. Contrairement à nombre de séries du genre qui s’avèrent rébarbatives pour les non-initiés du panthéon divin hindou, ces scènes s’avèrent très divertissantes et relancent le film. Les secrets d’alcôves et intrigues de cour qui sont dépeintes sont fort intéressants. Le décalage créé entre le personnage de Raja, et ses entourloupes très actuelles, et les dieux en costumes renforce l’aspect comique de la sous-intrigue. Les effets spéciaux restent le point faible de cette partie, tout spécialement en ce qui concerne les déplacements des personnages à bord d’un char céleste. La 3D n’atteint pas encore des niveaux hollywoodiens… Paradoxalement, c’est aussi lors de ces aventures surnaturelles que les effets spéciaux les plus réussis du film apparaissent. Comme dans Forrest Gump ou, plus proche géographiquement, dans le récent Om Shanti Om, le héros de Yamadonga partage l’écran avec des personnages d’antan grâce à la magie de l’informatique. Ici NTR Jr. danse auprès de son grand-père, la super-méga-star telugu NTR, à l’occasion d’une chanson mémorable où apparaissent également les actrices Archana (Veda), Preeti Jingyani et Navneet Kaur.
Les autres scènes chantées de Yamadonga sont également des réussites. Partagées entre scènes romantiques à l’ancienne situées sur terre dans des paysages merveilleux, passages de l’ordre du fantastique dans le royaume de Yama, et une unique chanson mise en boîte façon clip, elles ont en commun une opulence des couleurs et des chorégraphies, artistiquement et visuellement parfaites. Les jeux de géométrie entre les paysages et les formations de danseurs filmés en plan large, typiques des productions Rajamouli, sont un ravissement pour les yeux. NTR Jr. s’impose ici comme un danseur virtuose au summum de ce qu’offre le cinéma indien, seul Hrithik soutenant la comparaison. Servi par une bande son de M.M. Kreem très réussie, Yamadonga est un succès musical certain. Pour couronner le tout, le background score aussi est excellent, ce qui n’est pas si commun…
Le dernier tiers du film est consacré au retour de Raja sur terre, où il est suivi par le dieu Yama incarné pour l’occasion en femme. Même si les histoires d’enfants se retrouvant à l’âge adulte ne sont pas une nouveauté (voir Jayam), le traitement comporte suffisamment de fraîcheur pour éviter les situations par trop convenues ; le facteur fantastico-mythologique garantit un dépaysement salvateur.
Priyamani en tant que Mahi est sympa mais sans grand relief, elle se fait voler la vedette (féminine) par la quasi-divine Mamta Mohandas, chanteuse à la voix de velours, et actrice au physique enchanteur. On avait pu juger de sa voix dans certains films comme Rakhee, la voilà actrice et c’est un bonheur ! Non seulement elle est belle, mais elle joue bien, sa prestation d’un dieu masculin incarné dans un corps féminin est assez crédible, son expression corporelle étant totalement différente de celle qu’elle emploie dans le reste du film. Les éternels seconds rôles comiques telugus Ali et Brahmananda tournent ici à plein régime, dans un registre plutôt plus subtil qu’à l’accoutumée pour Brahmananda et toujours aussi loufoque pour Ali (il faut le voir en automate chien de garde pour comprendre jusqu’à quel point le ridicule ne tue pas).
Un constat s’impose dès les premières images du héros adulte : NTR Jr. a incroyablement minci ! Il est méconnaissable par rapport à ses derniers films, ce n’est plus le même que dans Simhadri par exemple… Et ce régime drastique (a-t-il le même diététicien que Adnan Sami ?) lui a fait le plus grand bien, surtout, on ne le répètera jamais assez, pour la qualité de ses danses. Seul regret : la longueur et la coupe de cheveux de NTR Jr. varient sans cesse, à tel point qu’on en vient à se demander si c’est bien volontaire ou un problème de raccord à la Akki (Akshay Kumar) dans un Khiladi quelconque… Le régime de NTR Jr. l’autorise aussi à faire des scènes d’action improbables, où il bastonne tout ce qui bouge en virtuose, rebondissant contre les murs ou se faufilant entre les barreaux d’une échelle, telle un Jackie Chan dravidien. Clin d’œil à la star hongkongaise accentué par une reprise de la scène de la boule géante enfermant le héros qui a fait les beaux jours d’Opération Condor de Jackie Chan… Un bémol tout de même quant à sa prestation lors des scènes dramatiques réglementaires de tout masala : si NTR Jr. souhaite s’imposer comme un acteur majeur sur le marché du sud de l’Inde, il lui faudra maîtriser plus finement le rendu des émotions. Pour l’heure, il stagne au niveau des soaps de fin de soirée de la chaîne du satellite Gemini.
Le casting ne serait rien sans Mohan Babu, dont la prestation peut être qualifiée de mythique. Complètement investi dans son rôle, il emprunte le phrasé des anciens acteurs et se permet de rajouter des envolées lyriques avec une aisance hors du commun. Son personnage est d’ailleurs le plus abouti et le plus marquant du film. C’est un vrai retour en grâce pour cette ancienne star des années 90 (il a joué dans près de 500 films) qui dominait le box-office outrageusement, et que l’on surnommait "Collection King" ou "Dialogue King". Mais à l’aube des années 2000, les flops (notamment de sa maison de production) se sont enchaînés et l’acteur était relégué au second plan. Yamadonga a clairement redonné du souffle à sa carrière, puisqu’il sera dans Bajjigudu prochainement.
Rajamouli, comme à son habitude, s’est entouré de quelques-uns des meilleurs techniciens d’Inde : il en ressort une photographie de Senthil Kumar riche et soignée, une grande variété des cadrages, etc.
On aura bien compris que Yamadonga est un divertissement de grande qualité, avec une maîtrise technique et une originalité qui font la différence avec les productions standards qui abreuvent actuellement le cinéma telugu. On pourra donc se délecter d’un bon film sans se prendre la tête.